La mutation du Vietnam
Le Vietnam, premier exportateur de l’ASEAN vers les Etats-Unis
Pour le Vietnam aujourd’hui, comme pour la Corée et Taiwan hier, les Américains traitent avec « begnin neglect », ou « douce négligence », le creusement de leur déficit bilatéral (8 milliards de dollars en 2015) qui accompagne l’intensification des échanges. Cependant, en dépit de son adhésion au Partenariat Transpacifique, l’accord de libre-échange lancé par les Etats-Unis en Asie-Pacifique, le Vietnam n’est toujours pas considéré comme une économie de marché par Washington. Aussi en cas d’accusations de dumpings, les Etats-Unis peuvent instruire le dossier en comparant les prix américains non pas aux prix vietnamiens (ils ne sont pas considérés comme pertinents), mais aux prix de produits similaires dans des pays tiers ayant le statut d’économie de marché. Cela peut conduire à des taxes anti-dumpings plus élevées.
Cette méthodologie est interdite par l’Organisaiton du Mondiale du Commerce, mais lorsque le Vietnam (et la Chine) ont adhéré à l’OMC ils ont accepté que elle soit utilisée pendant 15 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2016 dans le cas de la Chine et 2022 pour le Vietnam. Aujourd’hui, les Vietnamiens souhaitent que cela soit ramené à 2019. Hors de question pour les Américains qui jugent la concurrence sur le marché vietnamien biaisée par la position occupée par les entreprises d’Etat. Si elles sont moins nombreuses (1 309 en 2015 contre 12 000 en 1995) et si leur participation à la production a été ramené à 16 %, les entreprises d’Etat dominent néanmoins le classement des 500 plus grandes firmes du pays. Avec en tête Vietnam Oil and Gas Group, Vietnam National Petroleum Corporation, Vietnam Electricity, Vietnam Post and Telecommunications Group, et Vietnam National Coal and Mineral Industries Group.
Le Vietnam tremplin de la Corée et du Japon
Cette mutation est aussi la conséquence des vagues d’investissements étrangers qui ont transformé le Vietnam. Arrivées dès la fin des années 1980, les PME taïwanaises ont investi dans l’habillement et la chaussure. La normalisation des relations entre Séoul et Hanoï a déclenché une « fièvre vietnamienne » en 1992 parmi les entreprises qui commençaient à délocaliser. Ayant investi dans l’habillement et l’électronique, Daewoo était en 1996 la première entreprise étrangère au Vietnam. Interrompus par la crise asiatique, ce mouvement a repris après la signature du traité américain BTA. L’investissement a alors pris une ampleur considérable avec l’arrivée de Samsung dont les exportations représentaient un cinquième des exportations vietnamiennes en 2015, avec un taux d’intégration locale de 36 % en partie assurée par les sous-traitants coréens. Entre-temps, préférant le Vietnam aux Philippines pour construire sa plus grande usine d’assemblage, Intel l’a introduit dans le « circuit intégré » asiatique.
En réaction aux émeutes anti japonaises qui ont éclaté en Chine en 2005, les entreprises nippones ont adopté une stratégie baptisée « China plus one » par Nomura. Pour ne plus mettre leurs œufs dans le même panier, elles ont jugé plus prudent d’investir en Chine et dans l’ASEAN. Le Vietnam s’est trouvé le premier pays bénéficiaire de cette stratégie qui depuis la dégradation des relations sino-japonaise a évolué de « China plus one » à « No China ». Selon l’enquête de Mizuho (mars 2016) sur les intentions d’investissements à l’étranger des entreprises, le Vietnam est la destination préférée parmi les pays adhérents au TPP et la seconde dans l’ASEAN après la Thaïlande, où les Japonais ont une présence cumulée bien plus importante.
Et la Chine ? Premier fournisseur du Vietnam, elle y est un investisseur modeste derrière la Corée du Sud, le Japon, Singapour, la Malaisie, Taïwan et les Etats Unis. Ses projets soulèvent parfois de violentes polémiques – l’accord signé pour un investissement dans une mine de cuivre au centre du pays avait été critiqué dans une lettre ouverte du général Giap. Par ailleurs, après un incident dans les îles Spratleys, les violentes manifestations anti-chinoises de 2015 n’ont pas amélioré le climat des investissements en provenance de Chine.
Où sont les exportateurs vietnamiens ?
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