L'Indonésie, "pays musulman" ?
Le 1er juin dernier l’Indonésie a célébré la « Journée du Pancasila ». Cette date commémore le discours du 1er juin 1945 où Soekarno – qui allait devenir le premier président de l’Indonésie indépendante – avait exposé, lors d’une réunion du comité préparatoire pour l’indépendance, les cinq « principes », ou Pancasila, sur lesquels selon lui, le futur Etat indonésien (le pays était à l’époque sous occupation japonaise) devait être fondé.
Dans son discours du 1er juin 1945, Soekarno, s’adressant aux membres du comité formant le groupe des « musulmans » (c’est-à-dire ceux qui voulaient un État islamique), déclare :
« Moi aussi je suis musulman. Mais je vous demande, Messieurs, de ne pas mal me comprendre si je dis que le premier fondement pour l’Indonésie est la nation. »
Lors d’une réunion avec ses cadres en janvier dernier, le ministre indonésien des Religions, dont le ministère est contrôlé par des musulmans, rappelait que « bien que la majorité de sa population soit de religion musulmane, les fondateurs de ce pays étaient convenus de ne pas faire de l’Indonésie un Etat musulman, comme l’Irak, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et d’autres ».
L’enjeu est donc ni plus ni moins que la défense de l’identité d’une « Indonésie plurielle », non seulement par le nombre des langues qu’on y parle (quelque sept cents, selon les linguistes) et celui des groupes ethniques auxquels les Indonésiens déclarent appartenir, mais par la diversité des religions auxquelles ils adhèrent.
Luttes autour de la Constitution
Soekarno et Hatta proclament l’indépendance du pays le 17 août 1945. La Constitution n’avait pas encore été promulguée. Le premier des Pancasila devait être « Croyance en Dieu, avec l’obligation pour les musulmans d’observer la sharia ». Or, l’après-midi de ce jour-là, un officier de la marine impériale japonaise rend visite à Hatta. Il lui explique que si la référence à l’islam figure dans la constitution, l’Indonésie orientale, à majorité chrétienne, fera sécession.
Qualifier l’Indonésie de « pays musulman », ce n’est donc pas seulement ignorer la vision des « pères fondateurs » de ce pays. C’est aussi faire peu de cas des millions d’Indonésiens enregistrés officiellement comme bouddhistes, catholiques, confucéens, hindouistes, protestants, qui ont droit à des jours fériés officiels, sans compter les taoïstes et les pratiquants des diverses religions traditionnelles.
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