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Taiwan : le voyage d’Eric Chu à Pékin fait toujours débat

Eric Chu, président du Kuomintang, le parti au pouvoir à Taiwan, lors de la conférence de presse à Pékin le 4 mai 2015. (Crédit : AFP PHOTO/ WANG ZHAO)
Eric Chu est-il allé trop loin en Chine ? S’est-il montré trop béni-oui-oui avec Xi Jinping ce lundi, en espérant gagner une place plus affirmée pour Taiwan sur la scène diplomatique ? C’est ce qu’une partie de la classe politique taiwanaise reproche au président du Kuomintang. Cela va même jusqu’au sein du gouvernement, pourtant du même bord. A Pékin, Eric Chu, main dans la main avec Xi Jinping, avait déclaré que les deux rives du détroit séparant l’île de Taiwan du continent « appartenait à une seule Chine ». « Inacceptable » pour le ministre des Affaires continentales, révèle le Taipei Times. Selon Andrew Xia, cela revient à endosser sans discussion la stratégie du gouvernement de Pékin.

Cette stratégie s’appuie sur le « consensus de 1992 », qui est pourtant soutenu par le KMT. Seulement ce « consensus » a tout de l’oxymore. Il y a 23 ans à Hong Kong, dans un communiqué commun, clair et obscur à la fois, Pékin et Taipei s’étaient entendus sur le concept d’une seule Chine, laissant chacun interpréter qui des deux gouvernements était le vrai représentant du pays.

En tout cas, la rencontre d’Eric Chu avec le numéro un chinois a eu le mérite d’électriser le débat politique à Taiwan. C’est comme si la campagne pour la présidentielle de janvier 2016 avait déjà commencé, alors que les candidats ne sont pas encore tous choisis. Eric Chu, notamment, n’est pas officiellement le candidat du Kuomintang. Or, pour le China Times (en chinois), c’est le mieux placé pour faire gagner son parti, exsangue après la débâcle des dernières élections locales fin novembre dernier.

Mais cela n’empêche pas le leader du KMT de monter allègrement au front, comme s’il était déjà en campagne. Le quotidien United Daily le montre se dresser en adversaire direct de Tsai Ying-wen, la candidate – investie, elle – du Parti Démocrate-progressiste (DPP). Pour M. Chu, Mme Tsai n’a aucun programme sur les relations entre Pékin et Taipei : elle se contente de « phrases vides » comme le « statu quo » dans les relations sino-taïwanaises. Des phrases qui cacheraient en fait une stratégie de « confrontatio », alors que lui prône la « coopération ».

Tout cela arrange beaucoup le gouvernement chinois. Le China Post rapporte que le Bureau des Affaires taïwanaises, l’organe chargé à Pékin de la réunification avec l’île, accuse aussi le DPP : sans programme, le principal parti de l’opposition devrait faire face à des « conséquences » s’il ne soutenait plus le principe d’ « une seule Chine ». Une façon de s’immiscer plus encore dans la campagne présidentielle taïwanaise. Les électeurs jugeront.

La rédaction d’Asialyst avec Victor Yu à Taipei

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