Chine - Amérique : je te tiens, tu me tiens...
A la différence du Japon et de la Corée du Sud, la Chine s’est ouverte aux investissements des entreprises asiatiques qui l’utilisent comme atelier d’assemblage, et aux entreprises occidentales davantage attirées par son marché. Deuxième destination des investissements directs dans le monde, la Chine investit à l’étranger depuis que le gouvernement a adopté en 1999 la stratégie « Going global » et le ralentissement de l’économie dope ce mouvement. Le Ministère chinois du Commerce (Mofcom) prévoit ainsi que le montant cumulé des investissements chinois à l’étranger atteindra 1000 milliards de dollars en 2015.
Quels sont les pays qui investissent en Chine et dans quels pays se dirigent les investisseurs chinois ? Inutile de compulser les statistiques du Mofcom pour trouver la réponse : Hong Kong, Singapour, les Iles Vierges britanniques (BVI) et les Iles Caïmans assurent les trois quarts des entrées et sont la destination d’un pourcentage élevé des sorties. Ces places off shore servent de relais aux entreprises chinoises ou étrangères, et ce sont parfois les mêmes ! En effet, des Chinois investissent dans ces places, d’où ils opèrent leurs investissements ailleurs ou dans leur pays. Obéissant à des motivations fiscales ou masquant des fuites de capitaux, ces « allers-retours » gonflent les statistiques.
Modestie des investissements croisés
Selon le Mofcom, l’investissement chinois aux Etats-Unis progresse rapidement – 3,4 milliards de dollars entre 2003 et 2010, 4 Milliards en 2013 – et son montant cumulé atteindrait une vingtaine de milliards de dollars, moins que ce qu’indiquent les sources américaines. Heritage, un think tank proche du Parti républicain, suit les projets des entreprises chinoises dans le monde et il privilégie les « gros tickets » en mettant la barre à 100 millions de dollars. La Chine aurait investi 67 milliards de dollars entre 2005 et juillet 2014, dont 20 milliards dans l’énergie (gaz et pétrole de schistes), 18 dans le secteur manufacturier et 9 dans immobilier.
Selon Rhodium qui place la barre plus bas et commence en 2000, les entrées étaient inférieures à 1 milliard de dollar par an entre 2000 et 2008, à l’exception du rachat de la division PC d’IBM par Lenovo pour 1,7 Milliard en 2005. A noter qu’elles étaient de 4,6 milliards en 2010, de 7,3 milliards en 2012 et deux fois plus l’année suivante. Depuis 2012, les investissements chinois sont réalisés par des entreprises privées (secteurs de pointe, finances) et des particuliers (immobilier). Les 1 583 entreprises chinoises présentes aux Etats-Unis emploient 80 600 salariés. Si la Californie attire le plus de capitaux chinois (5,9 milliards), cela s’explique moins par l’investissement des entreprises (370 employant 8300 salariés) que par celui des particuliers dans le foncier et l’immobilier.
Le BEA qui s’appuie sur une méthodologie différente – il mesure les actifs et non le flux des projets -, publie deux séries : la première considère les investissements venant directement de Chine ; la seconde remonte à l’actionnaire ultime. La Chine aurait investi 10 milliards en décembre 2013, 0,3 % du montant investi aux Etats-Unis, trois fois moins que la Corée du Sud.
L’importance des placements chinois
Les investissements des Chinois sur le sol américain représentent des montants très inférieurs à leurs placements financiers, à commencer par ceux de la Banque centrale. Celle-ci a investi une part de ses réserves en Bons du Trésor – avec 1 271 milliards de dollars en juin 2015, la Chine en est le premier détenteur étranger et elle possède 10% de la totalité de ces bons. Ces placements font l’objet de vives critiques en Chine car non seulement, ils ne rapportent rien mais mesurés en yuan (qui s’est apprécié vis-à-vis du dollar), leur rentabilité est négative. Quant aux fonds souverains, créés pour mieux utiliser les réserves, plusieurs ont fait de lourdes pertes.
Le piège du dollar
On oublie en effet que si la Chine possède plus de 1 000 milliards de Bons du Trésor, la Fed a la capacité d’en créer un montant illimité. C’est ce qu’elle a démontré après la crise de 2008 : la politique de Quantitative Easing (QE) a créé l’équivalent de 15% du PIB américain soit plus que les avoirs chinois. L’accumulation de Bons du Trésor par la Chine ne lui donne aucune influence sur la politique américaine. Selon l’expression d’un économiste américain, Pékin « pointe un pistolet à eau sur les tempes de Washington ».
Il n’en demeure pas moins que la Chine et les autres pays émergents, pris au piège du dollar, diminuent progressivement leurs avoirs en bons du Trésor. Ajoutées à la fin de la politique de QE, leurs ventes contribueront à la remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde.
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