Politique
Analyse

Hong Kong : John Lee élu chef de l'exécutif, les vertus du candidat unique pour Pékin

Seul candidat, John Lee a été élu nouveau chef de l'exécutif de Hong Kong, le 8 mai 2022. (The Pillar)
Seul candidat, John Lee a été élu nouveau chef de l'exécutif de Hong Kong, le 8 mai 2022. (The Pillar)
Ancien chef de la sécurité de Hong Kong connu pour sa dureté contre les manifestants pro-démocratie, John Lee a été élu nouveau chef de l’exécutif. Il était le seul candidat. Une « élection » idéale pour Pékin.
Sans surprise le 8 mai, John Lee, candidat unique, est devenu le 6eme chef du gouvernement de Hong Kong, élu par les membres de la commission électorale. Soit 1 428 personnes qui ont voté, avec un taux de participation de 97,74 %, ce qui signifie que 33 membres de la commission électorale se sont abstenus. John Lee a reçu 1 416 votes pour et 8 votes contre, soit un taux de soutien de 99,2 % sur la base des votants.
Dans le passé, une telle situation – un candidat unique pour cette élection – s’est produit deux fois. Le premier chef de l’exécutif de Hong Kong, Tung Chee-hwa (董建华), a été automatiquement élu pour son second mandat en 2002. Idem pour son successeur, Donald Tsang (曾蔭权), en 2005.
Le 4 avril dernier, lors d’une conférence de presse, la cheffe du gouvernement sortante, Carrie Lam, annonce qu’elle ne brigue pas sa réélection et que son mandat prendra fin le 30 juin prochain, mettant ainsi un terme à 42 ans de service public. Elle déclare avoir exprimé son souhait de ne pas se représenter au gouvernement de Pékin dès le début de l’année 2021, une demande approuvée par le gouvernement central. À la fin de la conférence, elle ajoute : « Il est temps de rentrer à la maison, me disent les membres de ma famille. »
Deux jours après, le 6 avril, John Lee annonce sa démission du poste de secrétaire en chef de l’administration. Dans la foulée de la même conférence de presse, il explique la raison de sa démission : préparer sa candidature pour devenir le prochain chef de l’exécutif de Hong Kong. Le lendemain 7 avril, John Lee obtient l’approbation de Pékin et se lance dans la campagne électorale. Le 13 avril, Lee obtient 786 parrainages sur 1461 membres de la commission électorale. Officiellement, il sera l’unique candidat de cette élection.

Une carrière dans la police

Qui est John Lee ? Li Ka-chiu (李家超), 64 ans, entre à la police de Hong Kong en 1977. Il se charge d’un certain nombre d’affaires majeures, telles que la fusillade de Tsui Po Ko en 2005, alors qu’il est chef du service criminel. Devenu commissaire adjoint, il est décoré de la médaille d’honneur de la police de Hong Kong par le chef de l’exécutif. Il renonce à sa nationalité britannique lorsqu’il devient officier. En 2017, il est promu au poste de secrétaire à la sécurité. En 2018, il conduit une délégation au Xinjiang pour inspecter ses installations antiterroristes et déclaré que l’expérience de la région autonome peut servir de référence pour Hong Kong.
En 2019, la police est accusée d’un usage excessif de la force pour faire respecter la loi lors des manifestations anti-extradition à Hong Kong. John Lee soutient à plusieurs reprises la police pour minimiser ses responsabilités. Il déclare aussi en haut lieu que Hong Kong a « tiré la sonnette d’alarme des activités terroristes », demandant aux forces de police de préparer et de revoir leurs plans d’urgence pour la lutte contre le terrorisme.
John Lee, comme Carrie Lam, fait partie des onze responsables du gouvernement de Hong Kong sanctionnés par le Trésor américain en 2020 après l’application le 1er juillet de la loi sur la sécurité nationale vouée à la répression des opposants.
Après une carrière entière dans la police et sans aucune expérience de la gestion administrative, Lee est considéré comme un outsider dans la course au poste de chef du gouvernement. Il récupère d’anciens membres des deux précédentes administrations et constitue une équipe de 17 personnes. En dépit du fait qu’il est le seul candidat – un « chef exécutif présomptif » par le gouvernement central, selon la presse locale – Lee présente son programme de 44 pages le 29 avril et mène sa campagne en ville pendant une semaine.
Intitulé « Commencer ensemble un nouveau chapitre pour Hong Kong », son programme contient de nobles aspirations apparentes visant à guider la ville « de la stabilité à la prospérité » au cours des cinq prochaines années. Résumons en quelques grandes lignes : améliorer la gouvernance locale ; rationaliser la construction de logements publics ; accroître la compétitivité régionale et mondiale ; et rendre la société plus compatissante envers les jeunes, les personnes âgées et les plus démunis.

Votants individuels fortement réduits

Dans le cadre du nouveau système électoral, les candidats au poste de chef de l’exécutif de Hong Kong sont examinés par le comité des qualifications, nommés par la commission électorale, et enfin soumis au vote par la même commission. Cela permet de s’assurer que tous les candidats sont patriotes et pro-Pékin, et qu’il y aura une « élection par quotas », c’est-à-dire un seul candidat.
Qui sont ces grands électeurs constituant la commission électorale de Hong Kong ? La première élection sous le nouveau système s’est terminée le 20 septembre 2021 par la nomination et l’élection sans contestation d’une nouvelle commission électorale (CE), dont la grande majorité des membres sont pro-establishment (建制派) ou pro-Pékin, sauf un membre.
La commission électorale compte en théorie1 500 membres, mais comme certains d’entre eux sont membres de deux circonscriptions distinctes, elle ne compte en réalité que 1 461 membres qui votent directement. Cette première CE est chargée d’élire le nouveau chef de l’exécutif de Hong Kong en mars 2022 initialement – reportée en mai pour cause de pandémie – ainsi que de désigner les candidats à l’élection du conseil législatif local et d’en élire certains membres en décembre 2021.
Comment ces 1461 membres sont-ils élus ? Dans le cadre du nouveau système électoral, le nombre de personnes ou d’organisations habilitées à voter a été réduit de plus de 240 000 lors du précédent mandat à 7 971. L’une des raisons en est que ce nouveau système réduit considérablement le nombre de votants individuels, permettant aux groupes au sein d’une circonscription de voter chacun avec avec une seule voix, plutôt que de laisser aux membres individuels la possibilité de voter.
En outre, bon nombre de ces secteurs n’ont pas besoin d’organiser des élections car le nombre de candidats est identique au nombre de sièges, de sorte que seuls près de 4 900 électeurs doivent réellement voter. Selon le chiffre officiel, 4 380 personnes ont voté le 20 septembre 2021 (90 % de participation). C’est-à-dire qu’environ 0,07 % de la population participe indirectement à l’élection de l’exécutif.

L’opposition exclue du jeu

Ce système de vote instauré depuis la rétrocession de 1997 a été fortement contesté par le Mouvement des parapluies en 2014. En 2019, lorsque le gouvernement de Carrie Lam a voulu faire voter la loi d’extradition vers le Chine, l’annonce de la première lecture au conseil législatif (Legco) a provoqué plusieurs mois de manifestations, l’élection au suffrage universel faisant partie de l’une des cinq revendications.
La réforme électorale menée par Pékin en 2021 a deux conséquences. D’une part, la représentation des secteurs traditionnellement favorables à la démocratie, tels que l’éducation, l’informatique et le secteur juridique, sont réduits. D’autre part, les conseillers de district élus en 2019, presque exclusivement favorables à la démocratie, sont totalement exclus. Après l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, la plupart des figures de l’opposition ont été mis derrière les barreaux, se sont exilés à l’étranger ou ont quitté la politique.
Avant l’ouverture du scrutin, le groupe pro-démocratie League of Social Democrats (LSD) a organisé une brève manifestation de trois personnes vers 8 heures le long d’un pont menant au Centre de Conventions et d’Expositions, le lieu du vote. Selon un membre de la LSD, cité par Hong Kong Free Press, plus de 4,47 millions d’électeurs à Hong Kong ont été « privés » de leur droit de choisir le dirigeant de la ville. La candidature de Lee, a-t-il poursuivi, « illustre parfaitement l’élection à candidat unique à la chinoise ».
Avec ses 7 000 policiers mobilisés sur place pour garantir le bon déroulement du scrutin entre 9h et 11h, et 23 minutes pour compter tous les bulletins, Pékin a souhaité montrer au monde que la démocratie élective existe encore à Hong Kong, et que l’ordre règne après le chaos.
Par Tamara Lui

Avec l’aide précieuse de Patrick Cozette

Soutenez-nous !

Asialyst est conçu par une équipe composée à 100 % de bénévoles et grâce à un réseau de contributeurs en Asie ou ailleurs, journalistes, experts, universitaires, consultants ou anciens diplomates... Notre seul but : partager la connaissance de l'Asie au plus large public.

Faire un don
A propos de l'auteur
Originaire de Hongkong, ancienne journaliste pour deux grands médias hongkongais, Tamara s'est reconvertie dans le documentaire. Spécialisée dans les études sur l'immigration chinoise en France, elle mène actuellement des projets d'économie sociale et solidaire.