Environnement
Entretien

Solaire en Inde : les investisseurs s'enflamment

Arrosage de panneaux solaires sur le premier site en Inde d’une capacité d’1 MW dans le village de Chandrasan, district de Mehsana à 45 km d’Ahmedabad, le 22 avril 2012.
Arrosage de panneaux solaires sur le premier site en Inde d’une capacité d’1 MW dans le village de Chandrasan, district de Mehsana à 45 km d’Ahmedabad, le 22 avril 2012. (Crédit : SAM PANTHAKY / AFP)
Le gouvernement indien a lancé une « révolution solaire » et prévoit de multiplier par 25 les capacités de génération d’ici à 2022. Cela signifie l’installation de 95 Gw de photovoltaïque, pour un investissement d’environ 88 milliards d’euros. Comment le gouvernement compte se différencier des subventions pratiquées en Europe pour soutenir l’énergie solaire ? Quels sont les défis à relever ? Entretien avec Vinay Rustagi, consultant en énergie renouvelable.
Pour mettre en oeuvre leur révolution solaire, les autorités indiennes attribuent les projets par un système d’enchères inversées : l’entreprise qui peut produire au prix le plus bas remporte le contrat. Cette concurrence permet donc de faire chuter les tarifs sans vider les caisses de l’Etat, à la différence du système de subventions et de prix garantis à l’achat appliqué en France et en Allemagne.
Cela semble fonctionner, car les prix de vente promis par les compagnies ont baissé de 50% en cinq ans – soit à un rythme plus rapide que la réduction des coûts des biens d’équipement. Et une cinquantaine d’entreprises du monde entier se battent pour obtenir une part de ce gateau solaire.

ENTRETIEN

Le 4 novembre dernier, la compagnie américaine et leader mondial de l’énergie renouvelable SunEdison a raflé un contrat pour l’installation d’un parc solaire de 500Mw dans l’Andhra Pradesh (Sud) pour un tarif de 4,63 roupies par kW/h (0,065 cts). Un record qui a surpris, voire inquiété beaucoup d’observateurs qui se demandent si ces promesses sont réalisables ou si elles relèvent d’une dangereuse spéculation.

Pour comprendre les enjeux et les défis, Sébastien Farcis a rencontré Vinay Rustagi, directeur de la société de conseil en énérgies renouvelables, Bridge to India.

Vinay Rustagi, directeur de Bridge to India, cabinet de conseil spécialisé dans les énergies renouvelables.
Vinay Rustagi, directeur de Bridge to India, cabinet de conseil spécialisé dans les énergies renouvelables.
Quels sont les défis énergétiques de l’Inde?
Ils sont énormes. Aujourd’hui, l’Inde compte l’une des consommations d’énergie par habitant les plus basses du monde et si l’économie continue à croître à 7% par an, cela va entraîner une démultiplication de cette consommation. Or le pays a un choix très limité en termes de ressources énergétiques : il n’y a que le charbon et les énergies renouvelables qui sont rentables. Plus de 70% de l’électricité est déjà générée par le charbon, ce qui entraîne une forte pollution car les centrales indiennes sont vieilles et émettent de grandes quantités de souffre. Donc pour réduire cette dépendance, nous avons besoin de développer des énergies plus écologiques – et celle qui peut le plus rapidement offrir de larges quantités d’énergies à un prix abordable est le solaire.
Il y a cependant d’importants défis, tels que l’acquisition de terres et le financement de ces projets…
En effet, et c’est pour cela que le gouvernement a lancé ces projets de parcs solaires, identifiés et attribués par les autorités, qui offrent la possibilité d’accéder à des prêts moins élevés, grâce à l’aide de la Banque mondiale ou de la Banque asiatique de développement [avec des taux d’intérêt d’environ 8% contre 12% pour le marché concurrentiel, NDLR]. Et dans lesquels, surtout, les autorités fournissent les terres aux investisseurs. 20Gw d’énergie solaire devront être générés dans ces parcs.
Concernant l’espace, qui est un problème général en Inde, le photovoltaïque devrait être moins gêné que les autres projets industriels : nous avons calculé que les besoins actuels représentent seulement 1% des terres à l’abandon dans le pays – c’est-à-dire celle non fertiles ou non-irriguées et qui ne servent pas à l’agriculture.
L’attribution du premier parc solaire en novembre à donné lieu à des enchères agressives. Quelle est votre sentiment ?
Il y a une raison principale pour expliquer la chute des prix de cette énergie en inde : comme le secteur est en pleine croissance, le coût des biens d’équipement, à savoir les panneaux et les convertisseurs d’énergie, baisse de 5 à 10% par an. Mais ce que nous constatons, c’est que les tarifs promis par les investisseurs ont chuté de plus de 20% en un an, et cela ne peut s’expliquer par un élément concret. C’est le résultat d’enchères agressives de la part de ces développeurs, qui anticipent une plus grande réduction du prix de ces matières premières. Le problème est que ces attentes sont irréalistes. Les entreprises prennent trop de risques et il faudra voir si ces projets vont vraiment voir la lumière du jour.
L’inde est en quelques sorte victime de son succès : les autorités ont parcouru le monde à la recherche d’investisseurs dans le secteur des énergies renouvelables, et le pays est l’un des seuls à offrir un système ouvert d’enchères, ce qui est attrayant. 50 entreprises indiennes et multinationales sont à présent en concurrence sur le marché, sous pression d’obtenir des projets. Ce qui les pousse à offrir ces tarifs agressifs.
Propos recueillis par Sébastien Farcis

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A propos de l'auteur
Correspondant pour Radio France Internationale (RFI) depuis dix ans en Asie, d’abord aux Philippines puis en Inde, il couvre aujourd’hui l’Asie du Sud (Inde, Sri Lanka, Bangladesh et Népal) pour RFI, Radio France et Libération. Avide de voyages et de découvertes, il a également vécu au Laos.