Hong Kong : où en est l'intégration à la Chine ?
Contexte
En mars 2016, le Conseil des affaires d’Etat, équivalent du gouvernement en Chine populaire, proposait un plan nommé « 9+2 », destiné à créer une zone élargie du Delta de la rivière des perles. L’objectif est de renforcer l’intégration économique, sociale et technologique entre 9 provinces du sud de la Chine (Fujian, Jiangxi, Hunan, Guangdong, Guangxi, Hainan, Sichuan, Guizhou et Yunnan), et les 2 régions administratives spéciales, Hong Kong et Macao. Pour Pékin, des échanges renforcés aideront à maintenir la prospérité et la stabilité des deux villes sur le long terme. La stratégie ? Mettre les bouchées doubles sur la construction d’infrastructures, soutenir les entreprises continentales qui souhaitent s’exporter à Hong Kong et faciliter l’accès aux deux ancienne colonies.
Rappelons que le 1er juillet 1997, Hong Kong, forte d’une expansion économique quasi ininterrompue fondée sur un libéralisme débridé, était rétrocédée à la Chine populaire. Pour autant, le centre financier mondial ne changera pas de modèle économique. En 1984, un accord sino-britannique promettait un retour dans le giron de la mère patrie selon le principe « un pays deux systèmes », formule célèbre de Deng Xiaoping. Selon la loi fondamentale (Basic law), bien que « la Région administrative spéciale de Hong Kong [soit] une partie inaliénable de la République populaire de Chine » (art. 1), la ville jouit d’un « haut degré d’autonomie » et « d’un pouvoir exécutif, législatif et judiciaire indépendant » (art.2).
Comment l’intégration de Hong Kong à la Chine se matérialise-t-elle dans les infrastructures ?
En construction depuis 2009, le pont Hong Kong – Zhuhai – Macao (ou HKZMB) sera une suite de viaducs et de tunnels sous la mer. Ce projet conjoint entre les régions administratives spéciales (SAR) de Hong Kong et de Macao et la province du Guangdong en Chine pourrait être l’un des plus grands ponts au monde, et surtout, un projet inédit en Asie : la quantité de matériau nécessaire pour construire le pont serait l’équivalent de 8 fois celle utilisée pour le gratte-ciel Burj Khalifa à Dubaï. Pas moins de 6,7 kilomètres de tunnel seront creusés, et deux îles artificielles sont en cours de poldérisation. Le pont Hong Kong-Zhuhai-Macao sera accompagné de deux projets annexes. D’une part, la Hong Kong Link Road qui reliera le pont à une nouvelle île artificielle, destinée au passage en douanes. D’autre part, le Tuen Mun Chek Lap Lok Link, un tunnel qui fera la liaison entre le passage aux frontières, l’île de Lantau et les Nouveaux territoires à Hong Kong.
Le projet a été estimé à 38,1 milliards de yuans (soit environ 5,8 milliards de dollars américains) par les autorités. Mais en mars 2015, le quotidien South China Morning Post l’estimait déjà à 132,9 milliards de dollars hongkongais (soit environ 17,1 milliards de dollars américains). Le pont, initialement prévu pour fin 2016, réduira le temps de transport entre Hong Kong et Macao de 4h à 30 min (voir la carte ci-dessus). Après avoir été repoussé deux fois, l’accomplissement du projet dans sa totalité est estimé à fin 2018.
Cependant, le gigantesque projet ne se déroule pas sans difficultés. Une lutte permanente pour obtenir des subventions a pris place entre les porteurs du projet et la municipalité de Hong Kong. A cela s’ajoutent les accros dans le déroulement de la construction, comme le souligne le South China Morning Post. Le quotidien hongkongais mentionne dans plusieurs articles les dérivations des digues d’acier qui maintiennent la nouvelle île artificielle près de l’île de Lantau. En septembre 2015, l’île fraîchement construite avait dérivé de 7 mètres. Si les officiels du gouvernement assurent que les dérives ne provoqueront aucun problème de sécurité, beaucoup de potentiels futurs utilisateurs sont réticents. Sans compter d’autres inquiétudes quant à l’impact environnemental de la construction du pont : les groupes écologistes ont à maintes reprises dénoncé les violations des normes environnementales par le Département des autoroutes chargé du projet. Plus effrayant encore, pas moins de 7 ouvriers ont trouvé la mort sur le site de construction.
En ce qui concerne la nouvelle ligne de train à grande vitesse, elle permettra de se rendre à Pékin en 10h contre 13h40 aujourd’hui en allant prendre le TGV à Shenzhen. Dès 2017, il sera possible de passer de Hong Kong à Shenzhen en 15 minutes (contre 2h30) et de Hong Kong à Canton en 45 minutes (contre 2h à l’heure actuelle avec les lignes de trains « classiques »).
Par ailleurs, le plus grand centre financier d’Asie a besoin de faciliter l’accès à ses investisseurs. Ainsi, une nouvelle liaison en hélicoptère pourrait être mise en place entre la ville chinoise de Zhuhai et Central, le quartier d’affaires de l’ancienne colonie britannique, rapporte le South China Morning Post . L’aéroport de Hong Kong, déjà fort de ses 1 100 vols commerciaux quotidiens, lutte pour accueillir ses jets privés. Un grand nombre de jets destinés aux businessmen pourraient donc atterrir à l’aéroport de Zhuhai, jusqu’ici le moins utilisé du Delta de la rivière des Perles. Les échanges commerciaux entre Hong Kong et la mère patrie n’en seront que facilités.
Quel degré d’intégration commerciale?
Néanmoins, l’interdépendance ne signifie pas encore intégration. La loi fondamentale garantit l’autonomie économique et financière de la ville par rapport à Pékin. En tant qu’ « entrepôt des échanges mondiaux », Hong Kong est toujours un membre à part entière de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est un des marchés les plus libéraux au monde, pratiquant la liberté de circulation des biens et des capitaux. Pendant longtemps, l’ancienne colonie britannique contrastait réellement avec la Chine populaire, qui ne s’ouvre encore que partiellement aux investisseurs étrangers. Dans la mesure où sa monnaie est toujours rattachée au dollars, Hong Kong garde une certaine distance économique par rapport au continent. Ce sont toujours les taux d’intérêts américains qui déterminent le cours de l’immobilier hongkongais. Jusqu’en 2012, l’économie des Etats-Unis avait plus d’impact sur les cycles économiques hongkongais que l’économie de la mère patrie.
En novembre 2014, la Chine a ouvert partiellement la Bourse de Shanghai aux investisseurs étranger, grâce au lancement d’un partenariat commercial avec la Bourse de Hong Kong qui leur serre de canal d’accès à la place financière continentale. A l’inverse, les investisseurs chinois passent par la Bourse de Shanghai reliée à son homologue hongkongaise pour avoir accès au monde. Les Chinois fortunés peuvent dès lors acheter toutes les actions disponibles sur le marché hongkongais. Le mouvement « Occupy Central » un mois auparavant n’a en aucun cas perturbé cette dynamique vers plus d’intégration financière. Plus tard en 2015, des liens financiers se sont créés à leur tour entre les Bourses de Shenzhen et de Hong Kong.
Vers la libre circulation des personnes entre Hong Kong et le continent chinois ?
Avec 47 millions de visites en 2015, les touristes chinois représentent depuis 2013 les trois quarts des visiteurs annuels. Mais la majorité d’entre eux ne viennent pas seulement par passion du voyage. Ils sont courtiers, ou viennent acheter des produits de première nécessité. La plupart font l’aller-retour dans la journée. Certains commerces visent même seulement les touristes chinois et bien que situés dans des quartiers modestes, vendent des produits de luxe qui leur sont destinés. Mais depuis 2014, cette tendance est à la baisse. Le ralentissement économique de la Chine et sa campagne anti-corruption ont rétréci l’appétit des continentaux pour les produits de luxe. Surtout, les mouvements « localistes » (voir notre article) ont vivement protesté contre les « parallel traders », ces « mules » qui trafiquent à la frontière, et de nombreux cas d’agression de touristes chinois ont été recensés. Face à la contestation, l’exécutif de Hong Kong a décidé de limiter l’entrée des Chinois à un accès hebdomadaire.
Cependant, l’inquiétude de la population locale et le sentiment « anti-chinois » ont là aussi conduit les autorités à prendre des mesures pour limiter l’immigration en provenance du continent. L’administration hongkongaise a ainsi suspendu le « régime pour les candidats à l’investissements en capitaux » (Capital investment entrant scheme), qui jusqu’en 2015 permettait aux Chinois d’immigrer à Hong Kong en échange d’un investissement minimum de 10 millions de dollars hongkongais (environ 1,16 millions d’euros). Par ailleurs, le nombre d’enfants nés à Hong Kong de parents continentaux a fortement diminué, passant de 43 982 à seulement 5 497 entre 2011 et 2013, d’après le Département hongkongais du recensement et des statistiques. Afin de limiter la surfréquentation des maternités, le gouvernement a interdit aux citoyennes de la République populaire de Chine de venir accoucher à Hong Kong. Ces dernières venaient profiter de la politique du droit du sol en vigueur dans la région administrative spéciale pour permettre à leur enfant d’acquérir un état-civil hongkongais et d’obtenir ainsi un permis de résidence.
Hong Kong en sortira-t-elle renforcée?
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