Culture
EXPERT - TRANSISTOR ASIE

La Playlist de Transistor Asie

De jeunes rockeurs chinois sont rassemblés dans un parc à l’occasion d’un concert en plein air dans la capitale. (Crédits : STR/AFP).
De jeunes rockeurs chinois sont rassemblés dans un parc à l’occasion d’un concert en plein air dans la capitale. (Crédits : STR/AFP).
Pour cet épisode de Transistor Asie, allons droit au but, et plongeons-nous dans ce que les jeunes écoutent en Chine, à Pékin à Shanghai ou à Chengdu.
Je vous ai concocté une playlist qui incarne pour moi la diversité de la scène chinoise actuelle. Il s’agit ici de musiques dites indépendantes (par opposition à la mando-pop commerciale telle qu’on l’entend dans les karaokés et les médias officiels), à une exception près : celle de Faye Wong qui est une méga pop star mais qui est aussi capable de produire des choses singulières.
Dans cette sélection j’ai peut-être omis certains pionniers du rock (Cuijian) pour en favoriser d’autres (Dou Wei). Et j’y ai évidemment mis beaucoup de productions pékinoises, car c’est là que la scène est la plus énergique. On y trouve du rock sous toutes ses déclinaisons : punk (Hang On the Box), post punk (Re-TROS), psychédélique (Chui Wan), pop rock (New Pants) etc… mais je n’ai pas manqué de sertir cette playlist de folk nomade venu du grand Ouest de la Chine (Iz et Wild Children), et de son urbain venu de Shanghai.

Bonne écoute !

1/ Wild children , Nongpin

J’ai connu Wild Children au début des années 2000, ils jouaient dans un club minuscule qui s’appelait le River Bar (aplati depuis par les bulldozers et remplacé par un gigantesque complexe immobilier). Leur musique prend ses influences des mélodies de l’Ouest chinois, entre mélopées et blues. Magnifique.

2/ Dawanggang, Talking about birds

Dawanggang est un assemblage farfelu mené par le charismatique Song Yuzhe qui mélange avec brio les instruments traditionnels, des rythmiques ternaires complexes et des textes déglingués.

3/ Song Dongye, Dong Xiaojie

Song Dongye a été propulsé vers la célébrité après qu’un participant d’un talent show chinois a repris sa chanson « Mademoiselle Dong » devant des millions de téléspectateurs. Il est vrai que cette ballade folk est tout à fait plaisante ; la voix de Song est douce et pénétrante, on comprend que c’est une histoire d’amour compliquée et que cette mademoiselle Dong a dû lui en faire baver. Apprenez les paroles de la chanson ici.

4/ Iz, Mamer, Flutting Spirit

J’ai connu Mamer, énigmatique chinois de minorité kazakhe en même temps que les membres de Wild Children. Son groupe Iz mélange folk kazakh et rock progressif voire expérimental. La guitare électrique rencontre la dombra (luth à long manche) tandis que Mamer débite des paroles qui sonnent comme des incantations.

5/ Shuhtou, Move

Incontournable groupe de hard du début des années 90 et un des groupes symboliques de l’underground de l’époque. Shuhtou (Langue en chinois) a créé un univers vraiment unique, noir, poétique, revendicatif, saturé de guitares lourdes où le chanteur Wu Tun scande des textes satiriques et politiquement incorrects. A cause de leur aura sulfureuse le groupe se produit peu mais quand il joue il réunit des foules impressionnantes. Les concerts sont comme des messes noires. Inoubliable.

6/ Dou Wei, Gaojidongwu

Une chanson de 1994 du mythique Douwei (ancien membre du groupe de métal Black Panthers) issu de son album Black Dream qui sent les influences de The Cure et de Bauhaus à plein nez. J’ai toujours adoré cette chanson qui énumère tous les vices de l’être humain que Douwei qualifie de « super-animal ».

7/ Chui Wan, Seven chances

Chui Wan est un groupe récent, issu de l’écurie Maybe Mars, ultime référence du rock indé Pékinois. Le nom du groupe s’inspire d’un texte du philosophe taoïste Zhuangzi qui est une sorte de pré-anarchiste que la jeunesse cultivée apprécie. Mené par Yan Yulong, Chui Wan joue du rock psychédélique ultra planant, le groupe a d’ailleurs joué au mythique festival Levitation à Austin (USA) en juillet dernier.

8/ New Pants, Golden Idol

New pants est un des fers de lance du label Modern Sky. Les deux leaders, Peng Lei et Pang Kuan sont des fans des années 80 et assument fièrement une culture prononcée du kitsch. Leur musique est un mélange de disco et de brit rock assez léger. Ultra créatif, Peng Lei a réalisé la plupart des clips mais aussi des courts et des longs métrages.
A voir, l’un de leurs clips : Sex, drug and internet

9/ Carsick Cars, 15 minutes older

Icône du label Maybe Mars et groupe culte pour beaucoup de jeunes chinois, Carsick Cars a un son rock à la Velvet avec des guitares et des effets noisy accrocheurs. Leur chanson la plus connue est Zhong Nan Hai, en référence aux cigarettes pas chères que fume la plupart des jeunes mais aussi à la résidence du gouvernement. Mais, j’ai préféré choisir 15 minutes older, moins connue et tout aussi juvénile.

10/ Re-TROS, a Death-bed song

Encore un groupe aux références visibles et qui a choisi de chanter en anglais. Re-TROS (Version courte de Rebuilding the Rights of Statues) est très distinctement influencé par Joy Division et rentre dans la catégorie post-punk. Je me suis toujours dit qu’ils n’avaient peut-être rien inventé en terme de style, mais que c’était tout de même un des meilleurs groupes que je connaisse en Chine : leurs concerts sont excellents, la musique est construite, maîtrisée, noire, très noire et donne envie de danser comme Ian Curtis.

11/ Hang on the box, Yellow Banana

Hang On the Box est un des premiers groupes qui a attiré l’attention des médias étrangers sur la scène chinoise au début des années 2000. Il faut dire qu’un groupe de punk féminin, ça marche toujours sur la couverture d’un magazine branché ! Le son de Hang on the Box est juvénile et imparfait, génialement entraînant. La chanson que j’ai choisie est mal mixée, la voix est trop mise en avant et c’est ça qui fait son charme, on a l’impression d’être dans un bar à Pékin.
Voir également, leur clip Di DI DI

12/ Stolen, Suicidium mordum

Nouvelle sensation venue de Chengdu (province du Sichuan), Stolen a sorti son premier disque le mois dernier sur le tout nouveau label D-Force qui vient aussi de se lancer dans la jungle de la musique indépendante. Stolen produit un rock foisonnant, plein d’effets et de synthétiseurs vintage.

13/ Nova Heart, We are Golden

Nova Heart est le groupe de la sulfureuse Helen Feng, chinoise élevée aux États-Unis, la minuscule mais énergique batteuse Atom et Bo Xuan à la guitare qui est en train de percer en ce moment partout en Europe. Une voix à la Blondie, un son rock disco, une présence scénique incontestable : Nova Heart est le groupe que tout le monde aime en ce moment. A ne manquer sous aucun prétexte, ce lundi 12 octobre au Petit Bain à Paris

14/ Faye Wong, Xin fang ke

Retour vers l’année 2000 avec l’album Yu Yan (Fable) et une chanson dramatique comme seule en signe Faye Wong (Wang Fei en mandarin), la star chinoise jamais détrônée. Ancienne femme de Dou Wei (voir chanson n°6), héroïne du réalisateur hongkongais Wong Kar-wai dans le film Chungking Express, reine absolue d’une pop sophistiquée à l’heure où la pop chinoise n’était que sirupeuse, Wang Fei a une voix de cristal et fait partie des figures centrales de la musique en Chine.

15/ AM444, Xiang shi you guang

AM444 c’est un duo composé de ChaCha, chanteuse, MC, égérie des nuits shanghaiennes et du producteur néerlandais J.Soul. A eux deux ils ont conçu un son hybride où le rap en mandarin coule de source et se posent parfaitement sur les rythmes hyper urbains qui puisent leur source dans le hip hop américain et la bass music anglaise.

16/ Xiao Laohu (J Fever) & Soulspeak, Tuoniao de pigu

Encore une nouveauté de première fraîcheur ! Voici un titre tiré de l’album sorti il y a tout juste 3 semaines, collaboration du rappeur chinois Xiao Laohu alias J Fever et du producteur américain d’origine chinoise SoulSpeak. Encore une démonstration que le mandarin est une langue étonnamment fluide et se prête bien au phrasé du rap. Je pense que cette chanson est un tube.

17/ Howie Lee, Fused Pagoda

Une touche électronique pour finir cette sélection avec Howie Lee de son vrai nom Li Huadi, un producteur qui a le vent en poupe en ce moment. Il joue un son « deep » et syncopé ultra synthétique et rudement efficace pour les clubbeurs. Vous pouvez le croiser régulièrement au temple des soirées electro pékinoises : le Dada.

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A propos de l'auteur
Basée en Chine pendant 16 ans où elle a passé sa post adolescence au contact de la scène musicale pékinoise émergente, Léo de Boisgisson en a tout d’abord été l’observatrice depuis l’époque où l’on achetait des cds piratés le long des rues de Wudaokou, où le rock était encore mal vu et où les premières Rave s’organisaient sur la grande muraille. Puis elle est devenue une actrice importante de la promotion des musiques actuelles chinoises et étrangères en Chine. Maintenant basée entre Paris et Beijing, elle nous fait partager l’irrésistible ascension de la création chinoise et asiatique en matière de musiques et autres expérimentations sonores.
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