Revue de presse Asie - 3 juin 2016

Cybersécurité en Chine, mémoire nationale en Indonésie et société civile en Inde

Par ce geste, l'Inde se place comme le défenseur des Hindous dans la région. Copie d'écran du "Times of India", le 3 juin 2016.
Par ce geste, l'Inde se place comme le défenseur des Hindous dans la région. Copie d'écran du Times of India, le 3 juin 2016.

Asie du Nord-Est

South Chine Morning Post – Des mesures excessives selon la Chambre de commerce européenne en Chine. Le gouvernement chinois entend améliorer la cybersécurité nationale en obligeant les compagnies d’assurance à stocker leurs données en Chine. Elles devront également donner la priorité à l’emploi de produits « fiables et contrôlables » – deux termes qui obligent en fait les entreprises étrangères à acheter des logiciels et des technologies chinoises, notamment pour crypter leurs informations. Dans une lettre ouverte, 29 associations industrielles et Chambres de commerce étrangères (Etats-Unis, Union européenne, Japon et Canada entres autres) contestent ces toutes nouvelles mesures : « La Chine, comme les autres membres de l’OMC, a le droit de décider de nouvelles mesures pour assurer sa cybersécurité, mais nous croyons que ces prescriptions vont bien trop loin. » Plus loin encore que les recommandations de la loi anti-terroriste sur la sécurité nationale adoptée l’année dernière, qui demandait déjà aux entreprises d’améliorer leur cybersécurité, relève le quotidien hongkongais.

« Mettre des barrières aux technlogies étrangères va [en réalité] saper l’objectif chinois de sécuriser le système », assure le vice-président du Conseil des Affaires sino-américaines, Jacob Parker. Selon plusieurs analystes cités par le South China Morning Post, ces revendications pourraient non seulement assombrir les perspectives de négociations de la Chine avec les Etats-Unis et l’Union européenne, mais aussi changer l’attitude des pays envers les entreprises chinoises installées chez eux.

Global Times – La Chine n’a pas peur des Etats-Unis et elle entend bien le faire comprendre. Alors que le dialogue Shangri-la s’ouvrira ce vendredi 3 juin à Singapour, le Global Times annonce que Pékin ne souhaite pas que le dialogue soit « dominé » par Washington.

Le dialogue Shangri-la est un forum annuel organisé par l’Institut international des Etudes stratégiques (IISS). Il convoque chaque année des ministres de la Défense et des chefs militaires pour améliorer la sécurité internationale en Asie-Pacifique. Or pour Pékin, l’ordre du jour de cette année défavoriserait la Chine. Acteur majeur du conflit en mer de Chine du Sud, cette dernière s’attend en effet à de nombreuses critiques. Pour le journal officiel chinois, la stratégie américaine est « asujettie à une mentalité de Guerre froide », et l’idée que Pékin militarise la mer de Chine du Sud relève d’une « logique absurde » car les îles qu’a construites le pays dans cette zone sont en réalité d’usage « civil ». Le gouvernement chinois remet en cause la stratégie des Etats-Unis : c’est le Pantagone qui fait monter les tensions avec la Chine, et non le contraire. Pour le Global Times, Washington ne peut s’assurer du soutien de ses alliés en tentant de transformer le Pacifique en une « poudrière ».

La Chine « comprend » néanmoins que sa montée en puissance puisse inquiéter les pays voisins, ce qu’elle explique par leur « incapacité à s’adapter aux changements de dynamique dans la région ». Mais elle ne s’inquiète pas pour autant : « Le monde comprendra que la stratégie américaine du « pivot vers l’Asie » ne vise que des intérêts géopolitiques », prédit le quotidien chinois, qui martèle que les « opinions dans le monde réel ne se concentrent pas autour des intérêts américains ».

Pékin n’est cependant pas prêt d’apaiser les tensions pour autant : Manille a récemment décrit Itu Aba (Taiping en chinois) comme un « récif » et non comme une « île ». La Chine a alors accusé les Philippines de nier ses revendications de souveraineté en mer de Chine du Sud, rapporte Channel News Asia. En outre, Pékin refuse toujours de reconnaître la compétence de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye à statuer sur ses confits de souveraineté avec Manille en mer de Chine du Sud. Le jugement est attendu dans les semaines qui viennent.

Japan Times – Une punition que le petit Yamato Tanooka n’est pas près d’oublier – et ses parents non plus. Exaspérés de voir leur fils lancer des pierres aux voitures et aux passants, M. et Mme Tanooka ont décidé de laisser leur petit Yamato sur le bord de la route ce samedi 28 mai, sur l’île d’Hokkaido, pour qu’il se calme quelques instants. Mais en revenant le chercher près de 5 minutes plus tard, ils ont eu la désagréable surprise de ne pas le retrouver… Une situation d’autant plus angoissante que la route en question borde une immense forêt habitée par des ours.

L’incident a bien entendu retenu l’attention de la presse japonaise et internationale. Pendant 6 jours, une gigantesque chasse à l’homme a été mise en place. Des centaines de militaires, de policiers et de pompiers étaient impliqués jusqu’à l’arrêt des recherches hier, l’enfant restant introuvable. C’est seulement ce vendredi matin qu’il a été retrouvé dans une base militaire par des troupes alors en exercice dans la forêt. L’enfant était affamé, déshydraté et en hypothermie, mais étonnament « en bonne santé ».

Le père de Yamato s’est empressé de s’excuser devant son fils. Il a aussi présenté des excuses publiques, admettant qu’il avait été « beaucoup trop loin ».

United Daily News (en chinois) – Le nouveau Premier ministre taïwanais, Lin Quan, fulminait ce matin après l’inondation du Terminal 2 de l’Aéroport international de Taoyuan, porte d’entrée et vitrine de l’île. Après les pluies diluviennes et les orages qui se sont abattus dans la soirée d’hier jeudi 2 juin sur le nord de l’île (il est alors tombé l’équivalent moyen de 10% des précipitations annuelles), le Terminal 2, tout juste inauguré il y a deux ans, a été envahi par les eaux. Ce qui a provoqué une gigantesque coupure d’électricité paralysant l’ensemble du trafic aérien. Plus de 200 vols ont ainsi été annulés, bloquant sur place 30 000 passagers. Lin Quan, qui a mis en cause la gestion de l’aéroport, a déclaré que les responsables à cette situation inacceptable devraient être trouvé et punis.

Asie du Sud-Est

The Straits Times – Rétropédalage en Indonésie. Alors que le gouvernement semblait de plus en plus enclin à faire la lumière sur les massacres de 1965 (qui ont causé la mort d’au moins un demi-million de communistes supposés), le ministre indonésien de la Défense, Ryamizard Ryacudu, a justifié aujourd’hui ces meurtres de masse devant un parterre de militaires. Ses arguments ? Ils « méritaient de mourir » car ils avaient fomenté « une rébellion ». En outre, le ministre a d’autant plus écarté la nécessité de s’excuser que Barack Obama ne l’a pas fait pour la bombe nucléaire lors de sa récente visite à Hiroshima – alors même qu’il s’agissait d’un « acte de guerre », continue-t-il de se justifier.
Myanmar Times – La transition démocratique birmane commence à porter ses fruits. Preuve en est, la disparition de près de 100 millions de dollars d’un fonds pour l’exploitation des pierres précieuses (voir notre revue de presse du 2 juin) fait aujourd’hui l’objet d’un débat ouvert entre l’équipe dirigeante actuelle, sous la direction d’Aung San Suu Kyi, et celle qui l’a précédée, le gouvernement militaire de Thein Sein.

Où est donc passée cette somme astronomique, se demande chacun des deux camps ? Pour U Kyaw Kyaw Oo, membre exécutif de l’Association à la tête du fonds, cela ne fait aucun doute : c’est l’ancien gouvernement (parti USDP) qui a détourné cet argent à des fins personnelles. De son côté en revanche, l’ancien ministre des Mines U Myint Aung a réfuté tout soupçon de corruption : « Cette somme a été utilisée pour la protection de l’environnement et des projets de développement régionaux. »

Les débats portent également sur la plainte déposée le mois dernier et sur l’anticipation du verdict de la justice. Les membres de l’association craignent un jugement partial en raison des liens que les jurés entretiennent avec l’ancien gouvernement. « Nous ne nous attendons pas à un verdict 100% transparent car le tribunal est composé de militaires à la retraite », explique U Kyaw Kyaw Oo. Dans une rhétorique parfaitement inverse, l’ancien porte-parole de l’USDP évoque de toutes autres craintes. U Ye Htut a ainsi accusé U Kyaw Kyaw Oo de mener une « campagne diffamatoire à des fins politiques » : il n’y a pas de hasard si la plainte a été déposée devant la Commission d’évaluation des Affaires juridiques et des Situations spéciales, qui « emploie la plupart des membres exclus de l’USDP », explique-t-il…

Quoi qu’il en soit, le secteur des pierres précieuses représente depuis longtemps un terreau favorable à la corruption, rappelle le Myanmar Times. L’exploitation et la vente de gemmes engrangent en effet des profits très juteux (31 milliards d’euros par an pour le seul commerce du jade birman, d’après l’ONG Global Witness).

The Straits Times – Chaque prise de parole de Rodrigo Duterte, le président élu philippin, apporte son lot de controverses. Lors d’une conférence de presse donnée hier jeudi 2 juin au soir, il s’est ainsi permis de couper la question d’une journaliste en la sifflant et en lui entonnant une sérénade, sous les rires des autres personnes assistant au meeting (voir la vidéo). Si la reporter n’a pas demandé d’excuses et tenté d’étouffer l’affaire, son mari, également journaliste, s’est fendu d’un message public sur Facebook afin de dénoncer le comportement « déplacé » et « irrespectueux » de Duterte.

En 1997, l’homme politique avait d’ailleurs signé une ordonnance locale qualifiant de « harcèlement » le fait de siffler une femme, informe le Straits Times. Néanmoins, d’après le quotidien singapourien, cette « controverse » ne doit pas éclipser un autre propos choquant tenu par Duterte au cours de la même conférence de presse. Le président philippin a en effet justifié le meurtre de « journalistes verreux », déclarant que de tels « fils de putes corrompus » méritaient de mourir.

Asie du Sud

Firstpost« Les 24 personnes condamnées dans l’affaire de la Gulbarg Society nous montrent combien il est important d’avoir une société civile vibrante pour faire fonctionner la démocratie. » C’est ainsi que s’ouvre l’article du quotidien indien Firstpost. L’affaire de la Gulbarg Society remonte à 2002, lorsque 69 cadavres avaient été découverts dans le quartier de Gulbarg, dans la ville d’Ahmedabad. En février 2002, une foule d’Hindous avait attaqué la Gulbarg Society, le quartier musulman de Chamanpura. Ces violences répondaient à la mort de 59 pèlerins hindous décédés dans l’incendie d’un train qui aurait été commis par des musulmans. Sur les 66 personnes poursuivies, seules 24 ont été condamnées – les autres ont toutes été relaxées.

Firstpost se satisfait tout de même que « 14 années de travail laborieux, en dépit de risques et de menaces, [aient] débouché sur un semblant de sentiment de justice pour les survivants ». Le journal indien rappelle que les massacres se sont tenus dans la province du Gujarat, à l’époque gouvernée par Narendra Modi, l’actuel Premier ministre indien. Mais Firspost égratigne aussi le parti du Congrès, principale force d’opposition au BJP de Modi, jugé peu aidant envers les survivants du massacre.

Pour le quotidien, c’est à la société civile indienne que revient le mérite d’avoir soutenu les familles toutes ces années. D’où la question suivante : « Pourquoi le gouvernement Modi continue-t-il d’affaiblir la société civile alors que le système politique est tellement mis à mal ? » Les partis politiques, affirme Firstpost par ailleurs, n’ont jamais protégé les droits de l’homme en Inde, mais ont plutôt « contribué à les violer ». La société civile a néanmoins toujours comblé le vide laissé par les partis et pris la défense des personnes qui ont vu leurs droits bafoués. Conclusion de cet article à charge contre le milieu politique indien : « Sans une société civile vigilante, l’Inde serait encore une plus mauvaise démocratie. »

The Express Tribune – Hamid Saeed Kazmi, ministre pakistanais des Affaires religieuses, a été condamné à 16 ans de prison ce vendredi 3 juin, rapporte The Express Tribune. Mais ce n’est pas la sentence la plus lourde dans ce scandale de corruption. Rao Shakeel, directeur général du pèlerinage, a également été condamné à 40 ans d’emprisonnement. L’ancien secrétaire des Affaires religieuses, Aftab Ahmed, a lui aussi été condamné à 16 ans de prison. Tous les 3 peuvent faire appel de cette décision.

Hamid Saeed Kamzi avait été accusé de corruption lors de la location de résidences pour les pèlerins pakistanais de La Mecque en Arabie Saoudite. Il avait alors fait perdre des milliards de roupies aux dépens du Trésor public. L’Agence fédérale d’investigation (FIA), chargée de l’enquête, a en effet affirmé que l’ancien ministre avait loué des logements pour des officiels du gouvernement, restés inoccupés. En revanche, il aurait donné 2,7 millions de riyals saoudiens (720 millions de dollars) à un homme de paille nommé Ahmed Faiz, tandis que les pèlerins dormaient, eux, dans des logements encore en construction.

Hamid Saeed Kamzi avait été arrêté en mars 2011 avant d’être libéré sous caution en août 2012. Mais, six mois plus tard, la FIA a annoncé avoir trouvé d’autres preuves dont des transactions bancaires qui ont fini de prouver sa culpabilité.

Times of India – Les migrants hindous venus du Pakistan et du Bangladesh ne seront plus considérés comme illégaux par l’Inde, rapporte The Times of India ce vendredi 3 juin. Ces populations, qui font régulièrement l’objet de persécutions religieuses dans leur pays d’origine, pourront obtenir la nationalité indienne en vertu de la réforme prochaine du Citizen Act de 1955. Une décision au service de l’image que veut se donner le gouvernement de Narendra Modi : celui de protecteur des Hindous du sous-continent. La réforme devrait ainsi profiter à quelque 200 000 Hindous pakistanais et bangladais, qui se disent souvent traité comme des « citoyens de seconde zone ».

New Delhi légitime cette décision à travers le prisme de la religion, alors que beaucoup de migrants musulmans sont considérés comme marginaux car ils viennent en Inde pour des raisons économiques. Le Times of India rappelle que cette différenciation entre réfugié politique ou religieux, d’une part, et migrant économique, d’autre part, est en accord avec les normes internationales. Mais cette distinction est aussi motivée par le Sangh Parivar, doctrine qui fait de l’hindouisme une religion d’Etat en Inde.

Par Joris Zylberman, Alexandre Gandil, Alice Hérait et Liu Zhifan, avec Sylvie Lasserre Yousafzaï à Islamabad, Arnaud Dubus à Bangkok et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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