Comment la Chine déploie son "réseau intelligent" ou "smart grid"
Contexte
C’était la promesse de la Chine en signant l’accord de la COP21 à Paris sur le climat : la part relative du charbon dans le mix énergétique chinois devra passer d’ici 2020 de 65 à 55 % et celle des énergies vertes de 12 à 15 %. Ce volontarisme s’explique notamment par l’impact environnemental dont les coûts économiques et politiques sont en nette hausse. Exemple à Pékin, où 80 % des cancers sont liés à la pollution, et où la population proteste de plus en plus contre les problèmes de qualité de l’air. Début 2017, le gouvernement a procédé à de nombreuses annulations de permis de construire ou d’exploitation de centrale à charbon – 47 centrales en construction et 57 en projet ont été annulées.
Le smart grid, au cœur de la troisième révolution industrielle
25 % des dépenses mondiales du secteur en 2020
Le déploiement du smart grid en Chine a été planifié en trois étapes selon la State Grid Corporation of China (SGCC), le principal énergéticien chinois. Les années 2009 et 2010 ont été consacrées à la planification et aux tests techniques, avant que l’essentiel du réseau soit déployé entre 2011 et 2015. De 2016 à 2020, le réseau sera enfin amélioré afin d’atteindre un déploiement complet à l’horizon 2020.
L’émergence d’une filière industrielle nationale
Le smart grid représente aussi un gigantesque marché au niveau mondial qui pèsera près de 400 milliards de dollars en 2020. Voilà un relais de croissance intéressant pour l’industrie chinoise, notamment pour les équipements (hardware). Les autorités de Pékin encouragent et orientent donc la R&D dans ce domaine : l’essentiel des efforts est ici réalisé par la SGCC à travers le National Energy Smart Grid Technology R&D Center.
Par ailleurs, Les partenariats avec les entreprises étrangères sont encouragés, dans la lignée de la stratégie d’assimilation par les entreprises chinoises. Par contre, sur la partie hardware, les partenariats sont de plus en plus limités, aussi bien en raison du bon niveau des entreprises chinoises que des questions de sécurité des réseaux. Sur ce segment, l’innovation sera sans doute motivée par la concurrence entre acteurs nationaux.
Des opportunités existent, et pour plusieurs années au moins, sur le marché des services associés au smart grid. En effet, pour optimiser le fonctionnement du dispositif, une importante couche logiciel est nécessaire. La qualité de celle-ci s’appuie grandement sur l’expérience de la gestion de réseaux électriques. La France, autour d’un acteur comme EDF, est particulièrement bien positionnée en termes de gestion d’un parc de production et distribution électrique, ainsi que de connectivité transnationale. L’Allemagne met en avant son expérience de l’intégration des énergies renouvelables au réseau national. Les États-Unis jouissent, eux, d’une expertise développée sur un territoire à la géographie variée et au réseau étendu.
Normes et standards, discrets outils de conquête de marché
En décembre 2010, le National Energy Administration (NEA) et le Standardization Administration of China (SAC), ont créé le National Smart Grid Standardization Promotion Group. Cet organisme a trois misions : rédiger les plans stratégiques, définir les cadres des standards et guider le développement des standards nationaux et industriels. Plus spécifiquement, au sein de ce groupe, le NEA et le SAC gèrent les standards sur les infrastructures. De leur côté, le China Electricity Council (CEC) et la China Eletric Equipment Industrial Association (CEEIA) se chargent du développement et de la gestion des standards respectivement sur le réseau électrique et les équipements.
Demain, l’exportation d’électricité verte
Le secteur du smart grid est une parfaite illustration des stratégies industrielles menées par L’État chinois : partenariats et R&D pour faire émerger une filière industrielle, emploi des normes et standards pour gérer les investissements étrangers dans un secteur stratégique, puis appui à l’export via les normes et standards pour les entreprises nationales. Cet exemple est d’autant plus remarquable que les autorités chinoises ont réussi à dépasser la faiblesse de leurs infrastructures pour en faire aujourd’hui un relais de croissance et un instrument fort de leur politique environnementale.
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