La Chine maritime et navale (5/7) : quand Pékin lutte contre la piraterie
Dossier spécial : La Chine de nouveau à flot
Nouvelle série au long cours d’Asialyst ! Pour marquer à notre façon le 70ème anniversaire de la Chine populaire en 2019, nous vous proposons de comprendre la puissance maritime chinoise dans toutes ses dimensions. Premier volet: « La Chine maritime et navale : hier et aujourd’hui ».
Entre les grandes expéditions africaines et moyen-orientales de Zheng He, au XVème siècle, et le 70ème anniversaire de la marine du régime communiste de Mao, en avril dernier, la Chine a dû repenser tout entier son rapport à la haute mer pour en refaire un élément constitutif de son identité millénaire. Elle s’était un temps repliée sur le continent mais constitue de nouveau une puissance maritime majeure, et même omniprésente. C’est aussi la deuxième force navale du monde en tonnage. Un retour aux sources pour ce vieux briscard des mers, qui rêve de tisser sa toile sur tous les océans.
Retrouvez ici tous les épisodes de notre série « La Chine, superpuissance maritime »
Les bateaux fantômes de Chine du Sud
La piraterie n’est jamais finie
Coopération et démonstration de force
La piraterie, une longue histoire
La lutte contre les « pirates » est une affaire ancienne pour les Chinois. La première mention d’un pirate remonte au début du IIème siècle. Si l’on s’en tient la lecture des écrits de Ma Huan, accompagnateur et chroniqueur-clé des expéditions de Zheng He au XVème siècle, ainsi qu’aux stèles disséminées par la Grande Flotte des Ming, comment qualifier autrement Chen Zuyi, roi de Palembang d’origine cantonaise, et adversaire de Liang Daoming, autre souverain local d’origine chinoise adoubé par l’empereur Yongle ?
Le célèbre amiral et les siens croisent son chemin en 1407, au retour de leur premier voyage chez les « barbares ». Il prennent alors l’initiative de ramener l’ordre sur l’actuelle île de Sumatra, « exterminant sans pitié » les « brigands ». Des Chinois sont à l’époque installés sur place, tout près du détroit de Malacca, depuis l’échec d’une expédition ordonnée par l’empereur Yuan Kubilai Khan plus d’un siècle auparavant.
Chen était « riche » et « se conduisait en tyran », assure Ma Huan. « Quand un bateau d’étrangers se présentait, il s’emparait de tous ses biens de valeur. » L’affrontement avec le récalcitrant fera date : selon les annales officielles Shilu, « on tua plus de 5 000 hommes de la bande des brigands. On brûla dix de leurs navires et on en captura sept. On saisit également deux sceaux de bronze usurpés et on prit vivants trois hommes dont Chen Zuyi. Quand, à son retour, Zheng He arriva dans la capitale, ordre fut donné de les décapiter tous. »
Quid des Wokou, avant tout des « bandits japonais » fin XIVème siècle, mais dont les chefs sont ensuite surtout chinois au XVIème siècle ? Ils ravagent les côtes, surtout de Chine et de Corée, entre les années 1540 et 1560. Contrebandiers, pirates, affairistes, ces marins profitent de la prohibition du commerce maritime outre-mer ordonnée par Pékin, et mènent, depuis leurs navires, des raids sur la terre ferme, pillant des villages entiers sur leur passage, empruntant les fleuves au besoin, et réglant parfois même des différends sur demande.
Le temps passe et les mêmes histoires reviennent. L’historienne Poala Calanca, spécialisée sur l’illégalité maritime et ses réponses en Chine, s’est beaucoup intéressée à l’époque des Wokou. Dans un article, elle livre ce commentaire, tout en poésie, au sujet des pirates qu’elle a étudiés : « Si les uns laissent en partie découvrir (dépositions) des bribes de leur existence, mais ont, le plus souvent, emporté leur vie au fond des mers, sur la potence ou perdue lors d’interrogatoires clos (faux aveux pour éviter les affres de la torture, vérités occultées parce qu’indicibles à l’empereur), les autres entrouvrent (correspondance administrative, écrits personnels) les différentes portes permettant de reconstituer plusieurs fragments d’une réalité complexe. »
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