"The Monkey King 2" : pérégrinations numériques et heroic fantasy
Critique
Sauf que, depuis 2015, la dynamique semble avoir changé. Des films comme la trilogie The Four de Gordon Chan et Janet Chun, ou Zhong Kui: Snow Girl and the Dark Crystal de Peter Pau et Zhao Tianyu, ont prouvé qu’il était possible pour ces co-productions d’avoir des histoires intéressantes et des effets spéciaux convaincants. The Monkey King 2 continue dans cette voie encourageante.
On retrouve Sun Wukong, le Roi singe (Aaron Kwok remplaçant Donnie Yen), exilé sur le royaume terrestre. Là, il rencontre le moine Tang Sanzang (Feng Shaofeng) et se voit confier par la déesse Guan Yin (Kelly Chen dans un caméo) la mission de l’escorter dans sa quête des écritures boudhistes. Sur le chemin, ils rencontreront deux autres alliés, le lubrique Zhu Bajie (Xiao Shenyang) et le simple d’esprit Sha Wujing (Law Chung Him). Ils ne seront pas trop de trois pour empêcher la redoutable démone Baigujing (Gong Li) de mettre la main sur le moine pour le dévorer.

Un des gros défauts du long métrage de 2014 était son manque de constance en matière de visuel. Direction artistique et effets spéciaux alternaient constamment entre le meilleur et le pire (le syndrome de la bouillie numérique et de l’overdose de kitsch) de ce que pouvait faire le cinéma chinois dans le domaine. La différence avec ce second opus n’en est que plus éclatante. La direction artistique de Monkey King 2 est à ce titre particulièrement remarquable : Costumes, décors, accessoires – à la fois luxueux et détaillés – font tous preuve d’un goût sûr, et contribuent à concrétiser une Chine d’heroic-fantasy crédible et fascinante. Les effets spéciaux sont eux aussi nettement plus convaincants. Et si quelques séquences (la bataille finale), intégralement en numérique, sont parfois à la peine, la grande majorité d’entre elles ne sont pas loin d’égaler les standards hollywoodiens. Heureusement d’ailleurs, car le bestiaire proposé est conséquent. Armée de squelette, démons aux formes animales, dragon… Le tout mélangeant adroitement les influences occidentales (les squelettes rappellent les créations de Ray Harryhausen, l’apparence de Gong Li est inspirée de celle de Maleficent dans le film du même nom) et orientales (les cranes volants proches de ceux du Legend of Zu de Tsui Hark).
Le spectacle est également assuré par les différents affrontements qui rythment le film. C’est le légendaire Samo Hung qui prend la relève de Donnie Yen en tant que chorégraphe, et avec ce changement de personne ainsi qu’avec le changement de contexte de l’histoire, les combats ont un côté nettement plus « terrestre » que ceux quasi divins du premier film. Samo parvient ainsi à trouver un bon équilibre entre techniques martiales réelles et super pouvoirs inhérents au genre pour signer des scènes d’action enlevées et excitantes.
Assurément, le spectacle est au rendez-vous. Mais Soi Cheang n’en oublie pas le plus important : raconter une histoire à travers des personnages intéressants. Dans le long métrage de 2014, la personnalité très remuante du Roi singe et le contexte divin rendait l’immersion difficile. En ne se concentrant pas uniquement sur Sun Wukong mais bien sur l’équipe entière qu’il forme avec le moine Tang Sanzang et ses deux acolytes, il crée une dynamique nettement plus engageante. Les personnalités très marquées de chacun d’entre eux permettent des interactions à la fois drôles et piquantes. Et si certains rebondissements sont un peu téléphonés, cela découle en grande partie de l’œuvre originale. Soi Cheang et son scénariste parviennent même à intégrer quelques concepts bouddhistes, mettant en avant les idées de compassion et de respect de la vie, qui permettent au film de ne pas être un simple divertissement sans âme.
Après plus de 15 ans de tâtonnements et d’espoirs déçus, il semblerait que l’industrie cinématographique Chinoise (avec un grand C) ait enfin trouvé la dynamique adéquate pour accoucher de co-productions à grand spectacle artistiquement satisfaisantes. A ce titre, ce Monkey King 2 fait plaisir à voir. Reste à découvrir si ces efforts seront convertis en une réception publique positive et si les difficultés politico-économiques que connaît actuellement la Chine n’auront pas un impact négatif à court terme sur cette industrie.
Entretien
Bien qu’il ait commencé sa carrière dans l’industrie cinématographique au début des années 1990, Soi Cheang a longtemps évolué sous les radars du public et de la critique. Ce n’est qu’à partir de 2006, quand il signa le très noir Dog Bite Dog, qu’il parvint à attirer l’attention sur lui. A partir de là, son ascension fut rapide. Il devint ainsi l’un des piliers de la Milkiway de Johnnie To, assistant ce dernier sur certains de ses films (Drug War, Blind Detective) ou en réalisant des longs métrages pour le studio (Accident, Motorway). La série des Monkey King, initiée en 2014, est sa première tentative dans le registre ô combien délicat des co-productions Hong Kong/Chine continentale.
Pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces
Bien sûr, cela ne va pas sans quelques difficultés. Mais, de toute façon, sur des productions de cette ampleur, vous avez toujours un tas de problèmes à résoudre. Ce type de co-productions n’en est pas moins une solution pour toucher le public chinois. A titre personnel, j’aime faire les deux. SPL 2 par exemple est un polar d’action dramatique typique de Hong Kong. Mais, pour le développement de ma carrière, je ne peux pas abandonner la Chine. Et, dans mon cœur, je ne veux pas abandonner Hong Kong non plus. Alors j’essaie de trouver le bon équilibre. SPL 2 a d’ailleurs plutôt bien marché en Chine, ça me donne de l’espoir pour que des purs films Hongkongais puissent pénétrer le marché chinois mais je préfère garder un profil bas sur la question pour le moment et travailler dans cette direction petit à petit.
Le Kung Fu du singe
Singe virtuel
Remerciements : Joanne Wei, Dominic Yip.
Soutenez-nous !
Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.
Faire un don