Economie
​​Expert - Le Poids de l'Asie

TPP : les défis d'un retour des États-Unis (si Trump le confirme)

Alors qu'il recevait le premier ministre japonais Shinzo Abe le 18 avril 2018 dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, le président américain Donald Trump a tweeté son dédain du TPP. Il avait pourtant évoqué la veille un retour de l'Amérique dans le traité négocié par son prédécesseur Barack Obama. (Source : CBC)
Alors qu'il recevait le premier ministre japonais Shinzo Abe le 18 avril 2018 dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, le président américain Donald Trump a tweeté son dédain du TPP. Il avait pourtant évoqué la veille un retour de l'Amérique dans le traité négocié par son prédécesseur Barack Obama. (Source : CBC)
Le président américain a créé la surprise en évoquant ce lundi 16 avril le retour des États-Unis dans le TPP, ou Transpacific Partnership. Soit quinze mois après avoir décidé de se retirer de ce vaste accord de libre-échange avec 11 pays d’Asie sauf la Chine, dont Barack Obama avait fait la base commerciale de son pivot asiatique. Si Trump confirmait, pourrait-il revenir si facilement ? A regarder le contexte de ce revirement spectaculaire, rien n’est moins sûr.

Sur le sentier de la guerre

Faute d’attaquer son ennemi, Trump s’en prend à ses alliés ! C’est ce que suggérait les mesures prises au mois de mars par l’administration américaine : une hausse des tarifs douaniers sur les importations d’aluminium et d’acier qui, au nom de la sécurité nationale, touche beaucoup plus l’acier européen, coréen ou japonais que celui que les États-Unis importent de Chine (3 %). En invoquant la sécurité nationale, le locataire de la Maison Blanche se donnait plus de latitude pour négocier avec ses alliés dans les jours qui ont suivi cette annonce.
Deux semaines plus tard, Trump a lancé une première salve contre Pékin. Des frappes chirurgicales ciblant 1300 produits qui représentent 50 milliards de dollars d’importations, soit moins d’un dixième des achats américains à la Chine. Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce international, n’a pas ciblé les produits que les États-Unis importent massivement du pays de Xi Jinping. Ces frappes sont préventives et concernent des produits qui ont en commun d’apparaître dans le programme « Made in China 2025 ». Il énumère une liste dans le secteur des hautes technologies pour lesquels la Chine prévoit d’atteindre un taux d’autosuffisance de 40% en 2020 et de 70% en 2025. Trump menace d’imposer une hausse de 25 % des tarifs douaniers sur ces importations qui prendra effet après deux mois de consultations. Parallèlement, oubliant les critiques qu’il adresse à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont il bloque le fonctionnement en tardant à remplacer les directeurs américains, le même Donald Trump a déposé une plainte contre la Chine à l’OMC – à laquelle se sont joints le Japon et l’Union européenne – sur les modalités de transfert de technologie imposées aux entreprises étrangères en Chine.
Les Chinois ont réagi à la salve américaine en annonçant des hausses de tarifs sur 50 milliards de dollars d’importation répartis sur 230 produits. Plus concentrée que l’attaque américaine, cette réponse est davantage politique. En effet, les entreprises américaines concernées par ces mesures emploient 2 millions de salariés – plasturgie, construction aéronautique, construction automobile, produits agricoles, dont le soja, élevage – résidant dans 2478 comtés aux États-Unis. Lorsqu’on répartit ces salariés selon leur vote (en cumulant le vote par comté), il apparaît que la mesure chinoise touche autant les électeurs Républicains que Démocrates (1,1 million et 0,9 million). Par contre, si l’analyse est menée au niveau des comtés, les conclusions sont différentes : ces mesures affectent 2239 comtés qui ont voté pour Trump et 139 qui ont voté pour Clinton. Témoignant d’une connaissance fine de la géographie politique américaine, la riposte chinoise exerce une forte pression sur les représentants des électeurs de Trump, dont les agriculteurs du Midwest qui exportent leurs produits vers la Chine et dont les revenus ont diminué en 2018.
En ripostant ainsi, la Chine démontre qu’une guerre commerciale n’engendre pas un gagnant et un perdant, contrairement à ce qu’annonce Trump, mais de nombreux perdants au niveau local. Surpris par la réponse chinoise, Trump a annoncé qu’il présenterait une seconde liste couvrant 100 milliards de dollars d’importations. Comme l’avait dit Gandhi, la politique du talion, œil pour œil, aboutit à créer un monde de borgnes ! Face à la surenchère américaine, Xi Jinping a repris sa posture de champion de la mondialisation au Forum de Boao et annoncé des ouvertures susceptibles de réduire le déficit américain.

Un leurre

Ce contexte éclaire la volte-face du président américain qui a demandé à ses conseillers de réexaminer la position de la Maison Blanche sur le TPP. Même s’il l’avait évoqué à Davos, ce changement souhaité par des Républicains est surprenant. Il satisfait les exportateurs américains de produits agricoles qui étaient opposés à la sortie du Traité transpacifique et redoutent les mesures de rétorsion chinoises. Il provoque aussi un tollé parmi les ouvriers des États désindustrialisés qui sont vent debout contre le TPP et ont voté pour Trump après avoir souhaité la victoire de Sanders. Le retour des États-Unis dans le Traité hier honné se heurtera ainsi à de nombreux obstacles.
En Asie, la volte-face de Trump est accueillie avec soulagement par les pays qui après avoir négocié plusieurs années le TPP avec les États-Unis, ont engagé des négociations pour conclure un TPP à 11 – sans Washington. Cependant, cet accord n’est aucunement un « TPP moins un ». Il s’agit d’un nouveau traité qui n’a pas retenu tous les articles de l’accord conclu par Obama, à commencer par la propriété intellectuelle – qui avaient exigé les négociations les plus dures – et le traitement des Investissements directs étrangers (IDE). Le retour des États-Unis suffira-t-il à convaincre les onze pays d’accepter la réintroduction de ces mesures ? C’est d’autant moins probable que le CTEP attire d’autres pays asiatiques : la Corée du Sud, la Thaïlande, les Philippines et Taïwan. Dans ces conditions, il sera difficile pour les Américains de négocier un accord plus bénéfique pour eux. D’autant plus que le retrait américain a sérieusement entamé la confiance des Asiatiques dans la parole du président.
Donal Trump devra également négocier avec le Congrès qui s’était opposé à plusieurs initiatives d’Obama pour faire aboutir le traité. Les Républicains tiennent aux mesures liées à la propriété intellectuelle et les Démocrates sont plus soucieux des articles sur les conditions de travail et la liberté syndicale. Les élections de mi-mandat en novembre prochain pourraient modifier la donne politique en contraignant le président à cohabiter avec une majorité démocrate. Il pourra alors accuser ces derniers de l’avoir empêché de mettre en oeuvre son programme. On peut alors se demander si cette annonce n’est pas un leurre, en fin de compte, et un simple moyen de faire le buzz.

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A propos de l'auteur
Jean-Raphaël Chaponnière est membre du groupe Asie21 (Futuribles) et chercheur associé à Asia Centre. Il a été économiste à l’Agence Française de Développement, conseiller économique auprès de l’ambassade de France en Corée et en Turquie, et ingénieur de recherche au CNRS pendant 25 ans. Il a publié avec Marc Lautier : "Economie de l'Asie du Sud-Est, au carrefour de la mondialisation" (Bréal, 2018) et "Les économies émergentes d’Asie, entre Etat et marché" (Armand Colin, 270 pages, 2014).