Culture
Expert - Livres oubliés sur l’Asie

 

Polar : "The Kuala Lumpur Connection"

Vue de Kuala Lumpur, à la veille de la réunion de l’ASEAN, le 18 novembre 2015. (Crédit : MANAN VATSYAYANA / AFP).
En 1978, Khun Sa, chef de l’Armée Shan Unie, en vint à dominer le marché de la drogue dans le « Triangle d’Or » ; soit une zone frontière entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos. Connu aussi sous le nom de Chang Chi-fu, ce personnage hors du commun est né en 1934 en Birmanie et est mort en 2007 à Rangoon. Durant toute sa vie, il fascina journalistes et romanciers.
En 1978, il proposa aux États-Unis de leur vendre cinq cent tonnes d’opium brut en échange de 30 million de dollars. Le patron de la Central Intelligence Agency (CIA) de l’époque, William Casey, craignant que le Parti Communiste Birman ne s’empare de la récolte, était favorable à cette offre. Mais la Drug Enforcement Agency (DEA, autre service de police responsable au niveau fédéral de la lutte contre les stupéfiants) et l’administration Carter rejetèrent le marché.
C’est le point de départ de l’intrigue car Robert C. Porter, qui a vécu à la fin des années soixante dix en Malaisie, en tant que responsable pour l’Asie du Sud-Est de la firme américaine Texas Instruments, a imaginé un autre scénario : que se passerait-il si les États-Unis acceptaient l’offre de Khun Sa ? C’est une bonne idée de départ, et Porter, dont c’est apparemment le seul livre s’en tire plutôt bien.
Couverture de l’ouvrage de Robert C. Porter. (Crédit : D.R.).
Kuala Lumpur, quand j’y suis arrivé pour la première fois, début 1979, avait l’allure agréable d’une ville de province, entourée de verdure ; un peu comme Singapour. Si le héros du livre, Mike Shannon, un agent de la DEA, préfère le luxueux Hilton, je favorisais pour ma part l’Equatorial voisin, célèbre pour son coffee shop qui offrait une des meilleures cuisines locales de la ville. En fin de journée on y retrouvait journalistes locaux, correspondants de passage et personnalités de l’opposition.
Mike Shannon a un gros problème : son épouse adorée, Megan, est dans le coma depuis une rencontre brutale avec la Mafia. Mike la veille, lui parle, et s’épuise à force de guetter l’instant improbable ou elle sortirait de son tragique état. C’est à ce moment qu’il est contacté par un membre de la CIA – John Barrow – qui lui propose de se rendre en Asie du Sud-Est, d’entrer en contact avec les émissaires de Khun Sa et superviser l’achat de la cargaison d’opium.
Son contact en Malaisie, outre l’ambassadeur des États-Unis Bill Breeze et John Barrow est un Sikh, Harry Singh, qui a l’avantage de connaître tout le monde, et d’avoir un cousin, Vijay, qui est garagiste.
Le portier de l’hôtel Hilton, Razak, « qui parle plus de langues que le Pape », possède une autre qualité, plus rare : il reconnaît les gens à leurs chaussures. Un coup d’oeil sur leurs pieds et il sait – aussi infaillible qu’un Pape justement – d’où vient l’individu.
Ajoutons à ce petit monde l’inévitable belle, grande et blonde Kaitlin Rourke. Qui elle aussi, miracle, loge au Hilton.
Le récit va de la Malaisie à la Cite Murée de Hong Kong (ou Citadelle de Kowloon, aujourd’hui disparue), en passant par le Triangle d’or, sans oublier bien sûr une belle villa isolée – le Nid d’Aigle – propriété d’un Australien au parler haut, Barry O ‘Brien.
Shannon n’est pas seul à se passionner pour la drogue de l’Armée Shan Unie. Les triades, à Hong Kong en font leur pain quotidien, et Mike se trouvera bientôt face à face avec le méchant, fourbe et cruel Snake Teh. Sa mission : liquider Mike Shannon. Mais au Hilton, Razak, alerté par les godasses bon marché de l’individu, aidera à déjouer ce plan machiavélique.
Petit problème néanmoins pour le lecteur familier de l’Asie du Sud-Est, les noms de certains personnages, comme cette Thaïe baptisée Thep, qui est un nom d’homme.
Je ne vous dévoilerai pas bien entendu la fin de l’histoire.
Sachez que rien n’est simple, les périls nombreux sur la route de Mike. Et que la blonde Kaitlin n’est peut être pas une touriste en quête d’aventures.
Qu’il me suffise de vous révéler au moins une partie de la jolie fin de cette histoire. Au moment où Mike fait ses valises, au Hilton, il reçoit un coup de téléphone des États-Unis. C’est le docteur Lester, qui soigne sa femme Megan.
« Comment va-t-elle ? » Demande Mike. « Megan ? Elle va vous le dire elle même » lui répond le bon docteur. « Mike, c’est moi, je me suis réveillé ! ».
Happy end.
Robert C. Porter, retiré des affaires, vit avec son épouse à Foxborough, petite ville de l’Etat du Massachussetts. Situé au Sud-Ouest de Boston, cette petite ville de 16,266 habitants (selon le dernier recensement de 2010) est peuplée de gens riches. Le revenu moyen des hommes y est de 51 901 $ contre seulement 36 746 $ pour les femmes. C’est donc partout dans le monde la même chose. Voila peut être un bon sujet pour Robert Porter : mafia et égalité des sexes.
A lire : Robert C. Porter, The Kuala Lumpur Connection, iUniverse Inc., New York Lincoln Shanghai, 2006.

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A propos de l'auteur
Jacques Bekaert (1940-2020) fut basé en Thaïlande pendant une quarantaine d'années. Il est né le 11 mai 1940 à Bruges (Belgique), où sa mère fuyait l’invasion nazie. Comme journaliste, il a collaboré au "Quotidien de Paris" (1974-1978), et une fois en Asie, au "Monde", au Far Eastern Service de la BBC, au "Jane Defense Journal". Il a écrit de 1980 a 1992 pour le "Bangkok Post" un article hebdomadaire sur le Cambodge et le Vietnam. Comme diplomate, il a servi au Cambodge et en Thaïlande. Ses travaux photographiques ont été exposés à New York, Hanoi, Phnom Penh, Bruxelles et à Bangkok où il réside. Compositeur, il a aussi pendant longtemps écrit pour le Bangkok Post une chronique hebdomadaire sur le vin, d'abord sous son nom, ensuite sous le nom de Château d'O. Il était l'auteur du roman "Le Vieux Marx", paru chez l'Harmattan en 2015, et d'un recueil de nouvelles, "Lieux de Passage", paru chez Edilivre en 2018. Ses mémoires, en anglais, ont été publiées en 2020 aux États-Unis sous le titre "A Wonderful World".
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