Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

La deuxième guerre de Corée aura-t-elle lieu ?

Wu Dawei, l'émissaire spécial de la Chine pour les affaires coréennes, et Kim Hong-kyun, le représentant de la Corée du Sud aux pourparlers à six lors de leur rencontre à Seoul le 10 April 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / JUNG Yeon-Je)
Wu Dawei, l'émissaire spécial de la Chine pour les affaires coréennes, et Kim Hong-kyun, le représentant de la Corée du Sud aux pourparlers à six lors de leur rencontre à Seoul le 10 April 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / JUNG Yeon-Je)
Et si la péninsule coréenne était à l’aube d’un engrenage conduisant à une deuxième guerre après celle de 1950 ? C’est la peur qui a soudain saisi les médias sud-coréens. Nous sommes « prêts à la guerre » avec les États-Unis, a répondu Pyongyang ce mardi 11 avril après le déploiement américain d’une flotte de guerre depuis ce week-end près de la péninsule coréenne. A l’approche du 105ème anniversaire de la fondation de la Corée du Nord le 15 avril prochain, un 6ème essai nucléaire est fort probable. Quelles seraient alors les représailles de l’administration Trump ? Un bombardement des sites nucléaires nord-coréens ? Le scénario noir hante plus que jamais les observateurs.
« Prête à réagir à n’importe quel genre de guerre voulue par les États-Unis. » Voilà la réponse de la Corée du Nord à Donald Trump, dans un communiqué de l’agence de presse KCNA à Pyongyang. Les familiers du langage officiel du régime nord-coréen ne s’étonneront pas. Mais cette déclaration prend un relief nouveau alors que Washington a envoyé ce week-end le porte-avion USS Carl Vinson accompagné d’un groupe de croiseurs, quelques jours après ses frappes surprises en Syrie. « Nous tiendrons les États-Unis totalement responsables des conséquences catastrophiques provoquées par ses actions scandaleuses », prévient le communiqué nord-coréen. Concrètement, que peut-il se produire ? L’anniversaire de la fondation de la république démocratique populaire de Corée serait une occasion rêvée pour Kim Jong-un de réaliser le 6ème test nucléaire attendu officieusement depuis quelques semaines, rapporte le Straits Times. D’après les dernières images satellites américaines, un tel test serait en préparation et, selon le site 38 North, sa charge explosive serait 14 fois plus forte que le 5ème test nucléaire (15 à 20 000 tonnes). D’une manière générale, si Pyongyang persiste dans son programme nucléaire, c’est pour mettre sur pied d’ici deux ans un arsenal opérationnel de missiles balistiques intercontinentaux à longue portés (ICBM), capables d’atteindre la Corée du Sud et surtout les États-Unis, rappelle le journal singapourien.

Toujours est-il que la situation de ces derniers jours ne laisse pas d’inquiéter à Séoul. « La deuxième guerre de Corée est-elle imminente ? » se demande le Korea Times. Pour tenter de répondre, le site sud-coréen a interrogé quatre spécialistes sud-coréens. Pour le docteur Kim Dong-yub de l’Institut d’Études de l’Extrême-Orient, le tir d’un missile balistique nord-coréen est plus probable qu’un test nucléaire. Dans le cas où les États-Unis attaqueraient frontalement la Corée du Nord, celle-ci répliquerait en visant sa voisine du Sud, ce qui « nuirait gravement » aux relations entre Séoul et Washington. Ce scénario n’est pas exclu mais les risques sont minimes, nuance l’expert. Si l’administration de Trump ne veut pas « être accusée de crime contre l’humanité », souligne Kim Dong-yub, elle devra avoir une raison valable pour frapper le régime de Kim Jong-un. Peu enclin à prédire un test nucléaire, le professeur Chung Sung-yoon de l’Institut coréen pour l’Unification nationale, croit pour sûr à une « provocation militaire » d’ici « un mois ou deux ». La Corée du Nord « doit démontrer sa capacité à contrôler les bombes à hydrogène, et non les bombes atomiques », précise Kim Jae-chun de l’Université de Sogang. Selon lui, Pyongyang a « les compétences pour miniaturiser et normaliser ses armes nucléaires ». Le chercheur ne cahce son pessimisme : dans l’éventualité d’une provocation nucléaire du régime de Kim Jong-un, les États-Unis frapperaient le centre de recherche scientifique nucléaire de Yongbyon. Les deux Corées seraient donc précipitées dans une guerre nucléaire.

Pas question d’envisager un tel scénario à Pékin. « Toutes les parties concernées devraient faire preuve de retenue et éviter les activités susceptibles d’aggraver les tensions », a déclaré ce lundi 10 avril Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères cité par le Global Times. Pour tenter d’apaiser les tensions et montrer son initiative diplomatique, la Chine a envoyé à Séoul ce lundi son émissaire spécial pour les affaires coréennes, Wu Dawei, afin de s’entendre avec Kim Hong Kyun, l’émissaire sud-coréen des pourparlers à six. Selon l’agence Yonhap cité par le Straits Times, les deux hommes ont convenue d’adopter de « nouvelles mesures conformément aux résolutions de l’ONU si la Corée du Nord effectue de nouveaux essais nucléaires et balistiques ». Mais ni le Chinois ni le Sud-Coréen n’ont évoqué l’option militaire. Pas un mot non plus sur l’hypothèse d’une frappe américaine sur la péninsule coréenne.

Par Sarah Suong Mazelier

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