De retour de Pyongyang : "apprendre les bonnes manières avec les étrangers" (2/2)
Corée : le tigre et la pie
Suite de notre chronique sur Asialyst, signée Juliette Morillot et intitulée « Corée : Le tigre et la pie ». Coréanologue et rédactrice en chef adjointe de notre site, elle y décrypte les soubresauts de la politique et de la société en Corée du Sud comme en Corée du Nord. Elle y partage ses analyses avec un seul objectif : donner des clés pour comprendre. Qu’il s’agisse de la Corée du Sud qui affronte aujourd’hui une crise majeure ou de la Corée du Nord, trop souvent réduite à de simples caricatures.
Juliette Morillot a publié en octobre 2016 La Corée du Nord en cent questions (éditions Tallandier), co-écrit avec Dorian Malovic, chef du service Asie au quotidien La Croix.
Les trois dirigeants, enfin, ont tous été des fumeurs invétérés et Kim Jong-un, s’il a semblé pour une courte durée lever le pied, est souvent représenté dans les médias une cigarette à la main et un cendrier sur la table.
Au diapason du monde
Se mettre au diapason du monde. Les mots sont dits et c’est sans doute l’impression la plus forte qui ressort de mon dernier voyage au nord du 38ème parallèle : la volonté de la Corée du Nord de ne plus être en marge sur le plan social. Jamais ainsi autant que depuis l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir, l’accent n’aura été mis sur le « bien-être du peuple », l’importance des loisirs et la nécessité d’offrir aux Nord-Coréens une vie comparable à celle des autres pays. Poudre aux yeux pour les Occidentaux et privilèges destinés à l’élite, objecteront les chagrins. Pas tout à fait puisque si les élites de Pyongyang sont incontestablement favorisées, groupes scolaires et groupements ouvriers et paysans font eux aussi régulièrement des voyages dans la capitale. L’apparition un peu partout de structures sportives (piscines, stades, parcours de skateboard, terrains de basket, etc.), de loisirs (zoo, centre aquatique), l’affluence aux spectacles, l’émergence d’artistes remplissant les salles, comme l’humoriste Ri Seung-hong dont la simple évocation fait s’étrangler de rire mon interlocuteur, sont symptomatiques d’une société en mouvement aspirant à un mode de vie plus détendu et « normal ».
A la télévision, leçons d’anglais et d’étiquette avec les étrangers
Cette approche nouvelle, plus « détendue », est portée par la télévision qui diffuse de nombreuses émissions loin de l’image rigide de la chaîne nationale Chungang dont les Occidentaux ne connaissent que les sempiternels documentaires de propagande et les annonces martiales de sa présentatrice vedette. L’une des cinq chaînes de télévision, « culturelle et sociale », diffuse ainsi des conseils : étiquette avec les étrangers, comportement social (utilisation du portable en public), vie familiale, entente du couple. Une autre chaîne plus généraliste, Namsan, propose aux côtés de reportages sur les dernières technologies, les grands succès économiques et les sciences, des cours de langue et notamment d’anglais. La chaîne Mansudae, enfin, programme de nombreux films étrangers (russes, chinois, indiens) tandis que la Cheyuk est consacrée au sport (rencontres sportives nationales et internationales, reportages).
Retour à une « nature belle et intouchée »
De l’art en somme de faire des faiblesses apparentes du pays son plus grand atout. Un complément au leitmotiv sans cesse répété comme dans le titre d’une chanson diffusée en boucle sur tous les écrans nord-coréens : « ne rien avoir à envier au monde » (세상에부럼없어라).
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