TGV en Asie : l'ère du "Grand Jeu"
Contexte
Qui aura le TGV le plus rapide ? A ce jeu, c’est la Chine qui veut remporter la compétition symbolique : à partir de septembre prochain, la ligne à la plus grande vitesse au monde sur rail en transportant les voyageurs – 380 km/h – reliera Zhengzhou dans le Henan (Centre) à Xuzhou dans le Jiangsu, sur la côte est au nord de Shanghai. Attention, ne pas confondre ce record avec celui de la vitesse en test, toujours détenu par le Japon depuis 2015 avec 600 km/h.
Entre Zhengzhou et Xuzhou, le temps de trajet passera alors de 2 heures 33 minutes à 1 heure et 20 minutes. Les ingénieurs chinois ont également réalisé la jonction entre cette ligne et les TGV Pékin-Canton et Zhenzhou-Xi’an, pour créer un réseau intégré de l’est du pays aux régions du Centre-Ouest. Et pour en mettre plein la vue à tous ses clients potentiels en Asie en particulier et dans le monde en général, la Chine tient à assurer le spectacle : une vidéo impressionnante montre un test de deux TGV qui se croisent à 420 km/h à Zhengzhou, battant le record du monde dans ce genre d’exercice, selon les médias chinois.
C’est que la Chine revient de loin. Son image dans le secteur avait été gravement ternie par le terrible accident de Wenzhou en 2011. 40 personnes avaient été tuées et une vingtaine d’autres blessées lors de la collision entre deux TGV sur un viaduc.
Du Shinkansen japonais aux routes de la Soie chinoises
Aujourd’hui, le réseau nippon compte 8 lignes TGV soit près de 2 500 km de voies avec pas moins de 1 150 trajets effectués chaque jour. Lancé en plein âge d’or économique pour le pays, le projet a reçu un fort soutien en termes d’investissements publics mais s’est transformé en gouffre financier après les deux chocs pétroliers des années 1970. Aujourd’hui encore, les ventes de billets sont loin de couvrir les dépenses, mais cela n’empêche pas la densification continuelle du réseau car les bénéfices économiques liés à la mobilité sont également très importants.
De son coté, la Corée du Sud a cherché à développer sa propre technologie TGV en s’associant au départ en 1992 avec le Français Alstom. En 2004, elle ouvre une ligne entre Séoul et Busan et propose aujourd’hui un prototype de train de troisième génération capable de dépasser les 420 km/h. Le pays n’a pour le moment pas réussi à exporter son savoir-faire mais il se hisse dans le cercle restreint des nations capables de développer son propre système.
A une toute autre échelle, la Chine a bien compris qu’un réseau à grande vitesse lui était nécessaire pour resserrer les distances sur son gigantesque territoire et densifier les échanges économiques. En mettant en concurrence les leaders internationaux du secteur sur son propre marché au début des années 2000, Pékin a réussi à bénéficier d’un transfert de technologie ultra rapide et a depuis fin 2007 construit le plus grand réseau TGV du monde. Avec 19 000 km de voies à ce jour – un objectif de 30 000 km en 2020 – et 1,1 milliard de passagers transportés, la Chine est clairement un des moteurs les plus spectaculaires de la percée du TGV en Asie.
Cependant, les ambitions chinoises ne se limitent pas à mettre en place un réseau interne dense : Pékin se verrait bien aux commandes de véritables nouvelles « routes de la soie » version grande vitesse, allant de Moscou jusqu’à Singapour et Jakarta en passant par Bangkok et le Laos. Avec ses deux géants ferroviaires CRRC et CRG, la Chine peut désormais proposer la construction et la maintenance de réseaux grande vitesse à des prix ultra compétitifs, et même offrir de généreuses conditions de financement.
L’Asie du Sud Est et l’Inde, objets de tous les désirs
La Thaïlande, suite au coup d’Etat de 2014, a pour sa part validé un nouveau partenariat avec Tokyo tout en gelant ses accords précédents avec la Chine. Bangkok n’était pas satisfait des conditions de financements proposées, des financements également dénoncés par le Laos. Même l’Indonésie semble aujourd’hui remettre en question le seul contrat « solide » de Pékin pour une ligne entre Jakarta et Bandung avec toujours des considérations financières en jeu. De son coté, le Vietnam s’est rapproché du Japon pour la construction d’une ligne TGV Hanoï – Hô-Chi-Minh-Ville à l’horizon 2030 dans le cadre d’une aide au développement. Reste la ligne entre Kuala Lumpur et Singapour prévues pour 2026, un contrat de près de 10 milliards de dollars que courtisent tous les équipementiers internationaux.
Une chose est certaine, la technologie TGV est désormais un enjeu capital en Asie que ce soit pour les constructeurs ou pour les pays bénéficiaires. Ainsi les besoins sont-ils très loin d’être couverts, ce qui laisse de bons espoirs à Pékin pour se positionner sur le long terme. D’ailleurs, ce sont peut être les prochaines technologies de train à grande vitesse qui feront la différence, des trains du futur capables de dépasser les 600 km/h. Exemples avec le dernier prototype japonais de train à lévitation magnétique (Maglev), ou le très expérimental projet chinois de Maglev HTS circulant dans des tubes basse pression pour atteindre voire dépasser la vitesse actuelle des avions… Tout un programme !
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