Hong Kong : la démocratie impossible ?
CONTEXTE
D’où vient l’aspiration démocratique à Hong Kong ? L’ancienne colonie britannique (1842-1997) n’était pourtant pas vouée à un gouvernement par le peuple. C’est bien durant l’ère coloniale que la question s’est posée en premier. Après la Seconde Guerre, le gouverneur Mark Young tenta le premier de faire participer les Hongkongais à la vie de la cité, pour affermir leur soutien à la Grande-Bretagne. Sa réforme fut enterrée mais l’élan était né. Il faut attendre 1980 et la perspective de la rétrocession à la Chine en 1997, pour voir un début de démocratisation : une dose de suffrage universel est alors discrètement introduite par les Anglais dans la création des conseils de district.
En 1984, les accords de rétrocession font promettre à la Chine d’accorder à Hong Kong une large autonomie dans la gestion des affaires courantes, ainsi que la sauvegarde durant 50 ans des droits et libertés publiques. C’est la doctrine conçue par Deng Xiaoping : « un pays, deux systèmes ». Le conseil législatif devait être choisi par des élections. A cette époque, les rapports de force actuels entre pro et anti-démocratie se mettent en place. Le gouvernement colonial propose dès 1985 des élections au suffrage indirect, mais la réforme est jugée trop tiède par les démocrates et trop extrême par les milieux d’affaires (les tycoons) et les alliés de Pékin. Plus encore, c’est le massacre de Tian’anmen le 4 juin 1989 – toujours commémoré par une veillée annuelle à Hong Kong – qui fait de la démocratisation un enjeu majeur dans la protection des droits du citoyen.
Partie cruciale des accords de rétrocession : la loi fondamentale de Hong Kong, sorte de mini-constitution, fixe le cap des réformes. Elle prévoit l’élection directe de 18 législateurs en 1991 puis de 30, soit la moitié du conseil législatif, en 2004. Selon les articles 45 et 68, le chef de l’exécutif et le conseil législatif seront « à terme » élus au suffrage universel direct. La victoire des démocrates en 1991 (17 sièges remportés sur 18 possibles), la nomination en 1992 du gouverneur Chris Patten, décidé à accélérer la démocratisation, se heurtent à l’hostilité de Pékin. Dès le retour de Hong Kong dans le giron de la Chine le 1er juillet 1997, le nouveau chef de l’exécutif désigné par Pékin, le tycoon Tung Chee Hwa, s’empresse de mettre fin aux expérimentations démocratiques.
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« Bien sûr, au cours des mois qui ont tout juste précédé le vote, nous avions toujours la crainte que l’Histoire ne se répète à nouveau », se souvient Fernando Cheung.
Une peur que ne partageait pas Emily Lau, dont le parti avait pourtant rallié le camp pro-gouvernemental lors du vote de 2010. Aujourd’hui, elle avance les principes solidement partagés par le camp pan-démocrate.« Notre position a toujours été claire : nous voulons une élection qui donne un véritable choix aux électeurs. Or cette réforme ne le permettait pas. Si cela avait été une étape temporaire vers une vraie élection, cela aurait pu être envisagé. Mais nos adversaires disaient que c’était bien le suffrage universel promis par la loi fondamentale. C’était insultant. »
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No man’s land politique
Mais l’avenir est loin d’être ouvert pour le camp démocrate. « Pékin aura à cœur de mieux organiser son action politique à Hong Kong, affirme Sebastian Veg, en donnant encore plus de poids au bureau de liaison [l’organe qui représente directement le gouvernement central dans la ville, NDLR], et en faisant appel à des gens plus fiables au sein du parlement. » D’ailleurs, les législateurs ne se font guère d’illusions. « Nous n’avons rien gagné, mais au moins, nous n’avons pas perdu davantage, pose Fernando Cheung avant de prédire, réaliste :
« Après ce résultat, le gouvernement n’avancera sans doute pas de nouvelle réforme politique avant quelques années. Il y aura probablement une période de confusion et désillusion. »
Une position partiellement partagée par son adversaire politique Regina Ip, même si elle en tire des conclusions différentes : « A court terme, je ne vois pas Pékin rouvrir le débat sur de nouveaux changements constitutionnels. Mais je ne pense pas que le suffrage universel soit la solution à tous nos problèmes. Il importe surtout de mettre en œuvre des politiques efficaces pour réduire le fossé entre riches et pauvres, résoudre la crise du logement et restructurer l’économie de Hong Kong pour la rendre plus diversifiée et plus innovante. »
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