Inde : prières "suspectes"
Puis un jour – il y a 15 ans pour certains, 4 années pour d’autres – un « frère » ou une « sœur » est venu leur parler. Un religieux évangélique qui leur a confié qu’il y avait « quelqu’un qui pouvait prendre soin » d’eux. Que Jésus était là. Ils ont donc commencé à prier avec eux et trouvé, ainsi, une communauté qui les écoute et leur donne des repères, un espoir.
Mais cet édifice intérieur est chamboulé le 14 janvier dernier. Ce jour-là, ils sont treize, réunis pour prier chez le frère Shankar, quand un groupe d’hindouistes accompagnés de policiers arrive en criant. Ils les insultent et essaient de brûler la moto garée à l’extérieur. Puis les accusent de pratiquer des conversions, par la force ou grâce à des pots-de-vin, ce qui est considéré comme un crime dans cet Etat du Madhya Pradesh, situé au cœur de la « ceinture hindoue ». Le gouvernement provincial a adopté une « Loi sur la Liberté de Religion » dès 1968 pour empêcher les missionnaires d’autres cultes d’inciter les Indiens à changer de religion.
Assis sur leur petite chaise en plastique, ces quatre gaillards de tradition animiste m’affirment qu’ils ne se sont même pas officiellement convertis au christianisme. Mais les hindouistes ne s’arrêtent pas à ces formalités administratives et les agents, eux, obtempèrent. Il faut dire que l’Etat comme le pays sont dirigés par les nationalistes hindous du BJP et que les policiers font l’objet d’une forte pression de la part de ces militants.
Ces différentes organisations assurent que le prosélytisme chrétien est en pleine croissance dans les campagnes indiennes et que cela divise le pays car les différents clergés manipulent les populations vulnérables dans leur propre intérêt ou dans celui des puissances occidentales.
Ces suspects sont donc accusés de conversion forcée et envoyés en prison pour six jours. A leur sortie, le conseil de village leur impose une amende de 5 000 roupies (65 euros), soit l’équivalent d’un mois de salaire, pour les punir d’avoir porté atteinte à l’harmonie de la communauté. Et leur interdit de mettre un pied en dehors de la commune.
Ils ont donc dû s’échapper à l’aube pour venir me parler, pendant deux heures, sur cette aire inhospitalière. Nous n’avons fait que nous arrêter dans le village de Julwania. Et en repartant sur leurs motos, ils me confient que maintenant, ils devront prier en silence.
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