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Expert – Politique chinoise

Chine : Guo Shuqing, le nouveau policier du secteur bancaire

Guo Shuqing, le nouveau directeur de l'autorité de supervision et de régulation.
Guo Shuqing, le nouveau directeur de l'autorité de supervision et de régulation. (Crédit : Zhang ruomeng / Imaginechina / AFP).
Il est un domaine où la charge de travail est immense en Chine : celui de la régulation des banques, des assurances et des marchés financiers. Cette mission est confiée à la Commission de supervision et de régulation (China Banking Regulatory Commission – CBRC 中国银行业监督管理委员会), sous l’autorité directe du Conseil des affaires d’État depuis sa création en 2003. Elle est notamment responsable de la réglementation, de la surveillance et du contrôle des institutions financières chinoises et étrangères implantées en Chine. Des fonctions bien différentes de celle de la Banque de Chine qui n’est « que » la banque centrale de la République Populaire et qui a donc laissé toute la gestion quotidienne des banques à l’autorité de supervision et de régulation. Or, depuis, le 23 février dernier, cette agence a un nouveau chef : Guo Shuqing (郭树清), l’ancien gouverneur de la province du Shandong. Itinéraire d’un cadre réputé proche de Zhu Rongji [朱镕基], ancien Premier ministre chinois entre 1998 et 2003 et membre de la « faction des réformateurs » [gaigepai – 改革派].
*Né en 1950, Lou sera ministre des Finances (2013-2016) et placé au conseil d’administration du Fonds national pour la sécurité sociale [全国社会保障基金理事会] en novembre 2016. **Né en 1946, Ma Kai sera mis à la tête de la NDRC en 2003 et entrera au Politburo en 2012. ***Né en 1936, c’est le fils de Jin Weiying [金维映], la troisième ex-femme de Deng Xiaoping et de Li Weiyan [李维汉], l’un des patriarches du Parti ayant fait la révolution aux côtés de Mao et Deng.
Né en 1956, Guo Shuqing est originaire de Mongolie-Intérieure, diplômé de l’université de Nankai à Tianjin et de l’Académie Chinoise des sciences sociales [中国社会科学院]. Très tôt, il attire l’attention de Zhu Rongji, à l’époque directeur-adjoint de la Commission nationale de l’économie et du commerce [中华人民共和国国家经济贸易委员会]. Guo chemine alors, de 1986 à 1998, dans plusieurs centres de recherche placés directement sous l’autorité de la Commission centrale de la planification [国家计划委], puis de la Commission nationale des réformes du système économique [国家经济体制改革委员会] – toutes appartenant à la très puissante Commission Nationale pour le Développement et la Réforme (NDRC). Durant ses premières années, Guo entre en contact avec d’autres protégés de Zhu Rongji, parmi lesquels Lou Jiwei [楼继伟]*, qu’il suit à la trace en lui succédant à la Direction du département des contrôles de systèmes macro [宏观调控体制司] en 1995, et Ma Kai [马凯]**, à l’époque directeur-adjoint de la Commission nationale de réformes du système économique sous la direction de Li Tienan [李铁映]***, déjà membre du Politburo depuis 1987.
*Né en 1958, Xiao est l’ancien secrétaire de Zhu Rongji. Il fut tour à tour vice-gouverneur de la Banque de Chine, président du conseil d’administration et également président de la Commission de la règlementation des valeurs mobilières (2013-2016). **Né en 1958, Yi Gang devient vice-gouverneur de la Banque de Chine (depuis 2007) et vice-directeur du Bureau du petit groupe dirigeant sur les Finances et l’Economie du Comité central [中央财经领导小组办公室副主任]. De 10 ans le cadet de Zhou Xiaochun, il pourrait, selon certains, devenir le prochain gouverneur de la Banque de Chine
. En 1998, Guo est envoyé au Guizhou comme gouverneur-adjoint de la province, soit quatre mois seulement après le retour de Lou à Pékin nommé ministre-adjoint des Finances. A l’époque, Zhu Rongji s’était d’emblée opposé à cette mesure de « mobilité » décidée par le département de l’Organisation pour le jeune Guo. De retour à Pékin en 2001, Guo Shuqing se trouve placé à la vice-direction de la Banque de Chine, aux côtés de Xiao Gang [肖钢]*, et à la tête du Bureau national de l’administration des devises étrangères [国家外汇管理局] jusqu’en 2005. Durant ce bref passage, Guo rencontre deux autres « hommes de Zhu Rongji » : Liu Shiyu [刘士余] (né en 1961), alors directeur du bureau des affaires générales de la Banque de Chine et assistant au gouverneur, et Yi Gang [易纲]**, directeur de la section des politiques monétaires de la Banque de Chine.
Dès mars 2005, Guo remplace Zhang Enzhao [张恩照] (né en 1946), mis en examen pour corruption, en tant que président du conseil d’administration la Banque de la Construction [中国建设银行]. Il est alors cadre de rang vice-ministériel depuis 1998, année de ses 42 ans. Promu en 2011 à la présidence de la commission de règlementation des valeurs mobilières [中国证券监督管理委员会主席], il vient remplacer un autre des hommes de Zhu Rongji, Shang Fulin [尚福林] (né en 1951). Le parcours de Guo, comme celui de Shang, est très similaire à celui de Zhou Xiaochuan [周小川], l’actuel gouverneur de la Banque de Chine. Ce dernier, né en 1946, est l’ancien directeur de l’administration des devises étrangères (de 1995 à 1998), directeur de la Banque de la Construction entre 1998 et 2002 et directeur de la commission de la règlementation des valeurs mobilières entre 2000 et 2002 avant d’entrer à la Banque de Chine. Après une « pause » de quatre ans comme gouverneur du Shandong (il fût nommé en remplacement de Jiang Daming [姜大明]), Guo est finalement rappelé au centre pour reprendre les rênes de l’autorité de supervision et de régulation, succédant là encore à Shang Fulin.
*Wang a notamment été en poste à la Banque de la construction de 1989 à 1997.
Le retour de Guo vers Pékin aux commandes d’une commission telle que celle-ci ne doit pas être perçu comme une déchéance, même si le fait de revenir vers le secteur administratif affecte, voire réduit à rien dans ce cas précis, les chances de ce dernier de parvenir au Politburo. Il faut plutôt y voir son appartenance au clan des « hommes de Zhu Rongji », qui portent souvent le label de « faction des réformateurs ». Ces derniers ont tous été placés par l’ancien Premier ministre à des postes-clés de l’économie (banques, centres de recherche, commissions), et demeurent jusqu’à aujourd’hui peu ennuyés par le pouvoir politique. Et pour cause, Wang Qishan* est lui-même un des protégés de Zhu Rongji ! C’est ce qui explique en partie pourquoi Zhou Xiaochun a pu demeurer en poste si longtemps à la tête de la Banque de Chine et pourquoi cette faction semble résister aux affrontements internes au Parti depuis 2012.

Cependant, l’heure n’est pas de tout repos pour Guo. Il devra s’attaquer à d’importants problèmes, dont les prêts non performants (NPL) faits aux entreprises d’État, et bien entendu, à l’ouverture des marchés internes et externes qui semblaient se refermer depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping.

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A propos de l'auteur
Alex Payette (Phd) est co-fondateur et Pdg du Groupe Cercius, une société de conseil en intelligence stratégique et géopolitique. Ancien stagiaire post-doctoral pour le Conseil Canadien de recherches en Sciences humaines (CRSH). Il est titulaire d’un doctorat en politique comparée de l’université d’Ottawa (2015). Ses recherches se concentrent sur les stratégies de résilience du Parti-État chinois. Plus particulièrement, ses plus récents travaux portent sur l’évolution des processus institutionnels ainsi que sur la sélection et la formation des élites en Chine contemporaine. Ces derniers sont notamment parus dans le Journal Canadien de Science Politique (2013), l’International Journal of Chinese Studies (2015/2016), le Journal of Contemporary Eastern Asia (2016), East Asia : An International Quarterly (2017), Issues and Studies (2011) ainsi que Monde Chinois/Nouvelle Asie (2013/2015). Il a également publié une note de recherche faisant le point sur le « who’s who » des candidats potentiels pour le Politburo en 2017 pour l’IRIS – rubrique Asia Focus #3.