Editorial : Trump et Tillerson peuvent-ils "bloquer" Pékin en mer de Chine ?
Les premières déclarations de Rex Tillerson laissent penser qu’il pourrait en être autrement. Celui que Trump a choisi pour secrétaire d’Etat était auditionné ce mercredi 11 janvier par la commission des Affaires étrangères du Sénat à Washington. Sans peur d’exaspérer les dirigeants chinois, rapporte le South China Morning Post, l’ancien patron d’ExxonMobil a comparé la construction « illégale » et la militarisation d’îles artificielles par Pékin en mer de Chine du Sud à « l’annexion de la Crimée par la Russie » ! Tout cela est « extrêmement inquiétant », s’alarme l’ancien pétrolier, car si Pékin contrôlait un jour l’accès à cette zone maritime stratégique, ce serait une menace contre « l’ensemble de l’économie mondiale ».
Est-ce le fondement d’une attitude plus agressive vis-à-vis de Pékin, a demandé le Sénat ? « Nous allons devoir envoyer à la Chine un message clair, a répondu Tillerson : « Primo, la construction d’îles, c’est fini, et secundo, votre accès à ces îles ne sera également plus autorisé. » Le futur chef de la diplomatie (à moins que le Congrès le retoque) n’a pas détaillé la façon précise de « bloquer » Pékin. Il s’agira, selon lui, de « montrer notre soutien à nos alliés traditionnels en Asie du Sud-Est ». Comprendre, entre autres, les Philippines – ce ne sera pas facile avec Duterte – et la Thaïlande – où la junte se tourne vers la Chine. En Asie du Nord-Est, Washington, a-t-il promis, n’hésitera pas à défendre le Japon si la Chine tentait de prendre le contrôle de l’archipel des Senkaku/Diaoyu. L’Amérique devra aussi « réaffirmer ses engagements » vis-à-vis de Taïwan. Par contre, Tillerson n’est pas tombé dans le piège de la glose des tweets de Trump mettant la « politique d’une seule Chine » dans la négociation commerciale avec Pékin. « Je n’ai connaissance d’aucun plan pour changer notre position sur le principe d’une seule Chine », a-t-il éludé.
L’idée de Tillerson va beaucoup plus loin que les dernières propositions des Républicains à Washington. En effet, comme le soulignait le Diplomat, le sénateur Marco Rubio a proposé début décembre une loi pour imposer des sanctions à la Chine – à certains de ses individus et entités – en représaille de ses « activités illégitimes en mer de Chine méridionale ». Tillerson suggère lui une action « sur le terrain ».
Alors qu’est-ce à dire ? Faut-il se préparer à une nouvelle crise des missiles comme à Cuba en 1962 ? Est-ce de la pure esbroufe sans réelle conséquence ? Tillerson reste en tout cas, au moins dans les mots, sur la ligne de l’équipe du président-élu : après une administration Obama jugée molle et laxiste, c’est le retour d’une Amérique reaganienne – « great again » – qui montre les muscles pour maintenir une paix à ses conditions. Mais sommes-nous encore dans les années 1980 ? Trump ou pas, l’affaiblissement de la puissance américaine est une réalité. Et l’erreur serait de prendre la Chine de Xi Jinping pour l’URSS de Gorbachev.
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