Jero Yun : "Pourquoi dois-je haïr les Nord-Coréens alors que je ne les connais pas ?"
Contexte
Entre 10 000 et 200 000 Nord-Coréens vivent en outre plus ou moins illégalement en Chine, où ils sont toujours à la merci d’un rapatriement forcé en Corée du Nord. Certains se sont fondus dans la masse des membres de la minorité ethnique coréenne de Chine ; d’autres vivent avec de faux papiers… La trajectoire de Madame B en quelque sorte les réunit tous. C’est l’histoire d’une migration, d’une diaspora mais aussi d’un seul peuple déchiré, blessé dans sa chair.
Ceux qui souhaiteraient voir dans Madame B, Histoire d’une Nord-Coréenne, des images spectaculaires, racoleuses, de violence, ou de propagande seront déçus : pas de critique simpliste du régime de Pyongyang, pas d’images choc ni de sous-entendus politiques. Juste un parti pris du début jusqu’à la fin : montrer l’humanité sous toute ses formes, souffrances, déchirements, tendresse. Sans emphase, avec juste ce qu’il faut de pudeur et de simplicité pour que ce film magistral s’imprime dans la mémoire. Mais au-delà de l’aspect documentaire – et dangereux, le réalisateur a pris de véritables risques -, ce qui est extraordinaire dans Madame B., c’est que son héroïne est aussi un formidable personnage de roman ; une femme entre deux pays, entre deux hommes ; une femme fière et forte, symbole de l’opiniâtreté de la nation coréenne.
Entretien
Né à Busan en 1980, Jero Yun se passionne très jeune pour le dessin et la peinture. Après des études de design et d’art classique, il voyage en Italie où il découvre l’Europe et la musique classique. En 2001, il s’installe en France et poursuit son parcours aux Beaux-Arts de Nancy puis aux Arts Décoratifs à Paris (ENSAD), où il apprend le cinéma et le documentaire. En 2008, il intègre le Fresnoy, le Studio national des arts contemporains, et tourne en Corée du Sud un moyen-métrage, In the dark, et un court-métrage, Red road,, sélectionné par plusieurs festivals internationaux dont l’Interfilm Berlin.
Fsciné par le désert, il s’embarque seul pour l’Australie et réalise un court-métrage en super 8, Island, inspiré du Paris texas de Wim Wenders. En 2011, il gagne le Grand Prix au Festival Asiana du film court de Séoul avec Promise. Après une année de résidence au festival de Cannes (Cinefondation), il signe un documentaire, Looking for North Koreans, récompensé en 2013 par la mention spéciale du jury du Cinema Planeta à Mexico. Sorti le 22 février dernier, Madame B, Histoire d’une Nord-Coréenne, une coproduction franco-sud-coréenne, a reçu le prix du meilleur documentaire au Fesitval international du Film de Moscou et au Zurich Film Festival. Le documentaire a été présenté en première coréenne au festival de Jeonju en 2016 puis en première internationale à Cannes la même année.
Nous avons rencontré Jero Yun, et d’emblée, avant même que nous ne lui posions une première question, il s’est assis et a parlé. Des mots jaillis avec une sincérité sans fard.
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