Culture
EXPERT – VIN D’ASIE

Thaïlande : GranMonte, un rosé et un syrah de qualité

Lever de soleil au dessus de vignes de Shiraz en Thaïlande.
Lever de soleil au dessus de vignes de Shiraz en Thaïlande. (Crédit : NICOLAS ASFOURI / AFP ).
« Du vin thaïlandais? Non. Soyons sérieux… On fait du vin en Thaïlande ? » C’est en ces termes qu’un ami que je venais d’inviter chez moi – un musicien français que j’avais connu au Cambodge, de passage à Bangkok, et dont je savais qu’il aimait le bon vin – a réagi lorsque je lui ai annoncé que je lui servirais du vin issu de vignobles situés à quelque cent soixante kilomètres de Bangkok.
Le vin, il est vrai, est un phénomène relativement neuf en Thaïlande – non seulement l’existence de vignobles de qualités, mais également le fait de trouver du vin en abondance à Bangkok, mais aussi dans la plupart des capitales provinciales ou centres touristiques comme Phuket, Chiang Mai ou Hua Hin.

Le vin fait ainsi désormais parti de la vie quotidienne de nombreux Thaïlandais, comme, et c’est peut-être plus étonnant, le fromage.
L’un des meilleurs exemples de cette production locale est le vignoble GranMonte. Il a été fondé sur une large parcelle de terrain acheté en 1999 par Visooth Lohitvanny et Sakuna, son épouse. Aujourd’hui leur fille aînée, Nikki, est la première femme maître de chais du pays.

Baptisé GranMonte, en l’honneur d’une impressionnante colline du parc de Khao Yai dans lequel se situe l’exploitation, le vignoble produit désormais une vaste sélection de vins – d’un cava à une série de rouges, de blancs et de rosés.

Ces derniers temps, plusieurs de mes visiteurs, surtout européens m’ont demandé : « mais pourquoi faire du vin en Thaïlande, alors qu’il y a déjà tant de pays qui font du vin? » et j’avoue que j’ai eu du mal à leur répondre, si ce n’est en faisant appel à l’histoire.

Ainsi, je me souviens qu’en 1977, lors d’un voyage en Australie, rares étaient alors les restaurants qui offraient du vin local. Ceux d’Italie dominaient le marché. C’était à l’époque une industrie jeune, et qui nécessitait une certaine foi dans son avenir. Or, aujourd’hui les vins d’Australie se trouvent partout dans le monde.
De même, il y a aujourd’hui de très bons vins japonais, chinois, indiens, alors pourquoi pas thaïlandais ou des pays voisins ? Car, avec quelques efforts, on pourrait améliorer la production vietnamienne.

Le réchauffement climatique s’accompagne en effet, et heureusement !, de l’émergence de micro climats, en Thaïlande, mais aussi à Bali (Indonésie) ou en Birmanie.

Ce jour-là donc, j’offris à mon invité un rosé Sakuna, 100 % Syrah, goûteux, bien charpenté, juste hommage de Nikki à une femme qui prend une part égale à la vie de GranMonte, dirigeant le restaurant, cette petite et luxueuse auberge bâtie au milieu du vignoble.

Mon ami fut surpris.

Mais le coup de grâce fut administré par un Syrah Orient Reserve 2009, très long en bouche, peut-être encore un rien jeune, gardé en fût de chêne français et américain pour 18 mois. « Tu es certain que c’est un vin thaïlandais ? » fut sa seule question.
Apres lui avoir montré la bouteille, je lui dis que la meilleure preuve serait qu’un jour, lors de son prochain passage, nous allions ensemble sur place, rencontrer Nikki et écouter ses explications. Après tout, ces vins, ce sont ses œuvres.

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Jacques Bekaert (1940-2020) fut basé en Thaïlande pendant une quarantaine d'années. Il est né le 11 mai 1940 à Bruges (Belgique), où sa mère fuyait l’invasion nazie. Comme journaliste, il a collaboré au "Quotidien de Paris" (1974-1978), et une fois en Asie, au "Monde", au Far Eastern Service de la BBC, au "Jane Defense Journal". Il a écrit de 1980 a 1992 pour le "Bangkok Post" un article hebdomadaire sur le Cambodge et le Vietnam. Comme diplomate, il a servi au Cambodge et en Thaïlande. Ses travaux photographiques ont été exposés à New York, Hanoi, Phnom Penh, Bruxelles et à Bangkok où il réside. Compositeur, il a aussi pendant longtemps écrit pour le Bangkok Post une chronique hebdomadaire sur le vin, d'abord sous son nom, ensuite sous le nom de Château d'O. Il était l'auteur du roman "Le Vieux Marx", paru chez l'Harmattan en 2015, et d'un recueil de nouvelles, "Lieux de Passage", paru chez Edilivre en 2018. Ses mémoires, en anglais, ont été publiées en 2020 aux États-Unis sous le titre "A Wonderful World".