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Expert - Politique Chinoise

Chine : de Shenzhen à la tête du Hebei, le parcours de Xu Qin

Xu Qin (au centre), alors maire et secrétaire du Parti à Shenzhen, lors du sommet de coopération Hong Kong/Shenzhen, à Hong Kong, le 3 janvier 2017. (Crédits : EYEPRESS NEWS / via AFP)
Xu Qin (au centre), alors maire et secrétaire du Parti à Shenzhen, lors du sommet de coopération Hong Kong/Shenzhen, à Hong Kong, le 3 janvier 2017. (Crédits : EYEPRESS NEWS / via AFP)
Nouveau jeu de chaises musicales dans les provinces chinoises, à six mois du 19ème Congrès du Parti. Jusqu’à la fin mars, Xu Qin (许勤), né en 1961, était le maire et secrétaire du PC à Shenzhen. Début avril, il est venu remplacer Zhang Qingwei (张庆伟), né la même année que lui, comme gouverneur de la province du Hebei. Un transfert stratégique pour chapeauter le lancement de la nouvelle zone économique spéciale de Xiong’an près de Pékin, destinée à rivaliser avec Pudong à Shanghai et Shenzhen.

Le test de Wang Yang et du « modèle du Guangdong »

*Le modèle de Chongqing met l’accent sur le contrôle étatique prisé par la nouvelle gauche économique en Chine (新左派); par exemple, le resserrement du control fiscal, la protection des entreprises d’État ou l’augmentation du rôle de la planification.
C’est en avril 2008 que Xu Qin a été transféré à Shenzhen pour venir remplacer Ma Xingrui (马兴瑞), né en 1959, allié de Xi Jinping et maintenant gouverneur du Guangdong. Pour comprendre le parcours de Xu Qin, il faut savoir d’abord qu’il a auparavant siégé comme membre de la commission nationale de la planification, devenue plus tard la commission nationale pour la réforme et le développement. C’est alors qu’il a connu Wang Yang lorsque ce dernier était directeur-adjoint de la commission centrale de la planification, mais aussi lors de sa reprise du Guangdong (2007-2012) des mains de Zhang Dejiang (张德江), alors promu au conseil d’État aux côtés de Li Keqiang. En ce sens, Xu a cheminé pendant un certain temps sous Wang, allié de Hu Jintao. Il est donc l’un des représentants, de par son expérience à Shenzhen, du modèle du Guangdong (广东模式). Un modèle qui met l’accent sur une approche économique plus progressiste et libérale, par opposition au « modèle de Chongqing » (重庆模式) défendu par le rival politique de Wang à l’époque, Bo Xilai*.
Xu a été envoyé au Hebei pour en devenir le gouverneur et le secrétaire adjoint du Parti à la fin mars dernier, soit quelques jours avant l’annonce officielle de la mise en place de la nouvelle zone économique de Xiong’an (雄安新区) par le pouvoir central. L’arrivée de Xu n’est donc pas le fruit du hasard. Le gouvernement de Pékin avait besoin d’un cadre expérimenté à même d’opérer l’ouverture et la gestion d’une zone économique spéciale, ce qui n’était pas dans les cordes de Zhang Qingwei – maintenant secrétaire du Parti pour le Heilongjiang. Xu sera appuyé par deux nouveaux gouverneurs-adjoints – arrivés à la fin mars également, soit Xu Jianpei (徐建培) et Li Qian (李谦), tous deux nés en 1960. Ces derniers, pour l’instant considérés comme « sans affiliation », viennent remplacer en partie Yang Chongyong (杨崇勇), né en 1955 et mis aux arrêts par la Commission centrale d’inspection et de discipline du Parti le 11 avril dernier.

Que penser de Zhang Qingwei ?

Cela nous amène à Zhang Qingwei, un cadre très prometteur issu du secteur de l’aérospatial. Bien qu’il ne soit pas né dans le Hebei, Zhang n’est pas parvenu à se faire nommer chef du Parti de la province. Considérant que les chefs provinciaux du Parti sont choisis directement par les hautes instances à Pékin, cette absence de promotion continue sur la côte est pourrait indiquer un possible manque de confiance de le part de Xi Jinping envers Zhang. Surtout pour ce qui concerne l’après-19ème Congrès cet automne. Zhang est-il vraiment un « homme de Xi » qui lui restera loyal après sa mi-mandat ? C’est peut-être à cette question que le numéro un du Parti communiste chinois n’arrive pas à répondre. C’est aussi sûrement ce qui explique le transfert de Zhang vers le Dongbei, région qui n’est pas reconnue pour être un tremplin vers une promotion au sein des instances centrales du Parti.
*Cela dit, la carrière de Chen reste en suspens depuis certaines allégations de corruption qui datent de 2015, lorsqu’il travaillait au Liaoning sous Chen Zhenggao (陈政高), né en 1952, un allié de Li Keqiang.
Zhang Qingwei sera appuyé d’une équipe remaniée depuis début mai : Chen Haibo (陈海波), né en 1962, secrétaire du Parti à Harbin et maintenant secrétaire-adjoint* de la province ; Wang Zhaoli (王兆力), né en 1962, membre du comité permanent et secrétaire du bureau provincial des réclamations de terres arables (省农垦总局) ; Jia Yumei (贾玉梅), né en 1963, nouveau membre du comité permanent et secrétaire de Daxing’anling. Ceux-ci viennent remplacer Huang Jiansheng (黄建盛), né en 1957, et Li Lei (李雷), né en 1958, tous deux sur le chemin de la retraite.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.