Revue de presse Asie - 6 juin 2016

Confiance entre Pékin et Washington, "Temple des tigres" en Thaïlande et verdict sur un massacre en Inde

Les appels au dialogue répétés déboucheront-ils sur une véritable consultation à même d'apaiser les tensions en mer de Chine du Sud ? Copie d'écran du "South China Morning Post", le 6 juin 2016.
Les appels au dialogue répétés déboucheront-ils sur une véritable consultation à même d'apaiser les tensions en mer de Chine du Sud ? Copie d'écran du "South China Morning Post", le 6 juin 2016.

Asie du Nord-Est

South China Morning Post – Alors que s’ouvre aujourd’hui le huitième « Dialogue économique et stratégique Chine – Etats-Unis » à Pékin, Xi Jinping a appelé à la « confiance mutuelle » et à la « gestion efficace des différends » avec Washington. Une main tendue sur le dossier des conflits de souveraineté en mer de Chine du Sud, dont l’ombre pèse sur le développement de leurs relations bilatérales. Tandis que Washington accuse Pékin d’affirmer unilatéralement sa souveraineté au détriment de la liberté de circulation – le Secrétaire d’Etat américain à la Défense parle même d’une « Grande Muraille de l’isolement » en mer de Chine du Sud – les autorités chinoises reprochent aux Etats-Unis de militariser la zone et de perturber l’équilibre régional.

Certes, ces deux postures reflètent d’importantes différences ; mais d’après Xi Jinping, elles ne sont pas inconciliables. En cause : les « intérêts » que Pékin et Washington « ont en partage ». Le président chinois appelle ainsi à un « dialogue constructif » et à un rejet de la « confrontation », chaque Etat devant « fournir des efforts pour venir à bout de leurs pierres d’achoppement » – et ce quand bien même « les résultats ne seraient pas forcément immédiats ».

Yang Jiechi, conseiller des Affaires de l’Etat et ex-ministre des Affaires étrangères, s’est par la suite chargé d’illustrer la bonne volonté chinoise. Selon ses propos, Pékin aurait « multiplié les consultations » avec les pays-membres de l’ASEAN afin de résoudre les conflits en mer de Chine du Sud. Le haut diplomate a insisté sur la double stratégie chinoise consistant à régler directement les différends entre les parties prenantes, d’une part, et à solliciter l’ASEAN pour maintenir la sécurité régionale, d’autre part. John Kerry a néanmoins rappelé la nécessité de régler les conflits « en vertu des normes internationales ». Les allusions à la saisine de la Cour permanente d’Arbitrage de La Haye par Manille l’année dernière, suivie de sa déclaration de compétence – que Pékin réfute – sont à peine voilées…

D’ailleurs, d’après un second article du South China Morning Post, le ministre taïwanais de la Défense a annoncé ce lundi 6 juin que Taipei ne reconnaîtrait pas l’éventuelle zone d’idenfitication de défense aérienne (ADIZ) que Pékin s’apprêterait à mettre en place en mer de Chine du Sud, à l’approche du verdict de la Cour néerlandaise (voir notre revue de presse du 1er juin 2016). D’après Taïwan, une telle décision unilatérale – que les autorités chinoises n’ont ni confirmée, ni démentie – ne ferait « qu’annoncer une nouvelle vague de tensions » dans la région. Voilà qui remet en perspective les modalités du « dialogue constructif » demandé par Xi Jinping…

Mainichi Shimbun – Les opposants au déménagement de la base américaine d’Okinawa disposent désormais d’un nouveau levier d’action. Après les élections d’hier dimanche 5 juin, l’assemblée préfectorale comporte désormais 31 membres (sur 48) opposés au projet – dont 27 soutiennent officiellement le gouverneur actuel, Takeshi Onaga, aux prises avec le gouvernement central depuis plusieurs mois. Le Mainichi Shimbun voit dans cette victoire le reflet d’un sentiment anti-américain grandissant parmi la population insulaire, écho au tollé déclenché le mois dernier par l’implication d’un citoyen américain dans le meurtre d’une jeune locale (voir notre revue de presse du 20 mai 2016).

Le quotidien nippon rappelle que le gouvernement central prévoit de déménager la base américaine de Futenma (Marine Corps Air Station), actuellement située dans la ville densément peuplée de Ginowan, vers la ville côtière moins peuplée de Nago.

Korea Times – Le dialogue Shangri-La sur la sécurité en Asie, qui s’est déroulé à Singapour ce week-end (du 3 au 5 juin), a permis à Pékin de réitérer son opposition au THAAD – Terminal High Altitude Area Defense. Le déploiement d’un tel bouclier antimissile en Corée du Sud, avec le soutien des Etats-Unis, risque de « déstabiliser l’Asie-Pacifique » et d’en « altérer la sécurité », s’est inquiété le chef adjoint de l’état-major chinois des armées, l’amiral Sun Jianguo. Ce dernier a d’ailleurs plus clairement indiqué au ministre sud-coréen de la Défense Han Min-koo, lors d’une rencontre en tête-à-tête, qu’un tel projet « empièterait sur les intérêts stratégiques chinois ».

Néanmoins, d’après Han Min-koo, les craintes chinoises sont démesurées. « La Chine surestime le THAAD », explique-t-il, dans la mesure où son objectif est uniquement de se « prémunir contre une attaque nucléaire nord-coréenne ». C’est d’ailleurs pour cela que Séoul « autorisera très certainement » le déploiement du bouclier, a indiqué le ministre.

Asie du Sud-Est

Bangkok Post – C’est peut-être la fin d’une des plus célèbres attractions touristiques de Thaïlande. La semaine dernière, de nombreux bébés tigres et carcasses d’animaux ont été retrouvés dans un congélateur du fameux « Temple des tigres ». Ce dernier était régulièrement pointé du doigt par des associations de défense des animaux. Et maintenant qu’une enquête est lancée, les accusations se multiplient. Lors d’une inspection hier dimanche 5 juin, les autorités ont trouvé que le temple s’étendait sur une superficie de 2 270 000 m², soit près de quatre fois la superficie qui leur avait été octroyée par le bureau de la Réforme des terres agricoles (625 600 m²). Un viol évident des lois forestières, environnementales et foncières.

En outre, la police thaïlandaise menera une autre enquête dans les prochains jours pour déterminer si cette attraction touristique est coupable de trafic d’animaux sauvages. Depuis les premières accusations, 147 tigres ont été déplacés dans les centres pour la vie sauvage de Khao Pratap Chang et de Khao Son. Les autorités ont par ailleurs découvert que deux tigres ne figuraient pas sur la liste d’origine du temple. Le département des parc nationaux, de la vie sauvage et de la protection des plantes, envisage ainsi d’annuler la licence qui autorise le temple à accueillir des animaux, ainsi que leur droit à investir sur le terrain. Pour remonter aux origines du scandale, (re)lire notre revue de presse du 2 juin.

Myanmar Times – Selon le Myanmar Times, il est temps pour la Birmanie de s’engager sur la voie de l’énergie nucléaire. Le quotidien birman rappelle que 444 centrales fonctionnent dans le monde – un chiffre en rapide augmentation – et parmi elles 33 chinoises et 21 indiennes.

Et pour l’accompagner sur ce chemin, la Birmanie peut compter sur la Russie. C’est lors d’un forum sur le nucléaire à Moscou que Rosatom, une entreprise publique Russe, a annoncé la création d’un organe de travail russo-birman pour la construction de centrales en Birmanie. En 2007, un premier accord entre Naypyidaw et Moscou autorisait l’entrée en fonction du premier centre de recherche nucléaire du pays. Et en juin 2015, la Birmanie et la Russie signaient un « mémorandum de compréhension ». Objectif : coopérer en matière de technologies nucléaires dans un but pacifique et sur un fondement légal.

La stratégie birmane de Rosatom s’inscrit dans une volonté d’investir massivement en Asie du Sud-Est. D’après le directeur chargé des affaires internationales de la compagnie, Nikolay Drozdov, des accords de coopération ont également été signés avec la Thaïlande, le Laos et le Cambodge. L’entreprise construit actuellement deux réacteurs nucléaires au Vietnam et a reçu un appel d’offre pour la conception d’un réacteur de 10 megawatts en Indonésie.

Jakarta Globe – C’est devant 1 700 chefs d’établissements, de l’école primaire au lycée, que le gouverneur de Jakarta, Ahok, a déclaré l’interdiction pour les écoles publiques d’imposer le voile à leurs étudiantes musulmanes dans la capitale indonésienne. Une décision qu’il avait déjà prise à Belitung, lorsqu’il en était chef de district en 2006, informe le Jakarta Globe. « Si vous voulez enseigner à vos étudiantes comment lire le Coran, alors je suis derrière vous, déclare-t-il. Mais vous ne pouvez pas les forcer à porter le voile. Elles ne doivent pas le considérer comme une serviette. » Ahok a ainsi cité l’exemple d’étudiantes de Belitung qui, dès qu’elles sortaient de leur établissement, ôtaient leur voile comme s’il s’agissait d’une partie de leur uniforme, sans comprendre que « le hijab fait partie des vertus d’une bonne musulmane ». D’après le gouverneur, l’objectif derrière cette interdiction est donc de ne pas dénaturer le port du voile.
Straits Times – Les élections malaisiennes partielles du 18 juin sont destinées à élire les nouveaux députés des circonscriptions de Sungai Besar et de Kuala Kangsar. Le mois dernier, leurs prédécesseurs ont en effet trouvé la mort dans un accident d’hélicoptère. Une échéance électorale inopinée, mais qui prend la forme d’un véritable test pour déterminer la façon dont le public perçoit l’opposition, commente le Straits Times. En effet, l’alliance des partis d’opposition s’est divisée : le parti Islam SeMalaysia (PAS) s’en est officiellement retiré. Elle est désormais constituée du Parti Keadilan Rakyat (PKR), le Parti de l’action démocratique (DAP) et Amanah, force politique composée d’anciens partisans du PAS. Sept candidats se sont présentés à ces élections, qui sont tout autant perçues comme un test pour le Premier ministre Najib Razak, soupçonné lui de corruption dans l’affaire du fonds d’investissement étatique 1MDB.

Asie du Sud

The Hindu – Le tribunal indien qui avait reconnu 24 personnes coupables du massacre de la Gulbarg Society (voir notre revue de presse du 3 juin), a décidé d’ajourner son verdict sur la nature de leur peine au jeudi 9 juin, rapporte The Hindu. Le parquet a requis la peine capitale et l’emprisonnement à perpétuité pour les accusés.

Le massacre de la Gulbarg Society avait secoué l’Inde en 2002. Une foule d’Hindous avait alors attaqué ce quartier musulman de la ville de Chamanpura, dans l’Etat du Gujarat alors dirigé par Narendra Modi, faisant 69 victimes. Des violences en représailles à la mort de 59 pèlerins hindous décédés dans l’incendie d’un train attribué à des musulmans.

The Express Tribune – Nawaz Sharif est sous pression, rapporte The Express Tribune ce lundi 6 juin. Lors d’un discours prononcé à Gulshanabad (Pendjab), le leader de l’opposition, Imran Khan, a pressé le Premier ministre pakistanais de répondre aux accusations portant sur les « Panama Papers ». En avril, trois de ses enfants se sont en effet retrouvés soupçonnés d’avoir caché de l’argent dans des paradis fiscaux. Mais Nawaz Sharif, lui, veut attendre 2018 pour s’expliquer, date des prochaines élections générales.

Lors de son intervention, Imran Kahn a même imputé les problèmes de cœur du Premier ministre pakistanais aux « Panama Papers ». Pour le dirigeant du Mouvement du Pakistan pour la Justice (PTI), ces désagréments sont liés aux fils de Nawaz Sharif. Questionnés sur les sociétés offshores de la famille Sharif, deux de ses fils ont donné des versions différentes. Ce qui fait dire à Imran Kahn : « Si ses fils étaient plus cohérents dans leur déclaration, il n’aurait pas de problèmes de cœur. » Nawaz Sharif est encore à Londres où il se remet d’une opération à cœur ouvert (voir notre revue de presse du 31 mai).

Scroll.in – Universitaires, leaders, penseurs ou encore théologiens de l’islam. Ils sont plus de 100 000 à avoir signé une fatwa contre le militantisme et le terrorisme au Bangladesh. C’est le media d’information Scroll.in qui rapporte aujourd’hui lundi 6 juin cette initiative de Fariduddin Masuud. Le prédicateur de Sholakia, ville bangladaise où il dirige la plus grande congrégation de l’Aïd (fin du ramadan), a expliqué son geste par sa volonté d’une « fatwa de la paix pour le bien-être humain ». Le leader religieux a aussi ajouté : « Personne ne peut nier qu’au Bangladesh, les fatwas ont un impact remarquable. Une déclaration contre le terrorisme par le clergé peut être vraiment efficace ».

La fatwa a été rédigée en lien avec le Coran et le Hadith (paroles du prophète Mohammed). Le prédicateur Masuud a assuré que le premier objectif était de publier un pamphlet portant les principales mesures de la fatwa et de les distribuer à plus de 10 millions de personnes. S’il a reçu l’aide de la police pour mettre en pratique son idée, il affirme qu’il ne cherche plus l’aide du gouvernement même s’il accueillera « avec bienveillance » toute initiative officielle. Le clergé devrait annoncer officiellement la fatwa le 18 juin lors d’une conférence de presse à Dacca, la capitale bangladaise. Les Oulémas (théologiens de l’islam) qui ont signé la fatwa, en feront le prêche dans leur mosquée. Le prédicateur a aussi affirmé que les réseaux sociaux seront utilisés pour toucher les « jeunes générations ».

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil, Alice Hérait, Liu Zhifan et Juliette Morillot, avec Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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