"My Buddha is Punk" : Birmanie alternative
Entretien
Andreas Hartmann est allé à la rencontre de ce personnage hors du commun dans un documentaire saisissant de fraîcheur, d’humour et de justesse. Ce jeune réalisateur allemand s’est très tôt passionné pour la jeunesse dans une Asie en transition. Après un premier film remarqué, Jours de Pluie traitant de la mousson au Vietnam à travers le regard d’un enfant, il s’est intéressé à la situation birmane et a suivi pendant plusieurs mois un collectif de punk-rock de Rangoun, Common Street.
A travers la caméra d’Andreas, on plonge dans le monde rock’n’roll et politique de Kyaw Kyaw dont la personnalité irradie le film. Le jeune homme est convaincu que la société birmane doit et peut changer selon les principes de base du bouddhisme et du punk, qu’il réunit dans une même philosophie : le « do it yourself » à l’aube de la transition démocratique que connaît le pays. Andreas le suit, lui et son groupe, alors qu’il essaie, par petites doses, de convaincre d’autres jeunes de réfléchir à la nouvelle voie qui s’offre au pays : la démocratie, le changement, mais avant tout la liberté et la richesse de vivre ensemble.
My Buddha Is Punk est un film indépendant réalisé et produit par l’auteur. Il a été présenté cet hiver au 56e festival international du film documentaire des Popoli à Florence et sera diffusé au festival international du film documentaire à Bruxelles en mars 2016, puis au 13e festival du film ethnographique de Göttingen en mai, avant d’être disponible par VOD.
Le trailer de « My Buddha is Punk » est disponible ici. Suivez le film sur sa page Facebook et retrouvez le réalisateur Andreas Hartmann sur son site.
Je me suis intéressé à la jeunesse car à travers elle on perçoit bien les mutations sociales, les phénomènes de quête de soi. My Buddha is Punk reprend ces thématiques, où je suis les pérégrinations d’un jeune punk dans la Birmanie en transition. On retrouve cette recherche de soi, ces questionnements existentiels aussi dans mon projet actuel, au Japon, Free man qui traite d’une jeune Japonaise en rupture avec la société traditionnelle de consommation et du travail, et qui choisit une vie de vagabond.
Kyaw Kyaw et ses amis participent cependant à des manifestations. J’ai utilisé des images d’archives, comme celles de la « Révolution safran », lorsque des milliers de personnes, menées par des moines bouddhistes, ont protesté contre le régime militaire en 2007. C’est ce qui a inspiré Kyaw Kyaw pour la création de son groupe Rebel Riot. Puis en 2012, j’ai repris les images tournées par les punks eux-mêmes, lorsqu’ils manifestaient en septembre, pour le jour international de la paix, contre la guerre civile en territoire Kachin. Aujourd’hui ils continuent leur activisme en vendant des habits et accessoires punk DIY sur la route de Sule Pagoda, un point de rencontre pour les punks et aspirants punks de Rangoun. Après mon départ, ils ont inventé une version birmane du Food Not Bombs (voir le site de ce mouvement américain, NDLR) : grâce au recueil de dons, ils distribuent des repas qu’ils ont cuisiné ou des habits aux sans-abris de Rangoun, qui ne cessent d’augmenter avec l’inflation des prix du loyer dans la capitale économique du pays.
Ils donnent encore peu de concerts car il faut beaucoup d’autorisations et certains membres de groupes ne peuvent pas s’offrir d’instrument, ils doivent les emprunter ou les louer. Quand je filmais, le groupe de Kyaw Kyaw avait été invité pour jouer à festival des droits de l’homme à Mandalay, mais l’organisateur ne pouvait pas leur fournir d’instruments et leur a proposé de jouer a capela ! Aujourd’hui ils tournent un peu plus, notamment en Indonésie, où la scène est vraiment importante.
Selon Kyaw Kyaw, il existe deux types de libération : la libération physique et la libération matérielle. Pour lui, seule la seconde est réelle, car il s’agit d’une libération mentale. Il m’a expliqué avoir atteint la première dans le sens où il fait à peu près ce qu’il veut de sa vie. Maintenant, il cherche à atteindre la seconde grâce à la méditation. Il n’accepte cependant pas le ritualisme et les règles propres aux religions. C’est pourquoi il cite régulièrement cette phrase du Bouddha : « Ne croit pas à ce que dit ton père, ni à ce que dit ta mère, ne croit pas à ce que dit ton enseignant. Je suis le Bouddha et ne croit pas non plus à ce que je te dis. Pense par toi-même ! »
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