Laos : du danger des "mauvais termes"
« Les decisions arbitraires
Que ni larmes, ni prières
Ne font revenir en arrière
Sèment les grains de la revolte. »
C’est l’un des petits poèmes dont Anne-Sophie Gindroz, juriste et responsable d’une organization humanitaire suisse au Laos, parsème un livre publié récemment. Elle y raconte son experience, dans ce vaste pays, peu peuplé, sans accès à la mer, de près de 7 millions d’habitants. Une experience qui se terminera par son expulsion de la Republique populaire démocratique du Laos.
Le Laos est entouré de la Chine, du Vietnam, de la Thaïlande, de la Birmanie et du Cambodge. Il fait rarement la une des journeaux, sauf peut-être en Thailande, à l’occasion d’une visite d’Etat, ou d’une compétition sportive.Ou bien lors de la disparition d’un militant des droits de l’homme, tel Sombath Somphone, 60 ans, ami de l’auteur, et dont le sort a ému l’Union Europenne. Le livre est du reste dédie à l’épouse (la veuve ?) de Sombath.
Le livre est direct. Pas question d’exotisme touristique, mais de contacts avec les pêcheurs, les paysants, dans bien des cas, de veritables damnés de la terre, taillables et corvéables à souhait. Car Anne-Sophie Grindoz est une femme de terrain. Une bonne partie du livre décrit ses rencontres avec des paysans qui ont ou qui vont perdre leur champs. Dont les rivieres sont polluées, et ou ne flottent plus que des cadavres de poissons. Conséquences de la modernisation du pays, souvent confiée à des enterprises étrangères, chinoises, thaïlandaises, coréennes ou vietnamiennes.
Installée en 2009 à Vientiane avec sa famille, elle decouvre qu’une partie du jardin qui borde la route de terre va être expropriée. On va construire une route à quatre bandes. Elle interroge un voisin, qui contemple sa facade éventrée :
« Le projet va vous aider, non ? »
Reponse :
« Pfff… quelle aide? »
« Mais la loi ? » s’étonne l’auteur.
Reponse du citoyen laotien :
« Moi, je suis à la retraite, et je veux vivre en paix. Je ne veux pas finir mes jours en prison.
Des compensations ? Les Laotiens expropriés en touchent exceptionnellement. Elles ne couvrent que très rarement la valeur de ce qui est perdu. Les fonctionnaires, quoi qu’ils en pensent, ont appris a traiter les dossiers delicats. Ainsi d’un projet soumis par l’auteur à un fonctionaire des Affaires étrangeres qu’elle remercie d’avoir repondu en trois mois, alors que souvent la réponse se fait attendre, et attendre.
« Avec vous, ça n’a pas pose de probleme, lui explique le fonctionnaire du ministère, car vous n’avez pas fait usage de “mauvais termes”. »
Elle questionne : « Mauvais termes ?
– Oui, « droits de l’homme ».
– Dans ce cas vous rejetez ?
– Non, on ne refuse pas, on ne donne pas suite, tout simplement. »
En tout objectivité, il faut bien dire que le Laos n’est pas le seul pays où « droits de l’homme » est une « mauvais terme ».
A LIRE
Anne-Sophie Grindoz, Au Laos, la repression silencieuse, Col. Mékong, Asieinfo publishing, Bangkok, 2015, 15 euros. Disponible sur Amazon.
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