Brexit : quels enjeux pour l'Asie ?
Des enjeux commerciaux minimes
La porte d’entrée de l’Europe
Depuis 2000, la plupart des pays émergents s’internationalisent et le Royaume-Uni est leur destination la plus prisée en Europe. Entre 2003 et 2015, il a attiré 83,2 milliards de dollars d’investissements de ces pays, autant que le continent, beaucoup plus que l’Allemagne (32.2 milliards) et la France (7 milliards). Parmi ces investisseurs, les entreprises chinoises ont investi pour 12 milliards au Royaume-Uni, soit quatre fois plus qu’en Allemagne où, par contre, elles rachètent plus d’établissements pour accéder aux technologies. Depuis quelques années, l’Inde investit davantage dans son ancienne métropole coloniale, que cette dernière n’investit dans son ex-colonie. Le rachat en 2007 du sidérurgiste Corus par Tata Steel a été l’investissement le plus ambitieux. Mais il n’a pas résisté au dumping chinois, et le groupe indien a décidé de s’en débarrasser.
En 2013-14, selon le UK Trade and Industry, l’Inde a été le 3ème investisseur au Royaume-Uni (après les Etats-Unis et la France) avec 14 milliards de dollars d’opérations green field, et le troisième créateur d’emplois avec une centaine de projets dans la santé et l’agro-alimentaire. Quelques jours avant le vote sur le Brexit, la fédération indienne des chambres de commerce et de l’industrie avait sonné l’alarme sur ses conséquences. Pourrait-il surgir une opportunité ? Déçus par l’enlisement des discussions avec l’UE, les Indiens espèrent négocier rapidement un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni.
La « réindustrialisation asiatique » du Royaume-Uni
Avec plus de 1 000 entreprises et 140 000 salariés, les Japonais sont les plus présents au Royaume-Uni où ils dominent la construction automobile. Après avoir connu ses heures de gloire dans les années 1930 et dans les années qui ont suivi la guerre, l’industrie britannique a connu à partir des années 1960 une longue période de déclin, que n’a pas freiné l’arrivée des constructeurs américains (l’investissement de Chrysler a été repris par PSA). Le déclin a continué alors que la reprise du marché intérieur suscitait une forte progression des importations. Les marques anglaises les plus prestigieuses ont disparu ou ont été rachetées. La renaissance de l’industrie date des années 1980 : alors qu’elle produisait trois fois moins de voitures particulières que la France, elle est sur le point de la rattraper. Une étude publiée en 2015 prévoyait que sa production atteindrait 2 millions de véhicules en 2020, un accroissement qui devait permettre de créer 28 000 emplois.
Vu d’Asie, le Royaume-Uni, champion européen du libéralisme, a fait un « grand bond en arrière » et cela provoque un changement d’attitude de la part des investisseurs asiatiques. L’immobilier est un premier test. Avec encore 12 % des achats au premier trimestre 2016, les acquisitions asiatiques à Londres ont participé à la bulle immobilière. Alors que sur le marché, le rythme des transactions s’est effondré depuis trois mois, les prix n’ont pas évolué. Le retrait des investisseurs asiatiques pourrait précipiter une correction du marché, et une crise de l’immobilier.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don