Vietnam : comment réussir une deuxième "révolution" économique ?
Le contexte en chiffres
Quel est le tableau général ? La reprise économique continue au Vietnam en 2015. Si l’on recoupe plusieurs sources , allant du FMI et de la Banque mondiale au ministère vietnamien de l’Economie, en passant par les banques internationales comme ANZ ou BNP Paribas, la croissance pour 2014 se situe à 6% (avec une variation de plus ou moins 0,2%). Au premier semestre de 2015, ce taux a très légèrement augmenté à 6,05%. Les prévisions donnent 6,2% pour toute l’année 2015 et 6,5% en 2016. Les autres indicateurs poussent aussi à l’optimisme. Au premier trimestre 2015, l’inflation demeure stable à environ 0,4% et les exportations s’élèvent à 50,1 milliards de dollars, soit une hausse de 8,2% par rapport à 2014 à la même période. L’an passé, le Vietnam était même devenu le plus gros exportateur de l’Asie du Sud-Est vers les Etats-Unis, avec 28,64 milliards de dollars. Tendance confirmée par les investissements directs à l’étranger (IDE) qui représentent 4,95 milliards de dollars en mai 2015, soit une hausse de 7,6% par rapport à 2014. A noter que le pourcentage de la population vivant avec moins d’un dollar par jour, le seuil de pauvreté, est passé de 69% en 1995 à 14% en 2015. Sur ce point, le Vietnam fait mieux que la Chine, l’Inde et les Philippines.
Epées de Damoclès
Prix à payer pour la réforme des groupes publics
L’inquiétude est réelle. Pour Nguyen Duc Kien, vice-président de la commission des finances du Parlement, « la dette publique progresse trop vite. Surtout dans une période où la reprise et la croissance restent encore lentes. Nous devrons réduire nos dépenses ! » D’autres experts comme le célèbre économiste Nguyen Tran Bat, sont plus mesurés : « La dette publique n’est pas un problème en soi. Elle peut doper l’économie en temps de crise si sa gestion est judicieuse. La grande menace ici au Vietnam, ce sont des emprunts inconsidérés pour des investissements qui le sont encore plus, voire des malversations… Comme l’économie mondiale n’a pas retrouvé ses couleurs, le Vietnam aura probablement des difficultés à réduire sa dette avec les recettes espérées. » Troisième menace pesant sur l’économie du pays : les groupes publics. Le pays en compte environ 1300 dans l’aéronautique, les transports, les banques, la construction, l’énergie ou les chantiers navals. Le ministère du Plan et de l’Investissement est conscient du besoin urgent de réforme, comme nous le confie l’un de ses fonctionnaires : « Les conglomérats d’Etat génèrent près de 40% du PIB mais sont responsables de 80% de la dette contractée. Ils sont accusés de tous les maux à juste titre. Opaques, mal gérés, corrompus, au-dessus des lois, ces groupes pesaient en 2013 près de 45% des investissements réalisés par le pays. Ils bénéficient de 60% des crédits que les banques commerciales sont « incitées » à octroyer. » Alors qu’ils absorbent 70% des aides au développement, ils contribuent seulement à hauteur de 30% à la croissance, et cumulent 61 milliards de dollars de dettes, soit la moitié de la dette publique du Vietnam.
« Quelques-uns d’entre eux possèdent même des dettes de trois à dix fois supérieures à leurs capitaux, reconnaît l’agent du ministère. Et des erreurs ont été commises, faisant perdre à l’Etat des milliards de dollars ! »
Les milliards se sont volatilisés, mais les autorités ne cachent plus les problèmes sous le tapis. Car l’heure est au nettoyage en prévision des traités de libre-échange internationaux à venir. Le Premier ministre Nguyen Tan Dung a pris des mesures pour accélérer la privatisation des mastodontes publics. Malgré sa volonté affichée, la tâche reste néanmoins ardue. Car ces groupes publics sont devenus des entrelacs inextricables d’intérêts politiques et privés avec des sociétés en cascade. Pour remettre tout cela au propre, il y aura un prix à payer dont personne ne saurait prédire le montant.
L’espoir mis dans les traités de libre-échange
Ingrédients de la deuxième « révolution » économique
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