Société

Corée du Nord : l'angoisse d'un conflit imminent et la réalité des risques

Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi lors d'une conférence de presse avec à Pékin le 14 avril 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Fred DUFOUR)
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi lors d'une conférence de presse à Pékin le 14 avril 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Fred DUFOUR)
Facile comme un Tweet. « Le problème de la Corée du Nord sera résolu », a assuré un Donald Trump à double face ces derniers jours : à la fois bombant le torse et reconnaissant que la situation sur la péninsule coréenne est plus « compliquée » qu’il ne l’imaginait. Une légèreté qui ne rassure pas les Chinois pour qui « un conflit peut éclater à tout moment ». En effet, les navires de guerre envoyés ce week-end par les Américains sont positionnés pour frapper la Corée du Nord, qui se prépare à un 6ème essai nucléaire ce samedi 15 avril. Mais sera-t-il aussi facile à Washington d’assumer les conséquences de frappes comme en Syrie ou en Afghanistan ? Pas sûr.
« Après avoir écouté pendant 10 minutes, je me suis rendu compte que ce n’est pas si simple. » Ainsi parlait benoîtement Donald Trump dans une interview au Wall Street Journal ce mercredi 12 avril. 10 minutes, c’est le temps que le président américain a écouté son homologue chinois Xi Jinping lui expliquer l’histoire des relations entre la Chine et la Corée du Nord, lors de leur rencontre à Mar-a-Lago le week-end dernier. Une fois n’est pas coutume, Trump a témoigné d’une soudaine humilité en prenant conscience que le problème du nucléaire nord-coréen ne pourrait pas être résolu sans Pékin, mais que Xi Jinping ne tenait pas non plus Kim Jong-un dans sa main comme une marionnette. Une attitude plus compréhensive, qui illustre le revirement du président américain à l’égard de la Chine.
Mais cette volte-face ne parvient pas à dissiper l’inquiétude grandissante dans toute l’Asie du Nord-Est. Pour Pékin, il est urgent de tirer la sonnette d’alarme : « Un conflit peut éclater à tout moment », a déclaré ce vendredi 14 avril Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, cité par le Straits Times. « Si une guerre a lieu, il en résultera une situation où tout le monde perdra », a soutenu Wang Yi lors d’une conférence de presse à Pékin avec son homologue français Jean-Marc Ayrault. Quel que soit le pays agresseur, a renchéri le chef de la diplomatie chinoise, « il devra en assumer la responsabilité historique et en payer le prix. » A Pyongyang, le gouvernement fait déjà porter la responsabilité de la situation à Donald Trump. Les Américains ont plongé la péninsule dans un « cercle vicieux », a dénoncé Han Song-ryol, le vice-ministre nord-coréen des Affaires étrangères dans une interview à l’agence Associated Press, rapportée par le Korea Times. « Nous procèderons à des essais nucléaires chaque fois que le pouvoir suprême le jugera bon », a martelé le haut diplomate.
Comment jauger la situation ? Certes, Le déploiement militaire américain autour de la péninsule coréenne se précise. Après l’envoi du porte-avion USS Carl Vinson ce samedi 8 avril, Washington a placé deux destroyers à moins de 300 mètres des centrales nucléaires nord-coréennes, et des bombardiers sont postés près de l’île de Guam « en vue d’une provocation de Pyongyang », selon un haut responsable du Pentagone cité par le Korea Times. Objectif : pouvoir lancer des attaques préemptives (preemptive strikes), qui se distingue des frappes préventives, parce qu’elles répondent à un danger imminent. Côté nord-coréen, des « activités intenses » se poursuivent pour préparer un 6ème essai nucléaire ce samedi, pour le 105ème anniversaire de Kim Il-sung. L’information issue d’images satellites émane du think tank américain CSIS, dont un rapport prédit « à 58 % » l’imminence d’un test dans les deux semaines à venir.
Cependant, malgré les grandes approximations de Trump, ses conseillers à la Maison-Blanche savent qu’il ne sera pas aussi évident de frapper la Corée du Nord que la Syrie ou l’Afghanistan avec « la mère des bombes ». Dans le cas de représailles militaires américaines à un essai nucléaire nord-coréen, le régime de Kim Jong-un riposterait en visant directement la Corée du Sud et le Japon. Dès lors, Washington verraient ses alliés en Asie demander une protection immédiate. « À l’exception de l’Indonésie, les États-Unis ont une obligation conventionnelle de venir défendre tous ces pays », rappelle le Korea Herald. Le régime de Pyongyang est déjà freiné par des sanctions onusiennes, une résolution diplomatique et économique serait plus efficace, selon le quotidien sud-coréen.
Par Sarah Suong Mazelier

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