Economie
Expert - Le Poids de l’Asie

Sommet Obama - Xi Jinping : les dossiers économiques

Le président américain Barack Obama partage un toast avec son homologue chinois Xi Jinping lors de sa visite à Pékin le 12 novembre 2014. (Crédit : AFP PHOTO/Greg BAKER /POOL)
Le président américain Barack Obama partage un toast avec son homologue chinois Xi Jinping lors de sa visite à Pékin le 12 novembre 2014. (Crédit : AFP PHOTO/Greg BAKER /POOL)
Le 24 et 25 septembre, avant de participer à l’anniversaire de la création des Nations Unies à New York, Xi Jinping sera reçu à la Maison Blanche. Cette seconde rencontre avec le Président Obama sera leur premier sommet. Au menu, figurent les questions sensibles du piratage informatique, de l’accès au marché chinois et du traité bilatéral sur l’investissement.

De part et d’autre, les conseillers ont rédigé des « éléments de langage » et préparé des dossiers à commencer par celui des échanges bilatéraux. Les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de la Chine, et la Chine est le deuxième partenaire des Etats-Unis. Ces échanges ne sont pas perçus de la même façon à Pékin et à Washington.

Les échanges de la Chine avec le « Beau pays » (meiguo, 美国)

Mesurés depuis Pékin, les échanges avec les Etats-Unis atteignaient 550 milliards de dollars en 2014 – autant que les exportations françaises dans le monde -, soit 12 % du commerce extérieur de la Chine. Les Américains sont les premier partenaires des Chinois devant Hong Kong et le Japon.

Absorbant 18 % des exportations chinoises, le marché américain est le plus grand débouché des produits made in China. Si, pour la première fois, les exportations chinoises vers le monde se sont contractées pendant l’été, elles ont moins fléchi vers les Etats-Unis où elles sont tirées par le redressement américain.

Qu’en est-il des importations chinoises ? Quatrième fournisseur de la Chine en 2010, les Etats-Unis sont à la troisième place en 2015 avec une part de marché (9%) qui approche celle du Japon (2ème) et de la Corée du Sud (1er). Dans son discours à l’Etat de l’Union (janvier 2010), le président Obama s’était engagé à doubler les exportations américaines dans le monde en cinq ans. S’il n’a pas atteint son objectif, les exportations américaines vers la Chine ont été multipliées par deux. Les Etats-Unis pourraient devenir le premier fournisseur de biens de la Chine.

Tableau : échanges bilatéraux Chine / Etats-Unis vus de Pékin.
Tableau : échanges bilatéraux Chine / Etats-Unis vus de Pékin.

Les exportations de la Chine vers les Etats-Unis ayant progressé plus vite que leurs importations, l’excédent chinois aura presque doublé entre 2010 et 2015. Ce gonflement s’explique autant par la reprise américaine qui tire les exportations chinoises que par le ralentissement chinois qui freine les importations.

Les échanges des Etats-Unis avec l’Empire du Milieu

Vu de Washington, la perspective est différente. Selon les douanes américaines, ce commerce est de 591 milliards de dollars en 2014, au lieu des 550 milliards selon les douanes chinoises. Le déficit américain est de 342 milliards alors que vu de Pékin, l’excédent est de 243 milliards. Ces écarts ne sont pas spécifiques à la Chine : un coup d’œil aux statistiques de part et d’autre du Rhin montre que les exportations vers l’Allemagne mesurées par les douanes françaises ne sont pas égales aux importations françaises mesurées par les douanes allemandes. Toutefois, l’écart est de 5 % alors qu’il est de 20 % entre la Chine et les Etats-Unis. Parmi les explications à cet écart élevé, le transit via Hong Kong ou Singapour se combine avec le fait que le règlement des échanges chinois peut masquer des sorties ou entrées de capitaux.

La Chine est le second partenaire commercial des Etats-Unis : son premier fournisseur (avec une part de marché de 20 %) et son 3ème client, loin derrière le Mexique (2ème) et le Canada (1er).

Tableau : échanges bilatéraux Chine / Etats-Unis vus de Washington.
Tableau : échanges bilatéraux Chine / Etats-Unis vus de Washington.

La Chine absorbe 7 % des exportations américaines. Cette moyenne masque des situations contrastées entre secteurs et entre Etats :
  • Les exportations pèsent plus que la moyenne pour l’agro-alimentaire (10 %), le transport aérien, les pièces automobiles et les équipements mécaniques.
  • Le marché chinois est un enjeu important pour l’Alaska, l’Etat de Washington, l’Oregon, Hawaï qui y dirigent un pourcentage assez élevé de leurs exportations (30% pour l’Alaska). Si l’on considère la répartition des exportations américaines vers la Chine, 20 % sont le fait de trois Etat du Sud et 34 % de la côte ouest. Avant de se rendre sur la côte est, Xi Jinping fait escale à Seattle, le siège de Boeing, où il participera à une conférence organisée avec les PDG des grands groupes américains : il cherche à les mobiliser contre les mesures de rétorsion que pourrait annoncer l’exécutif.
  • Graphique : place de la Chine dans les exportations des Etats fédérés américains et part des Etats fédérés dans les exportations américaines vers la Chine.
    Graphique : place de la Chine dans les exportations des Etats fédérés américains et part des Etats fédérés dans les exportations américaines vers la Chine.
    Les Etats Unis dirigent 6.2 % de leurs exportations de services vers la Chine, qui augmentent à un rythme rapide et ont atteint 40 milliards de dollars en 2014 (un tiers des exportations de marchandises). Ces échanges dégagent un excédent structurel pour les Etats Unis.

    Au cours des cinq dernières années, le déficit américain avec la Chine a représenté 45 % du déficit commercial des Etats-Unis, où le China bashing a remplacé le Japan bashing. Attribuant la compétitivité chinoise à la sous-évaluation du yuan, des hommes politiques ont souhaité imposer une surtaxe sur les importations. Depuis 2005, alors que le yuan s’est apprécié de 30 % par rapport au dollar, le déficit a continué de se creuser jusqu’en 2011 et s’est stabilisé ensuite.

    Graphique : échanges bilatéraux entre la Chine et les Etats-Unis, de 2005 à 2015 - solde commercial des Etats-Unis avec la Chine et taux de change du dollar par rapport au yuan.
    Graphique : échanges bilatéraux entre la Chine et les Etats-Unis, de 2005 à 2015 - solde commercial des Etats-Unis avec la Chine et taux de change du dollar par rapport au yuan.

    Le « Made in China » aux Etats Unis

    Le commerce avec la Chine occupe une place modeste dans l’économie américaine : les exportations et les importations s’élèvent respectivement à 0,7 % et à 1,4 % du PIB. Les produits chinois sont toutefois très présents sur le marché et si l’on en croit le livre enquête d’une journaliste, vivre sans « acheter chinois » est une gageure. Pourtant, comme le montre la Banque Fédérale de San Francisco, les achats de produits « made in China » ne représentent que 2.7% des dépenses des ménages en 2010. Comment expliquer ce résultat « contre-intuitif » ?

    Tout d’abord, les achats de services (logements, transport, soins, loisirs) représentent les deux tiers des dépenses des ménages. Ensuite, même si les produits chinois constituent un pourcentage élevé des textiles, sur les petits équipements ménagers et jouets achetés par les ménages, une part très importante de la facture correspond à des services fournis par des entreprises américaines : ainsi le transport, la distribution ou le marketing des produits « made in China ». La part destiné aux seuls produits est bien plus faible.

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    A propos de l'auteur
    Jean-Raphaël Chaponnière est membre du groupe Asie21 (Futuribles) et chercheur associé à Asia Centre. Il a été économiste à l’Agence Française de Développement, conseiller économique auprès de l’ambassade de France en Corée et en Turquie, et ingénieur de recherche au CNRS pendant 25 ans. Il a publié avec Marc Lautier : "Economie de l'Asie du Sud-Est, au carrefour de la mondialisation" (Bréal, 2018) et "Les économies émergentes d’Asie, entre Etat et marché" (Armand Colin, 270 pages, 2014).
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