Politique
Diplomatie, crimes et passions

Gambie : Signe d’un pacte de non agression Chine/Taiwan?

Le président gambien Yahya Jammeh. (Crédit : ISSOUF SANOGO / AFP)
La Gambie était un des précurseurs en Afrique de l’Ouest dans le jeu des ruptures diplomatiques entre la République Populaire de Chine (RPC) et la République de Chine (ROC). Le 25 juillet 1995, elle rompt ses relations avec Pékin au profit de Taïwan. Le président sénégalais Abdou Diouf suit son exemple en janvier 1996, cinq mois plus tard et rompt lui aussi ses relations avec Pékin.

C’est une période stratégique pour négocier sur l’échiquier diplomatique, car d’un côté l’Angleterre va rétrocéder Hong Kong (1997) et le Portugal, Macao (1999) et Jiang Zemin s’efforce de préparer la transition dans le calme. De l’autre, la guerre froide entre la RPC et la ROC bat son plein, puisqu’est organisé le 20 Mai 1996 la première élection présidentielle démocratique, qui donne le pouvoir à Lee Teng-Hui. Cela inquiète Pékin qui craint l’émergence de difficultés lors de la double rétrocession à venir. Du côté taiwanais, cette image d’indépendance donnée par l’élection est sans précédant, et il est redoré par le ralliement de pays tels le Burkina Faso, la Gambie ou le Sénégal.

Cependant une dizaine d’années plus tard, Abdoulaye Wade (président sénégalais de 2000 à 2012) décide le 25 octobre 2005 de rétablir officiellement les relations diplomatiques avec la RPC, arrêtant de fait de reconnaître la ROC. Il devient un des derniers grands pays à quitter Taïwan pour rejoindre Pékin.

C’est suite au refus par Taïwan de fournir une subvention qui ne s’appuyait sur aucun projet, que le président gambien Yahya Jammeh décide à son tour de suivre l’exemple de Dakar. Il annonce le 14 novembre 2013 la rupture diplomatique avec la ROC. La surprise est générale dans la presse gambienne, taïwanaise, mais également chinoise. Le président gambien se félicite sur Facebook des bonnes relations avec Taïwan depuis 18 ans, mais dit devoir reconnaître la RPC comme représentant de la Chine Unique dans l’intérêt de la Gambie. Le 18 novembre, après quatre jours de ping-pong médiatique, Taïpei annonce à son tour la rupture avec Banjul. Les 218 étudiants boursiers gambiens se préparent pour un transfert vers la Chine, comme leur frères sénégalais huit ans plus tôt.

Seulement, la Gambie essuie dans la foulée un refus catégorique du gouvernement de Pékin, affirmant que Yahya Jammeh n’a jamais prévenu la diplomatie chinoise de ses intentions, et qu’il n’est pas question de rallier la Gambie. À cette occasion, Xi Jinping annonce à Wu Poh-hsiung, président honorifique du KMT de Taïwan, que ces dernières années, la Chine aurait refusé six demandes spontanées d’alliés taïwanais, dont le Panama en 2009.

La Gambie rejoint ainsi le cercle très restreint des pays coupés tant de la RPC que de la ROC, mais c’est par refus de Pékin qui déclare ouvertement sa volonté de non agression envers la diplomatie taïwanaise. Il ne resterait pourtant que 22 pays à rallier, dont un quart ont déjà fait la demande, avant d’isoler politiquement totalement Taïwan.

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A propos de l'auteur
Albane Lahlou est titulaire d’un Master de philosophie chinoise (2004) et d’un master de criminologie (2008) ; et est actuellement en doctorat de prévention criminelle à l'Université Centrale de police de Taïwan. Pour ses divers travaux, elle a obtenu quatre prix d'honneur, dont deux en philosophie (2001, 2003), un en criminologie (2008), un en science policière (2014). Elle a par ailleurs publié 14 publications scientifiques dans des revues taïwanaises, et a présenté ses travaux lors de 7 conférences internationales en criminologie.