Inde : les agriculteurs affamés par la sécheresse
Contexte
Le gouvernement de Narendra Modi a été forcé de réagir. Un nouveau régime public d’assurance-récoltes va permettre aux fermiers indiens de ne payer que 2 % de la prime sur les cultures semées lors de la mousson et seulement 1,5 % pour les semences d’hiver. C’est ce qu’ annoncé le ministre indien de l’Agriculture, Radha Mohan Singh lors d’une conférence de presse à Delhi le 13 janvier dernier. Les dépenses du gouvernement vont quasiment tripler pour atteindre 77,5 milliards de roupies (plus d’1 milliard d’euros) d’ici mars 2019, par rapport au 28,2 milliards de roupies (372 millions d’euros) prévus pour 2015-2016.
Un régime public d’assurance-récoltes est crucial pour diminuer les pertes des fermiers souffrant de la sécheresse comme des inondations et des tempêtes destructrices. En Inde, 70 % de la population (1,3 milliards d’habitants) vivent en zones rurales et dépendent directement ou indirectement de la terre pour vivre. Le nouveau régime d’assurance va remplacer les deux programmes précédents, et selon le ministère de l’agriculture, il sera exécuté à partir des cultures semées en 2016. Le gouvernement a pour objectif d’augmenter la couverture de ce régime à 50 % du total national des semences dans les trois ans à venir contre seulement 23% à l’heure actuelle. L’Inde est le deuxième plus gros pays producteur de riz, de blé et de sucre de canne, et le plus gros producteur de coton.
Trois fois moins de précipitations que la normale
Ce scénario se répète dans le village de Nama Pura, 5 km plus loin. Là, les habitants ont réussi à planter un seul champ. Maigre consolation pour des paysans qui vivaient confortablement, avant, grâce à cette terre fertile où pousse du blé et du soja. « J’ai grandi ici. J’ai commencé à travailler la terre à 14 ans… Je n’ai jamais vu cela, assure un fermier de 62 ans au regard inquiet et à la chevelure grise. L’eau se cache de plus en plus profondément… Quand l’été arrivera, nous allons mourir de soif. »
Exode vers les bidonvilles
Dix-huit des 29 Etats indiens ont déclaré une sécheresse à la fin 2015, résultat d’importants manques en pluie dans la majorité de leurs districts lors de la dernière mousson. Et le gouvernement central a approuvé début janvier une indemnisation de près de 700 millions d’euros pour deux des plus grands, le Maharashtra et le Madhya Pradesh (environ 200 millions d’habitants en tout), en attendant l’examen de la situation des autres.
Révolution verte et caprices du climat
Cependant, alors que cette productivité s’est tassée et que la pollution de sols surexploités pose problème, les autres Etats, comme le Madhya Pradesh, peinent à trouver des solutions pour aider les fermiers à faire face aux caprices du climat. Avec certains échecs flagrants : dans le Maharashtra, les énormes investissements dans les projets d’irrigation entre 1999 et 2009 auraient été détournés par des politiciens corrompus. 10 milliards de dollars ont été déboursés pendant cette décennie pour une augmentation du potentiel d’irrigation de seulement 0,1%, selon le rapport économique public de 2012.
Ainsi, à l’instar de ces villages asséchés du Madhya Pradesh, quand la pluie est au rendez-vous, les paysans mangent bien. Mais en périodes sèches, la faim rode. Car personne n’a les moyens d’investir dans des pompes, pour une raison simple que rappelle cruellement les résultats du dernier sondage national : les trois quarts des foyers ruraux indiens gagnent moins de 67 euros par mois.
A Kalautra, les villageois attendent peu des aides promises par le gouvernement central. Selon une analyse du journal économique Mint, l’indemnité de 273 millions d’euros accordée pour le Madhya Pradesh ne couvrirait qu’un cinquième des pertes des agriculteurs. A cela s’ajoute le risque qu’une partie de cet argent soit détournée par des intermédiaires corrompus. Quand une sécheresse similaire a frappé la région il y a une dizaine d’années, la seule chose qu’ils ont reçue est un grand réservoir d’eau en béton, installé à côté de la place du village. Mais personne n’est jamais venu le remplir.
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