Revue de presse Asie - 17 mai 2016

Silence brisé en Chine sur la Révolution culturelle, Aung San Suu Kyi et Elections en Inde

Des vendeurs dans un marché de curiosités à Pékin déploient une banderole représentant Mao Zedong "inspectant la grande armée de la Révolution culturelle". Copie d'écran du Global Times, le 17 mai 2016.
Des vendeurs dans un marché de curiosités à Pékin déploient une banderole représentant Mao Zedong "inspectant la grande armée de la Révolution culturelle". Copie d'écran du Global Times, le 17 mai 2016.

Asie du Nord-Est

Quotidien du Peuple (en chinois) et Global Times – Un jour après la date anniversaire, le silence est enfin brisé. Les observateurs de la Chine attendaient depuis hier lundi 16 mai, une parole ou tout du moins un signe « politique » du Parti communiste chinois concernant les 50 ans du lancement de la Révolution culturelle. Et comme souvent, la « parole » est venue du Quotidien du Peuple, journal officiel du PCC. Aujourd’hui, mardi 17 mai, on peut donc lire en page 4 du journal (en chinois seulement), un éditorial engageant chaque citoyen chinois à laisser l’histoire à l’histoire et à regarder de l’avant, vers « un futur brillant » guidé par « le socialisme aux caractéristiques chinoises » et par le président Xi Jinping. Et l’éditorial de rappeler comme un vœu pieux que « les erreurs de la Révolution culturelle ne seront plus autorisées ».

Mais le message du Parti a aussi été communiqué en anglais via un éditorial du Global Times, qui tient à rappeler que la société chinoise fait bloc et « rejette fermement » la Révolution culturelle. Il y a 50 ans, le président Mao lançait officiellement la jeunesse contre les « révisionnistes » par la circulaire du 16 mai 1966. Cette « décennie de chaos [1966-1976] fut un désastre », souligne d’emblée le quotidien officiel qui concède qu’il est bien « normal que la population en parle », notamment sur Internet. Mais, insiste le Global Times, ces discussions ne reflètent aucun « clivage » dans la société chinoise.

Les deux organes de presse officielle s’inscrivent dans la bonne tradition du Parti depuis 35 ans. En 1981, le PC chinois condamnait par une résolution historique la Révolution culturelle. Mais pas question d’ouvrir un débat dans toute la société. A l’instar du Quotidien du Peuple, le Global Times ne s’écarte toujours pas de la ligne, en affirmant que le peuple s’est ainsi « concentré sur la construction économique du pays », que les objectifs « partagés par la société » ont provoqué un « élan vers le progrès », et que les « leçons » de la Révolution culturelle ont immunisé la nation contre les conflits internes.

Depuis le début l’année, le silence n’a pas été total en Chine, rappelle de son côté le New York Times. De nombreux journaux et sites internets « libéraux » chinois ont publié des éditoriaux demandant une plus grande réflexion sur la Révolution culturelle, afin de regarder en face les blessures du passé. D’autres, plus nostalgiques comme les sites de l’extrême-gauche « néo-maoïste », ont revendiqué une « Révolution culturelle 2.0 ». Mais semble-t-il, aux yeux du président Xi Jinping, l’important pour souder la population derrière lui, est de continuer à préserver l’image de Mao Zedong et d’attenuer son rôle, pourtant central, dans la Révolution cuturelle. Sans quoi la légitimité du Parti volerait en éclat.

Korea Herlad – Corée du Sud, Japon et Etats-Unis s’unissent pour un nouvel exercice militaire conjoint. Le gouvernement de Séoul l’a annoncé hier lundi 16 mai, l’opération se déroulera autour du 28 juin prochain près de Hawaï. Un avion militaire se tiendra dans la cible d’un missile balistique et les forces navales de chaque pays partageront des informations liées comme sa direction et sa trajectoire. Ils ne tenteront pas de l’intercepter, a annoncé un haut fonctionnaire du ministère sud-coréen de la Défense, « à cause des limitations du pacte pour le partage de renseignements militaires » signé par les trois pays en 2014.

Ce nouvel exercice intervient en pleine escalade des tensions entre les deux Corées. Le mois dernier, Pyongyang a procédé à plusieurs tests de missiles dont un tiré depuis un sous-marin.

Selon le haut-fonctionnaire sud-coréen, il ne s’agit pas d’une mesure destinée à se joindre au bouclier antimissile (THAAD) des Etats-Unis. La Chine et la Russie avaient fait part de leur opposition au bouclier américain : le ministre russe Sergueï Lavrov avait même accusé les Etats-Unis d’utiliser les menaces nord-coréennes comme un prétexte pour déployer un bouclier « global », contre les intérêts de Moscou.

United Daily News (en chinois) – La nouvelle agite l’ensemble du paysage médiatique taïwanais. Chen Shui-bian, ancien président de la République (2000-2008) d’obédience indépendantiste, bête noire de Pékin et condamné à 17 ans de prison pour corruption dans l’exercice de ses fonctions présidentielles, aurait été invité au banquet d’investiture de Tsai Ing-wen. La nouvelle présidente doit être investie le 20 mai prochain. Les autorités judiciaires taïwanaises ont immédiatement réagi, signifiant l’impossibilité pour l’ancien président d’honorer l’invitation, sous peine de violer les règles encadrant sa mise en liberté conditionnelle pour raisons médicales. Evidemment, la question déjà hautement politisée, se pose en termes juridiques et la presse s’interroge : la volonté présidentielle se passe-t-elle de la règle de droit et quel message faut-il lire dans cette affaire d’invitation ?

Asie du Sud-Est

Mynamar Times – Aujourd’hui, les Etats-Unis se prononceront sur le maintien des sanctions envers la Birmanie. Un maintien très probable, même si quelques révisions sont à prévoir selon les diplomates présents à Rangoun. Le Myanmar Times s’interroge sur le silence d’Aung San Suu Kyi. Celle qui est Conseillère d’Etat et ministre des Affaires étrangères ne s’est pas prononcée sur les sanctions américaines depuis que son Parti a remporté les élections, en novembre dernier. Lors d’une visite à Washington en 2012, dans le cadre de la transition démocratique du gouvernement militaire en Birmanie, elle avait demandé au gouvernement américain d’assouplir les sanctions. Depuis la victoire de son Parti, la LND, la « dame de Rangoun » reste ambiguë sur la question, arguant que les sanctions américaines ne sont pas « la seule chose qui importe pour que le pays progresse ».

Sous couvert d’anonymat, des officiels américains ont confié à l’agence de presse Reuters, qu’Aung San Suu Kyise était en faveur d’un prolongement des sanctions si celles-ci étaient modifiées. En effet, la leader de la LND entend maintenir la pression sur les institutions, où les militaires birmans gardent des positions. Néanmoins, à ses yeux, il semble que les barrières commerciales doivent être correctement ciblées afin de ne pas perturber l’économie générale du pays.

D’après l’International Emergency Powers Act, qui confère au président américain le pouvoir de réglementer le commerce international en cas d’urgence, les sanctions doivent prendre fin le 20 mai prochain. Mais elles peuvent être prolongées chaque année.

Phnom Penh Post – Une « révolution de couleur » pour le gouvernement cambdogien, un nouveau « Black Monday » pour les défenseurs des droits de l’homme. Lundi 9 mai, des manifestants vêtus de noir ont tenté de protester contre la détention de leurs confrères et d’un fonctionnaire électoral. Au total, 8 personnes ont été arrêtées et relâchées. L’expérience s’est renouvelée hier lundi 16 mai. Cette fois-ci, 5 manifestants ont été arrêtés à dans la capitale cambodgienne pour avoir pris part à des manifestations illégales. Ils ont tous été relâchés dans la nuit de ce lundi à aujourd’hui mardi. Selon le gouverneur député de Phnom Penh, les manifestants sont dans leur droit s’ils expriment leur opinion, mais ils ne peuvent pas manifester sans en informer les autorités.
Khaosod News – Deux après le coup d’Etat du général Prayuth Chan-ocha, le mouvement Nouvelle Démocratie appelle au rassemblement. Les manifestants se réuniront dimanche à 16 heures au mémoriel du massacre du 6 octobre 1976 de l’université de Bangkok. L’événement, relayé sur les réseaux sociaux s’intitule « Deux ans avec un futur que le peuple n’a pas choisi ». Cette mobilisation laisse le pouvoir central sur ses gardes.

Hier, lundi 16 mai, les autorités policières thaïlandaises ont annoncé que tous les rassemblements politiques de plus de 4 personnes étaient interdits et qu’elles contacteraient l’armée pour encadrer rassemblement de dimanche. Selon une loi qui vient d’être votée, les manifestants doivent prévenir la police s’ils souhaitent se rassembler, ce qu’ils n’ont pas fait, a indiqué un colonel du poste de police de Chanasongkram. En 2015, pour le permier anniversaire du Coup d’Etat, une manifestation avait déjà été organisée par le mouvement Nouvelle Démocratie, qui avait accusé la police d’user d’une « force excessive ».

Asie du Sud

The Hindu – Défaite possible pour Jayalalithaa au Tamil Nadu lors des élections du parlement local. Deux sondages réalisés à la sortie des urnes, l’un pour News Nation, l’autre pour India Today, donnent l’avantage à l’alliance formée par le DMK, parti rival historique, et le parti du Congrès. Le premier sondage lui accorde entre 114 et 118 sièges sur 234. Le second, entre 124 et 140. Le parti de Jayalalithaa (AIADMK) n’obtiendrait donc pas la majorité des sièges. Celle qui se fait appeler « Amma » (« la mère » – voir notre article) subirait une défaite historique dans l’Etat où la ministre en chef sortante faisait figure de favorite. Elle y avait été élue pour la première fois en 1989.

Malgré ce scrutin, le BJP, parti de Narendra Modi et allié de Jayalalithaa, devrait toutefois tirer son épingle du jeu dans ces élections locales. Toujours selon plusieurs sondages, le Front démocratique de gauche l’emporterait au Kerala sur le Front démocratique uni allié au parti du Congrès et à Assam, le BJP gagnerait le scrutin malgré un fort électorat musulman.

Dawn – Des explications toujours insatisfaisantes pour les opposants de Nawaz Sharif. Le Premier ministre pakistanais s’est exprimé hier lundi 16 mai au parlement pour répondre à l’afflux de questions qui lui étaient posées, notamment sur les « Panama Papers » où une grande partie de sa famille est citée dans ce scandale global de sociétés offshore. Mais selon le quotidien Dawn, il n’aurait répondu que partiellement aux interrogations des partis d’opposition. S’adonnant à une retrospective de sa trajectoire financière et d’entreprise, les sommes d’argent auxquelles Sharif a fait référence ne sont pas insignifiantes. Néanmoins, elles sont bien loin du montant que ses accusateurs ont perçu chez la famille du Premier ministre.

Une commission judiciaire est prévue pour mener l’enquête. Tandis que l’opposition voudrait conclure en priorité les affaires concernant la famille de Sharif, le Premier ministre insiste pour que l’examen se porte sur tous les suspects de façon simultanée. Il espère ainsi, que certains de ses opposants soient révélés coupables avant lui, analyse Dawn. Sharif se dit victime d’un complot de l’opposition, qui tenterait de mettre le gouvernement en porte-à-faux pour empêcher le pays de se développer. Il est vrai que les « Panama Papers » gèlent le bon déroulement des affaires gouvernementales, conclut ironiquement le quotidien pakistanais.

Voir notre revue de presse du 14 mai 2016.

Times of India – La listes des activistes libéraux assassinés n’a cessé d’augmenter ces derniers temps au Bangladesh. Ce dimanche 15 mai, un militant islamiste accusé d’avoir battu à mort un professeur de l’université de Rajshahi a été arrêté par la police. Le suspect est un militant du groupe Jamaat-ul-Mujahideen Bangladesh. Les autorités bangladaises ont renforcé leurs mesures répressives contre les militants qui chercheraient à faire de cette nation musulmane modérée un Etat pratiquant la Charia. Ainsi, une douzaine de membres de ce groupe ont été arrêtés et au moins 5 ont été tués depuis novembre.

L’assassinat de Rajshahi avait été rapidement revendiqué par l’Etat Islamique, qui accusait le professeur d’« appel à l’athéisme ». Le groupe terroriste n’est pas le seul à participer à cette série de crimes. Le mois dernier, la branche d’Al Qaida dans le sous-continent indien a revendiqué l’assassinat de deux défenseurs des droits LGBT.

Par Joris Zylberman, Alice Hérait, Claire Courbet, Antoine Richard et Alexandre Gandil, avec Hubert Kilian à Taipei et Anda Djoehana Wiradikarta à Paris

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