Politique
Fenêtre sur Corée

Défection d’un militaire nord-coréen : Il faut sauver le soldat Oh !

Image extraite de la vidéo diffusée par le Commandement des Nations Unies en Corée (UNC) montrant un soldat nord-coréen passant au Sud sous les balles. Il sera secouru par l'armée d'en face.
Image extraite de la vidéo diffusée par le Commandement des Nations Unies en Corée (UNC) ce mercredi 22 novembre 2017, montrant un soldat nord-coréen passant au Sud sous les balles. Il sera secouru par l'armée d'en face.
La vidéo rappelle les pires heures de la guerre froide. La scène se passe le 13 novembre dernier à la frontière entre les deux Corées. Les caméras de surveillance de la zone la plus militarisée au monde suivent une jeep lancée à vive allure dans l’hiver nord-coréen. Le véhicule franchit le « pont des 72 heures », ralentit dans un virage, puis reprend sa course vers le « pont du non-retour ». Tirs des soldats nord-coréens. La jeep s’immobilise dans une mer de feuilles mortes. Le conducteur en descend, ferme la porte avant de reprendre sa fuite. Il est touché à plusieurs reprises lorsqu’il franchit le 38ème parallèle.
Il faut sauver le soldat Oh ? Voilà comment est surnommé, en Corée du Sud, le jeune défecteur qui a survécu à cinq impacts de balles en traversant la zone démilitarisée il y a une semaine. Car après l’arrêt du véhicule, le film continu. Le soldat âgé de 24 ans est touché par les tirs nord-coréens. L’un des gardes de l’armée populaire de Corée va jusqu’à passer brièvement la frontière en poursuivant le fuyard. L’homme est à terre. Il est alors secouru par l’armée sud-coréenne.

Opérations chirurgicales

C’est à cette dernière séquence que nous devons la diffusion de ces images aussi rares que spectaculaires. En rendant publique la vidéo du transfuge, le Commandement des Nations Unies en Corée (UNC) – autant dire l’armée américaine – dénonce une « double violation du traité d’armistice ». Il met fin aussi à une polémique qui anime les plateaux des télévisions depuis quelques jours à Séoul. Qui a sauvé le soldat Oh ? Les images en plan rapproché de nos confrères d’ABC News montrent clairement deux soldats du Sud en train de ramper jusqu’au déserteur, avant de le tirer vers leur base. Des images qui viennent démentir les premiers récits qui laissaient entendre qu’un officier sud-coréen seul avait fait le job, préférant épargner sa brigade.
Le docteur Lee Cook-jong. Copie écran Daum / Yonhap News
Qui a sauvé le soldat Oh ? En dehors des courageux uniformes venus à son secours, une autre figure a fait son apparition sur les télévisions sud-coréennes. Cette fois, il s’agit d’une blouse blanche. Le docteur Lee Cook-jong est devenu célèbre en 2011, après avoir sauvé un capitaine de l’armée sud-coréenne gravement blessé en Somalie. Le chirurgien vient de renouveler son exploit. Placé sous respirateur artificiel, le soldat Oh a subi deux lourdes opérations. Il serait aujourd’hui tiré d’affaire.

Parasites intestinaux

Bravo à Monsieur Lee. Lui aussi est considéré comme un héros en Corée du Sud. Problème : Lee Cook-jong a beaucoup parlé aux médias, peut-être trop. Images d’organes à l’appui, le docteur s’est longuement épanché sur les autres blessures du transfuge. Celui-ci serait porteur du ver solitaire, de l’hépatite B et de nombreux parasites. Il avait aussi des grains de maïs dans l’estomac « signe d’une carence dans l’alimentation ». Dans un SMS, un parlementaire du Jeonguidang (parti de la Justice) dénonce le non-respect du secret médical, quand d’autres y voient une instrumentalisation de l’affaire.
A écouter les commentaires, la campagne en Corée du Nord serait un véritable champs d’excréments humains. Les parasites retrouvés dans les intestins du militaire sont liés à cela, affirment certains médecins. La Corée du Nord qui produisait plus d’engrais que le Sud dans les années 1970, serait ainsi devenue le royaume des toilettes sèches. Et cela faute de fertilisant, en raison de l’embargo américain.
Et au fait, comment va Monsieur Oh ? Il ne boit que de l’eau pour l’instant, mais récupère bien, a déclaré M. Lee. Le soldat qui a franchi la frontière sous les balles dans l’après-midi du 13 novembre, serait un fan de K-Pop. Il apprécie tout particulièrement, parait-il, les Girls Bands et la série américaine Les Experts. Rien en revanche, pour l’instant, sur les motifs de son exil et sur ce qu’il a laissé en Corée du Nord. Il faudra attendre les prochains épisodes.

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A propos de l'auteur
Stéphane Lagarde est l'envoyé spécial permanent de Radio France Internationale à Pékin. Co-fondateur d'Asialyst, ancien correspondant en Corée du Sud, il est tombé dans la potion nord-est asiatique il y a une vingtaine d’années.