En Corée du Sud, la cuisine des temples réconcilie le corps et l'esprit
Contexte
L’art culinaire monastique est aussi une façon totalement démondialisée d’envisager notre assiette. Sauce de soja affinée pendant 5, 7, 10, voire même 20 ans ; ce n’est pas parce que l’on se passe de viande et de poisson que les protéines sont absentes de cette tradition culinaire développée depuis 1700 ans au cœur des temples bouddhistes en Corée du Sud. Le soja garantit l’apport en protéines, les huiles végétales fournissent les acides gras insaturés, et les légumes procurent tout ce dont le corps à besoin en termes de vitamines, de minéraux et de fibres. Au-delà de ces considérations diététiques, la cuisine des temples de Corée est avant tout une cuisine de proximité qui respecte l’environnement, rappelle maître Seonjae dans l’entretien qu’elle nous a accordé ci-après. Pour cette vénérable experte de l’art culinaire monastique, cette cuisine des alentours est aussi une façon totalement démondialisée d’envisager notre assiette.
Le « Barugongyang » ou le repas monastique traditionnel est en effet préparé avec ce qu’on trouve sous la main. Racines, légumes et fruits sont forcément de saison. Ramassés par les moines dans les montagnes aux abords du temple, ces ingrédients ont pour objectif final d’entretenir le corps et l’esprit de celui ou de celle qui pratique la méditation. « L’art culinaire de la diététique monastique est un chemin de pratique, affirme ainsi Lee Kyung-sic, alias maître Jaesung. On absorbe puis on digère les éléments les plus naturels qui donnent la force de méditer,poursuit le président de l’ordre Jogye du Bouddhisme coréen. La cuisine monastique est donc un chemin vers la pratique. »
Manger non plus par plaisir, mais pour méditer, ce qui n’enlève rien à la saveur de ces plats sortis des temples. La tambouille des moines pourrait même être goûteuse à en croire le toqué français Philippe Groult : « La cuisine des temples est une cuisine pour des gens qui ne bougent pas beaucoup, qui se consacrent à la prière, c’est donc une cuisine peu calorique, rappelle le responsable du département cuisine de l’école du Cordon Bleu à Paris. En même temps, c’est une cuisine avec beaucoup d’arômes et de couleurs et qui transmet toute la gaité de la cuisine bouddhiste. » Ah bon, et comment relève-t-on un plat à base de racines ? « Allez donc faire un tour dans le Languedoc-Roussillon, poursuit le même Philippe Groult. Vous verrez qu’on utilise aussi les racines dans la cuisine en France. Il y a des racines au goût piquant, d’autres qui sentent la betterave ou la carotte. »
Voilà donc une cuisine proche de la nature et qui ne manque pas de piment à en croire certains chefs français, même si les moines coréens ont proscrit le « kochujang » à tous les repas, la célèbre « sauce de piment amère » présente sur de nombreuses tables en Corée, serait là aussi impropre à la méditation.
« La diététique monastique relève d’une cuisine de proximité. »
Séjour au temple
Si la cuisine monastique est largement sortie des temples en Corée du Sud, le meilleur moyen d’en faire l’expérience est encore de séjourner dans un monastère. Au total, 24 temples sud-coréens proposent aux étrangers de vivre l’expérience monastique. Le programme s’étale généralement sur deux jours et une nuit et il n’est pas nécessaire d’être bouddhiste pour participer. C’est l’occasion de découvrir le fameux « barugongyang », le repas monastique, le baru désignant ici l’ensemble des bols utilisés par les moines. Mais aussi le « Samul » ou les quatre instruments bouddhistes que sont le tambour de Dharma qui protège les animaux, la cloche de Brahma qui sauve les êtres de l’enfer, la cloche de bois en forme de poisson pour le salut des êtres vivants dans les eaux, et le gong en forme de nuage qui protège les êtres vivants dans le ciel. Les invités apprendront également le « 108-bae » ou les 108 prosternations, véritable leçon d’humilité devant l’univers. Ils savoureront le « Dado » ou la cérémonie du thé et pratiqueront le « Chamseon », la méditation Seon (équivalent du Zen japonais) qui consiste à éclairer son véritable moi et forme la base du bouddhisme de l’ordre Jogye en Corée du Sud. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel Templestay.
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