Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Indonésie : le gouverneur de Jakarta poursuivi pour blasphème contre le Coran

Basuki “Ahok” Tjahaja Purnama, le gouverneur de Jakarta, en campagne pour sa réélection. (Crédits : JP/Dhoni Setiawan) Copie d'écran du Jakarta Post, le 16 novembre 2016.
Basuki “Ahok” Tjahaja Purnama, le gouverneur de Jakarta, en campagne pour sa réélection. (Crédits : JP/Dhoni Setiawan) Copie d'écran du Jakarta Post, le 16 novembre 2016.
Le multiculturalisme indonésien est-il en danger ? Ce mercredi 16 novembre, Basuki « Ahok » Tjahaja Purnama, le gouverneur de Jakarta d’ethnie chinoise, a été officiellement déclaré « suspect » par la police sous les accusations de blasphème contre l’islam et le Coran, rapporte le Jakarta Post. L’affaire intervient en pleine campagne électorale où Ahok est candidat à sa succession. Ses propos controversés avaient déclenché de violentes manifestations vendredi 4 novembre. La police se défend d’avoir cédé aux pressions des organisations islamiques radicales.
« Malgré les divergences parmi les enquêteurs, la plupart se sont accordé pour que l’affaire soit résolue dans un procès ouvert. » Voilà comment Ari Dono, le chef du département d’enquête criminelle de la police nationale, a justifié ce mercredi 16 novembre la décision de déclarer officiellement « Ahok » comme « suspect » de blasphème. Le gouverneur de Jakarta est également interdit de quitter le territoire indonésien. La police n’a pas dit s’il serait détenu pendant l’enquête.

D’ethnie chinoise et de confession chrétienne, Ahok avait provoqué un tollé au sein des groupes islamiques après ses commentaires sur l’islam lors d’une visite des îles Seribu (ou Mille ÎLES) fin septembre. Dans une vidéo postée sur Internet, rappelle le Straits Times, le gouverneur explique lors d’un événement communautaire qu’il ne faut pas se laisser endoctriner par ses opposants qu’il suspecte d’appeler les musulmans à ne pas élire un gouverneur non-musulman en se référant à des versets du Coran. Depuis, Ahok s’est excusé publiquement. Mais rien n’y a fait. La police a reçu des dizaines de plaintes sur cette affaire. Et le 4 novembre dernier, à l’appel de diverses organisations islamiques, plus de 100 000 manifestants sont descendus dans les rues de Jakarta pour demander un procès en blasphème contre le gouverneur. Des leaders musulmans ont ensuite accusé la police de le protéger. Ahok était auparavant l’adjoint de l’actuel président indonésien Joko Widodo, avant de le remplacer suite à sa victoire à l’élection présidentielle de 2014.

Pas découragé par l’annonce de la police, Ahok a dénoncé le « mauvais traitement » dont il est victime, et a assuré qu’il continuerait, malgré les menaces, à faire campagne par ses « visites impromptues ». L’homme politique, toujours soutenu par son ancien patron Jokowi, veut croire en sa réélection – pourtant compromise si le procès est confirmé. Jusqu’à présent, il était le grand favori pour un nouveau mandat de gouverneur, bénéficiant d’une large coalition menée par le parti démocratique d’Indonésie (PDI-P) au pouvoir.

Les poursuites judiciaires d’Ahok sont-elles un signe de fissure dans la société indonésienne ? C’est l’avis de Marcus Mietzner, un politologue indonésien de l’université national d’Australie interviewé par le South China Morning Post. « Cette affaire va amplifier les tensions politiques dans les années à venir, affirme l’expert. Elle a mis en lumière à quel point les sentiments racistes et religieux imbibent la société de l’Indonésie, et comment ils peuvent être facilement mobilisés politiquement. C’est une mauvaise nouvelle pour tous les candidats aux élections, issus des minorités. Désormais, ils devront craindre les accusations de blasphème comme des balles de pistolet destinées à tuer leur campagne électorale. » L’Indonésie est le pays à la plus forte population musulmane au monde sans que l’islam y soit religion d’Etat (voir notre article). Environ 10% des Indonésiens sont de confession chrétienne.

Par Joris Zylberman, avec Anda Djoehana Wiradikarta

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