Environnement
Chroniques malaisiennes

Nos déchets plastiques ne pourront plus inonder l'Asie du Sud-Est, selon la convention de Bâle (si elle est respectée)

Décharge à Sumengko, près de Mojokerto (Java Est) en Indonésie, en août 2018. (Copyright : Aude Vidal)
Décharge à Sumengko, près de Mojokerto (Java Est) en Indonésie, en août 2018. (Copyright : Aude Vidal)
Les pays occidentaux ne pourront plus envoyer leurs déchets non-recyclables dans des pays signataires de la convention de Bâle et non-membres de l’OCDE. C’est la décision adoptée par la conférence de Genève sur les déchets dangereux le 10 mai dernier. Car depuis que la Chine a décidé de ne plus accepter de déchets plastiques importés sur son sol, c’est l’Asie du Sud-Est qui est devenu le déversoir des objets plastifiés jetés par les Occidentaux. Mais cette décision prise dans le cadre de la convention de Bâle, sera-t-elle respectée par l’industrie ? Sans doute pas aux États-Unis dont le gouvernement a rejeté une telle mesure.
Cela fait un an que la Chine a décidé de cesser toute importation de déchets plastiques sur son territoire. Comment réguler leur circulation ? C’est la question soulevée par une conférence internationale liée à la COP, du 29 avril au 10 mai derniers à Genève, dans le cadre de la convention de Bâle. La situation est devenue critique en Asie du Sud-Est : la région accueille une part des déchets en question, venus d’Europe et des pays occidentaux (lire notre article). Une main-d’œuvre bon marché pour séparer les derniers éléments valorisables, des lois sur l’environnement peu exigeantes et de faibles moyens pour les faire respecter, ont fait de la Malaisie et de l’Indonésie, entre autres pays, le déversoir de la filière. Transportés à l’autre bout du monde, triés une dernière fois avant d’être brûlés ou simplement déposés dans la nature, ces déchets sont traités d’une manière tout sauf écologique, au grand dam des consommateurs et des collectivités qui espèrent avec le recyclage régler le problème des déchets plastiques – dont seulement une partie est effectivement recyclable.
Lors de la conférence, la Norvège, suivant les recommandations d’ONG du Sud-Est asiatique, a proposé l’intégration des déchets plastiques à la convention de Bâle sur les déchets dangereux. C’est bien le cas de tous ces plastiques dont l’incinération libère des composants toxiques. Presque un million de signatures ont été recueillies par la pétition « Stop dumping plastic in paradise! » Parmi les militants présents à Genève pour défendre cette position, Prigi Arisandi, de l’association indonésienne Ecoton, et Mageswari Sangaralingam, de la branche malaisienne de Friends of the Earth (Sahabat Alam Malaysia) et qui représente également Gaia (Global Alliance for Incinerator Alternatives, Alliance mondiale pour une alternative aux incinérateurs).
Prigi Arisandi, de l'association indonésienne Ecoton, et Mageswari Sangaralingam, de la branche malaisienne de Friends of the Earth, (au centre), remettent la pétition "Stop dumping plastic in paradise", lors de la conférence des parties de Genève.
Prigi Arisandi, de l'association indonésienne Ecoton, et Mageswari Sangaralingam, de la branche malaisienne de Friends of the Earth, (au centre), remettent la pétition "Stop dumping plastic in paradise", lors de la conférence des parties de Genève.
Les États-Unis, le plus gros pays exportateur de déchets plastiques, ne sont pas signataires de la convention de Bâle et n’ont donc pas pu voter. Mais les Américains ont néanmoins été très présents pour défendre leurs intérêts. Avec le Conseil américain des industries chimiques et l’Institut des industries du recyclage des déchets, ils se sont opposés à cette proposition, d’après l’association Break Free From Plastic. Une proposition malgré tout été adoptée à l’issue de presque deux semaines de conférence, ce dont se félicitent les ONG écologistes, locales ou internationales.
Il n’est désormais plus possible pour les pays occidentaux d’envoyer leurs déchets non-recyclables dans des pays signataires de la convention de Bâle et non-membres de l’OCDE. Et cela vaut aussi pour les États-Unis. Mais quelles stratégies adoptera l’industrie ? Avec un pétrole bon marché, le recyclage des plastiques reste peu avantageux. Va-t-elle orienter ses efforts vers l’innovation pour recycler également les plastiques dont on ne sait jusqu’à présent que faire ? Les efforts des industriels se heurtent aux interdictions qui menacent ces plastiques-là, comme le polystyrène. Si ces interdictions, concernant des objets jetables comme les pailles ou les cotons-tiges, se multiplient, elles n’empêcheront pas la production de déchets dans un futur proche. Avons-nous les moyens de traiter tous nos déchets en Europe ? Sera-t-il possible de faire cesser le trafic mondial ? Ou bien deviendra-t-il en partie ou totalement illégal ?
Par Aude Vidal
Décharge à Sumengko, près de Mojokerto (Java Est) en Indonésie, en août 2018. (Copyright : Aude Vidal)
Décharge à Sumengko, près de Mojokerto (Java Est) en Indonésie, en août 2018. (Copyright : Aude Vidal)

Pour aller plus loin

– Grid-Arendal, Controlling Transboundary Trade in Plastic Waste, éd. Grid-Arendal, 2019.
– Livia Albeck-Ripka, « 6 Things You’re Recycling Wrong« , 29 mai 2018, The New York Times.
– Livia Albeck-Ripka, « Your Recycling Gets Recycled, Right? Maybe, or Maybe Not« , 29 mai 2018, The New York Times.
« Discarded: Communities on the Front Line of the Global Plastic Crisis« , GAIA, avril 2019.
– Dominique Mosbergen, « She Wanted Her Town To Breathe Clean Air. She Got Death Threats Instead. How neighbors in a small town exposed the dirtiest secrets of our broken recycling system« , 27 mars 2019, HuffPost.
« The Recycling Myth : Malaysia and the Broken Global Recycling System« , Greenpeace South-East Asia, novembre 2018.

A.V.

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A propos de l'auteur
Aude Vidal s'intéresse depuis 2014 aux conflits sociaux et environnementaux en Malaisie. Elle est diplômée en anthropologie et collabore au site Visionscarto.net ainsi qu'à CQFD, L'Âge de faire et Mediapart.