Cette semaine en Asie - 30 avril 2016

Chine : la possibilité d'une île

Un garde paramilitaire chinois à l'entrée du Grand Hall du Peuple, la salle d'accueil de l'Assemblée nationale populaire sur la place Tian'anmen à Pékin, le 28 avril 2016.
Un garde paramilitaire chinois à l'entrée du Grand Hall du Peuple, la salle d'accueil de l'Assemblée nationale populaire sur la place Tian'anmen à Pékin, le 28 avril 2016. (Crédit : FRED DUFOUR / AFP).
On connaît le refrain. La semaine qui vient s’écouler en Chine a marqué un déchaînement toujours plus inquiétant de la rhétorique anti-occidentale. A l’extérieur comme à l’intérieur du pays. Mais de quoi cette rhétorique est-elle le nom ?
Comic strip. En politique intérieure, Pékin s’est lancé dans la bande dessinée au service de la suspicion officielle des étrangers : dans les vignettes de la propagande, on peut voir un jeune homme blond à lunettes et « propre sur lui », toujours prêt à envoûter une jolie Chinoise afin de lui sous-tirer des secrets d’Etat. « Allons, ne soyez pas naïves face à l’espion étranger ! » dit le gentil policier dans la dernière vignette. Et c’est aussi le sens de la nouvelle loi sur les ONG en Chine puisque la police pourra désormais suspendre les activités d’une organisation non gouvernementale étrangère si cette dernière est jugée dangereuse pour la sécurité de l’Etat.

Sur la scène diplomatique, l’offensive continue elle aussi. Pékin a peu goûté le rapport publié par l’Union européenne sur le traitement des libraires hongkongais. Des libraires disparus puis réapparus contrits, confessés, auto-critiqués et prêts à abandonner toute publication bannie sur le continent chinois. Pékin s’est fendu d’une mise en garde tonitruante à l’encontre de Bruxelles.

Mais c’est bien sûr en mer de Chine du Sud que la charge se poursuit. Et se crispe. A quelques semaines du jugement de la Cour internationale de La Haye sur la plainte des Philippines contre les revendications chinoises dans toute la zone, Pékin aiguise ses armes. La meilleure défense étant l’attaque, le récif Scarborough, non loin des côtes philippines, est devenu le nouveau terrain de jeu des machines chinoises à poldériser. Au-delà de Manille, le message est pour Washington, qui n’a rien à faire dans la zone que revendique Pékin, cette « ligne à 9 traits » croquée sur une carte de 1947 à Nankin, et qui englobe 90% de la mer de Chine du Sud.

Depuis quelques années se dessine un nouveau chemin dans lequel la Chine de Xi Jinping s’est engagé : celui de l’insularité. La Chine devient une île. Elle ne veut plus guère se soumettre aux normes globales – l’a-t-elle jamais fait d’ailleurs, à part sous la contrainte coloniale… Droit de la mer, droits de l’homme ? Pas chez moi ! Pas sur mon île ! La Chine veut circonscrire son territoire, le poldériser et en faire un vaste îlot artificiel obéissant uniquement à ses règles. Au sens strict et au sens figuré.

Retour sur une semaine en Chine, dans la presse asiatique et internationale.

Lundi 25 avril

South China Morning Post – C’est un signal clair lancé à Manille et à Washington. Pékin commencera la poldérisation du récif de Scarborough en mer de Chine du Sud en fin d’année et y ajoutera une piste d’atterrissage, confirme une source proche de l’Armée populaire de Libération, citée par le South China Morning Post. Ce nouvel avant-poste au sein du récif permettra à la Chine de renforcer sa couverture aérienne. Il placera surtout la zone d’influence de Pékin à 230 km des côtes philippines.

Le récif de Scarborough est revendiqué par Pékin, Manille et Taipei. L’accélération des projets chinois intervient après le rapprochement des armées américaines et philippines. La Chine place aussi ses pions à quelques semaines de l’arbitrage de la Cour de la Haye sur ses revendications globales en mer de Chine du Sud. Le Tribunal international a été saisi par les Philippines pour contester la légalité de la revendication chinoise. Le jugement risque de se porter en défaveur de Pékin. Lire notre revue de presse du 20 avril dernier.

South China Morning Post – Une assimilation à la chinoise. C’est ce qu’a réclamé Xi Jinping aux groupes religieux présents sur son sol lors d’une rencontre tenue ce week-end sur les affaires religieuses. Le président chinois les a appelés à « fondre leurs doctrines avec la culture chinoise, obéir aux lois et aux régulations du pays, se dévouer aux réformes, à l’ouverture et à la modernisation socialiste afin de contribuer à réaliser le rêve chinois de renaissance de la nation ». Son discours a même pris une tournure véhémente lorsqu’il a appelé les citoyens à « résister à l’infiltration étrangère par les voies religieuses ». Xi Jinping resserre ainsi de nouveau l’étau sur les libertés religieuses en Chine, ce que dénoncent les ONG de défense des droits de l’homme depuis plusieurs années, affirme le South China Morning Post.

Mardi 26 avril

The South China Morning Post – Une mesure de plus pour limiter l’occidentalisation du pays, selon les mots de la propagande chinoise en ce moment. Le projet de loi sur les ONG étrangères en Chine inquiète les Etats concernés : il vise non seulement à renforcer la surveillance de la police, qui pourra désormais suspendre toute activité jugée comme une menace à la sécurité, et examiner à la loupe les financements des organisations. L’objectif est de laisser plus de place aux groupes « utiles » et d’expulser ceux considérés « dangereux ».
The South China Morning Post – Cela ne va pas calmer les tensions en Mer de Chine du Sud. Le Pentagone a révélé ce mardi 26 avril que les Etats-Unis avait conduit des opérations de « liberté de navigation » contre la Chine, Taïwan et 11 autres pays l’année dernière. Plusieurs de ces opérations sont liées aux revendications de Pékin en Mer de Chine du Sud. Elles consistent à envoyer plusieurs navires et avions militaires américains dans des zones où l’accès a été limité par d’autres Etats.

Hier lundi 25 avril, juste avant la sortie du rapport américain, le ministère chinois de la Défense exprimait ses inquiétudes face à Washington qui tente, selon lui, de « militariser » la Mer de Chine du Sud au nom de la « Liberté de navigation ».

Mardi 27 avril

South China Morning Post – L’Union européenne conseille vivement à la Chine de rétablir la confiance que les citoyens de Hong Kong ont placée dans le principe d’ « un pays, deux systèmes ». Des accusations irresponsables selon Pékin.

Lundi 25 avril, Bruxelles a en effet publié un rapport très critique sur la situation à Hong Kong, décrivant l’affaire des cinq libraires disparus comme « défiant sérieusement » les principes de gouvernance « d’un pays deux systèmes » prônés par la Chine depuis le retour de l’ancienne colonie britannique dans son giron en 1997. Selon l’Union européenne, cette affaire des libraires pourrait mettre en danger la position de Hong Kong comme centre d’affaires international.

Jeudi 28 avril

South China Morning Post – Désormais, le conseil de l’université de Hong Kong traitera des sujets qui pourraient éventuellement causer un « risque pour la réputation de l’école » déclare un de ses membres au South China Morning Post . Il y a quelques jours, la fuite des Panama Papers a révélé que l’université polytechnique de Hong Kong (PolyU) entreprenait des opérations commerciales secrètes. Le jeudi 28 avril, c’est au tour de l’université chinoise de Hong Kong (CUHK) et de l’université de Hong Kong (HKU) d’avouer leurs propres liens avec des sociétés implantées aux îles Vierges britanniques. Les deux institutions précisent toutefois que leurs sociétés sont inactives.

L’affaire a donné un nouveau souffle aux appels pour une révision des standards de transparence. Les cinq autres universités publiques de la ville ont, quant à elles, affirmé ne pas détenir de sociétés offshore.

PolyU est dans une situation particulièrement embarrassante car elle n’a pas déclaré ses sociétés offshore dans son rapport financier. Son président a déclaré qu’elles représentaient sa seule alternative viable afin de ne plus se lancer dans des joint-ventures déficitaires. Les membres du conseil on dit ne pas être au courant des liens de l’université avec ces sociétés offshore.

Vendredi 29 avril

Straits Times – La lutte des clans s’intensifie au sein du Parti communiste chinois. Le numéro un Xi Jinping manœuvre ses alliés contre les soutiens de son Premier ministre. La faction de Li Keqiang correspond à la Ligue de la jeunesse communiste, dont est issu l’ancien président Hu Jintao. La Ligue mobilise des dirigeants qui ne sont pas issus de l’aristocratie rouges, les « petits princes » dont Xi Jinping fait partie.

Selon le Straits Times qui cite l’AFP, le président chinois enquêterait actuellement sur la Ligue par le biais de la très redoutée Commission centrale de discipline du parti, le bras armé de Xi dans la vaste « lutte anti-corruption » qu’il a lancée en 2013. La Ligue serait suspectée de trafic d’influence et de détournement de fonds, indique le très officiel « Global Times » cité par le quotidien singapourien.

South China Morning Post – Les images sont rarissimes. C’est dans une prison plus que confortable que Gu Kailai, l’épouse de Bo Xilai, l’ancien secrétaire déchu du Parti à Chongqing, purge sa peine. Les photos, postées sur Wechat montrent la vie quotidienne des prisonniers de la prison de Yancheng, dans la province du Hebei : un jardin, une salle de musique, des pièces lumineuses et une salle informatique. On voit les détenus lors d’une course dans un stade, applaudir l’un des leurs sur la ligne d’arrivée. Les « prisons de luxe », telles qu’elles sont nommées par les médias chinois, reçoivent généralement les officiels emprisonnés pour corruption. En 2012, Gu Kailai avait été condamnée à mort avec une peine suspensive, pour le meurtre du Britannique Neil Heywood. Son mari, Bo Xilai, purge sa peine pour corruption dans une prison du même type.
Par la Rédaction d’Asialyst

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