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Le rapprochement entre les deux Corées en 10 points

Des étudiants sud-coréens brandissent le drapeau de l'unification coréenne à l'occasion du festival célébrant la Libération de la Corée, auquel a participé un groupe de 116 Nord-coréens envoyés par Pyongyang, le 15 août 2002. (Crédit : CHOI JAE-KU / AFP)
Des étudiants sud-coréens brandissent le drapeau de l'unification coréenne à l'occasion du festival célébrant la Libération de la Corée, auquel a participé un groupe de 116 Nord-coréens envoyés par Pyongyang, le 15 août 2002. (Crédit : CHOI JAE-KU / AFP)
Difficile d’envisager la réunification en Corée après plus de 70 ans de division : les langues sont de plus en plus différentes entre Nord et Sud, les jeunes Sud-Coréens se sentent de moins en moins concernés et les tensions politiques et militaires ne font que s’accentuer. Pourtant, depuis le début des années 1970, des efforts des deux côtés de la DMZ, la fameuse « zone démilitarisée » le long du 38ème parallèle, ont été entrepris afin d’apaiser et de réchauffer les relations. Car l’espoir de revoir un jour une Corée unifiée, indépendante cette fois, est toujours présent dans l’esprit des Coréens. Dix points sur le rapprochement entre la Corée du Sud et la Corée du Nord.
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SOMMAIRE

1. Le rapprochement passe par le militaire
2. Le rapprochement passe par les puissances étrangères
3. Le rapprochement passe par l’économie
4. Le rapprochement passe par la diplomatie
5. Le rapprochement passe par le tourisme
6. Le rapprochement passe par la politique
7. Le rapprochement passe par les citoyens
8. Le rapprochement passe par le sport
9. Le rapprochement passe par la culture
10. Le rapprochement passe par les réfugiés

1. Le rapprochement passe par le militaire

L’affirmation parait contradictoire : comment le militaire, flagrant synonyme de tensions, pourrait-il contribuer au rapprochement intercoréen ? Il s’agit pourtant d’une dimension indispensable à prendre en compte : sur ce point, Pyongyang et Séoul partagent le même constat. Mais en surface seulement, car de part et d’autre du 38ème parallèle, les solutions envisagées sont diamétralement opposées.
Côté Sud, le nouveau président Moon Jae-in (élu en mai 2017) l’a affirmé au mois de juin dans sa « vision de Berlin » : la paix sur la péninsule coréenne implique « le démantèlement de la logique de guerre froide » dans laquelle est actuellement plongée la région. Pour ce faire, la dénucléarisation de la Corée du Nord « de façon pacifique » constitue une étape indispensable. Dans cette optique, le chef de l’État sud-coréen a proposé à son homologue voisin des « pourparlers militaires » en juillet dernier, afin d’enrayer les tensions. Une tentative de rapprochement laissée lettre morte par Kim Jong-un.
Car là où Séoul considère la montée en puissance nucléaire de la Corée du Nord comme un obstacle au rapprochement intercoréen, Pyongyang y voit l’un des plus puissants vecteurs de la stabilité de la région. En 2006, c’est d’ailleurs en ces termes que l’agence de presse officielle du Nord qualifiait le premier essai balistique nord-coréen. Il faut en effet avoir à l’esprit que, du point de vue de Pyongyang, c’est la présence militaire américaine au sud du 38ème parallèle qui constitue une menace pour la stabilité de la péninsule, car la Corée du Nord craint une invasion de son territoire. C’est pourquoi la détention de l’arme nucléaire constituerait justement une sorte « d’assurance-vie » pour le Nord.
En outre, d’aucuns continuent de penser que le développement des capacités militaires nord-coréennes sert l’objectif de réunification poursuivi par Pyongyang, là où Séoul ne chercherait plus qu’un rapprochement – mais les analyses divergent.

2. Le rapprochement passe par les puissances étrangères

Il n’y a bien que Pyongyang pour estimer que le développement de son programme nucléaire contribue à la stabilité régionale. En effet, les grandes puissances voient d’un mauvais œil son accession de fait au club des États disposant de l’arme atomique. Certaines, comme les États-Unis et le Japon, s’estiment en effet menacées par un potentiel tir de missile balistique nord-coréen pouvant frapper leur territoire national. C’est pourquoi nombre d’entre elles poussent Pyongyang et Séoul au dialogue afin de désamorcer l’escalade des tensions.
Cette impulsion venue de l’extérieur s’est principalement incarnée dans ce que l’on appelle les « pourparlers à six », une série de négociations entre les deux Corées avec la médiation de la Chine et la participation des États-Unis, de la Russie et du Japon. Mais les deux textes auxquels ces échanges ont abouti, en 2005 et 2007, n’ont eu aucun impact significatif. Si bien que Pyongyang s’est retiré du mécanisme en 2009.
Il est important de noter que l’immixtion des puissances étrangères dans la question coréenne se limite essentiellement à favoriser un dialogue entre Nord et Sud, au service de la désescalade des tensions sur la péninsule. Leur implication n’a qu’une ambition limitée : le rapprochement a minima entre Séoul et Pyongyang. Il ne s’agit absolument pas de les engager sur les rails de la réunification, à laquelle les États tiers n’auraient d’ailleurs que peu d’intérêt (voir notre Mémo sur la confrontation entre les deux Corées), et que les observateurs jugent hautement improbable.
Seule exception notable : l’Allemagne qui, en vertu de son expérience comparable de la partition (mutatis mutandis), a entre autres accepté de mettre au service de la Corée du Sud certains de ses experts pour envisager les modalités et impacts d’une potentielle réunification coréenne, en 2014.

3. Le rapprochement passe par l’économie

Pour la plupart des experts de la Corée du Nord, le processus de réunification ne pourrait débuter que par un rapprochement économique. Cela signifie deux choses : des réformes économiques en Corée du Nord et un accroissement des échanges commerciaux intercoréens.
Depuis la fin de la guerre froide et la disparition de son principal partenaire commercial (l’URSS), la Corée du Nord a entamé une mutation de son système économique. Incarnation de ce changement, souligné par Leonid Petrov, de l’Université de Sydney : les paysans sont alors autorisés à cultiver légalement un petit lopin de terre destiné à leur consommation personnelle. Dans cette perspective, il semblerait que depuis quelques temps, l’État, poussé par la nécessité, ait autorisé la propriété privée et la revente de terres. Le secteur agraire a ainsi suivi la mutation de l’industrie nord-coréenne qui s’ouvre très lentement à l’économie de marché.
Par ailleurs, la Corée du Nord a également commencé à ouvrir des Zone Économiques Spéciales (ZES) sur son territoire. Kim Jong-un semble avoir tiré les leçons de l’ancien numéro un chinois Deng Xiaoping (1978-1992). Parmi elles, la zone de Rason (Rajin-Sonbong) qui doit redynamiser le nord du pays, Unjong qui doit devenir un centre pour les nouvelles technologies et la recherche, et surtout le complexe industriel de Kaesong. Leur but : développer les échanges de la Corée du Nord avec notamment la Chine, la Corée du Sud et la Russie.
Depuis le début de la Sunshine Policy (voir plus bas) et plus particulièrement depuis la rencontre entre les présidents Kim Jong-il (Nord) et Kim Dae-jung (Sud) en juin 2000, le trafic routier, ferroviaire et maritime entre les deux Corées a crû de manière impressionnante. Le commerce entre les deux Corées atteignit ainsi près de 2 milliards de dollars au début 2007, soit 40 % des exportations de la Corée du Nord, ajoute Leonid Petrov. Tout cela, sans compter le marché noir. Car depuis la famine de 1995, l’échange de produits de contrebande en provenance de pays voisins (dont la Corée du Sud) a connu une croissance exponentielle.
Cependant, l’importance accordée aux indicateurs chiffrés est à tempérer, tant il est difficile d’en apprécier la véracité. Frank Ruediger, spécialiste reconnu de la Corée du Nord, soulignait en 2012 la difficulté de réaliser une analyse sérieuse de l’économie nord-coréenne, la plupart des données provenant de la Bank of Korea à Séoul ou du World Factbook de la CIA. Pour établir leurs chiffres, ces agences se livrent à diverses manipulations, parfois jugées hasardeuses. Conséquence : les données qui en résultent sont en réalité des estimations d’estimations, auxquelles sont appliquées de nouvelles estimations… c’est dire !

4. Le rapprochement passe par la diplomatie

Face aux bouleversements du monde, les deux Corées ont parfois pu trouver des avantages à réchauffer leur relations. Cependant, leur entente évolue de manière sinusoïdale : au rythme des humeurs des Kim, d’une part, et des opinions politiques des présidents sud-coréens, d’autre part. La chronologie établie par André Fabre dans L’histoire mouvementée du « pays du Matin calme » permet d’apprécier l’avancée des relations inter-coréennes depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.
Lorsque dans les années 1970, la Chine de Mao enclencha un rapprochement avec les États-Unis de Nixon, l’architecture politique de l’Asie du Nord-Est s’en trouva sérieusement bouleversée. En conséquence, les deux Corées décidèrent de réamorcer un dialogue. Sous l’égide de la Croix-Rouge, il déboucha sur la première déclaration conjointe du 4 juillet 1972. Le texte définit alors les principes du dialogue Nord-Sud.
Le 23 juillet 1985, une rencontre est même organisée entre des parlementaires du Nord et du Sud pour évoquer une possible réunification. La portée de l’acte est restée symbolique. Par la suite, sous le mandat du président sud-coréen Roh Tae-woo (1988-1993), initiateur de la Nordpolitik, le Premier ministre nord-coréen effectue une visite officielle à Séoul, le 4 septembre 1990 – une première en 40 ans. Le 13 décembre 1991, les deux Corées signent l’accord de base pour la réconciliation, la non-agression, l’échange et la coopération. Acte majeur et fondateur du rapprochement diplomatique, cet accord devait empêcher les risques de conflits sur une zone à haute tension où étaient postés 900 000 soldats nord-coréens face à 640 000 soldats sud-coréens et 39 000 GI’s américains.
Avec l’arrivée de Kim Young-sam en 1993 à la Maison-Bleue, les relations inter-coréennes redeviennent tumultueuses. Particulièrement tendues même lorsque l’administration du nouveau président sud-coréen refuse d’envoyer un message de condoléances à la mort de Kim Il-sung en 1994. En décembre 1997, des pourparlers intercoréens l’avenir de la péninsule s’ouvrent à Genève sous l’égide de la Chine et des États-Unis, mais sont bloqués par les trop nombreuses exigences de Pyongyang, qui demande le retrait des troupes américaines de Corée du Sud.
En 1998, Kim Dae-jung arrive au pouvoir au Sud. Cette année sonne le début de « la politique du rayon de soleil » (dite Sunshine Policy). Ce nom s’inspire d’un conte d’Ésope. Un jour, le Soleil et le Vent font un pari : le premier qui réussit à arracher son manteau à un berger sera déclaré vainqueur. Le vent s’entête à souffler mais le berger se cramponne à son manteau, lorsque vient le tour du soleil, petit à petit il réchauffe le berger jusqu’à ce qu’il enlève son manteau de lui-même. Kim présupposait en effet qu’il serait inutile de s’acharner à changer la Corée du Nord. Il fallait seulement impulser les mesures nécessaires pour qu’elle évolue d’elle-même.
Les deux Corées réfléchissent alors à une alternative à la trop complexe réunification : une fédération ou une confédération – en s’inspirant de la construction européenne. Cette politique atteint son apogée lorsque le 13 juin 2000, une rencontre a lieu entre Kim Dae-jung et Kim Jong-il à Pyongyang. Elle fut ensuite poursuivie par Roh Moo-hyun (2003-2008). Puis presque totalement interrompue par le successeur de Roh, Lee Myung-bak fervent détracteur du Nord.
Lorsque Park Geun-hye arrive au pouvoir en 2013, elle propose la Trustpolitik : soit une approche plus pragmatique, moins idéaliste, avec la Corée du Nord, solution médiane entre Kim Dae-jong et Lee Myung-bak. Aujourd’hui, avec l’arrivée de Moon Jae-in, il est encore trop tôt pour savoir de quoi sera fait sa politique, même si tous les signes laissent penser à une reprise de la Sunshine Policy.

5. Le rapprochement passe par le tourisme

La Sunshine Policy lancée par Kim Dae-jung visait, entre autres, à multiplier les échanges entre les deux Corées pour apprendre aux Sud-Coréens à mieux appréhender leur voisin du Nord. Jusqu’à la suspension des voyages en 2008, environ deux millions de Coréens du Sud ont pu profiter de cette opportunité pour se rendre au Nord.
C’est la zone administrative spéciale du mont Kumgang, fermée depuis 2008, qui a servi de lieu de rencontre privilégié. Symbole de la « politique du rayon de soleil » et géré par le chaebol sud-coréen Hyundai jusqu’à sa nationalisation, plus d’un million de Sud-Coréens s’y sont rendus, sans cependant pouvoir entrer en contact direct avec les Coréens du Nord. En octobre 1989, c’est d’ailleurs le créateur de Huyndai qui a financé des voyages de Sud-Coréens vers le Nord pour août de l’année suivante. Mais désormais, Pyongyang refuse de rouvrir la zone aux touristes sud-coréens en raison des tensions avec Séoul.

6. Le rapprochement passe par la politique

Des deux côtés du 38ème parallèle, des dispositions sont prises afin d’encourager le soutien de la réunification auprès de la population. Car s’il doit y avoir réunification, elle ne nécessitera pas légalement l’aval de pays tiers : c’est donc théoriquement une affaire coréenne. Des deux côtés de la DMZ, les Coréens continue ainsi à rêver.
Au Sud, où existe un ministère de l’Unification depuis 1969, la réunification est envisagée comme un devoir à la fois moral et patriotique. A travers sa Sunshine Policy, dont les implications n’ont pas été que diplomatiques mais aussi intérieures, Kim Dae-jung souhaitait que le Sud se rende « responsable » du Nord – surtout depuis la « marche ardue » de la seconde moitié des années 1990. En juin 1998 donc, alors que la famine faisait rage au Nord, le Sud y envoie un convoi humanitaire. Le 22 avril 2004 encore, Séoul répond présent à l’appel à l’aide de Pyongyang à la suite d’une catastrophe ferroviaire à Ryongchon qui fait des milliers de victimes.
Au Nord, la question de la réunification constitue l’un des thèmes favoris du juche, l’idéologie marxiste-léniniste mêlée aux « valeurs coréennes » et instaurée par Kim Il-sung, toujours en vigueur aujourd’hui. L’objectif du Parti du travail de Corée (Chosŏn Rodongdang) est « la complète victoire du socialisme dans la moitié nord de la République populaire démocratique de Corée et l’accomplissement des buts révolutionnaires de libération nationale et la démocratie populaire dans tout le pays ». Idéal révolutionnaire nordiste contre pragmatisme sudiste.

7. Le rapprochement passe par les citoyens

Outre les responsables politiques, des citoyens et des organisations non-gouvernementales au Sud s’engagent également pour tenter d’améliorer les conditions de vie des Nord-Coréens et réchauffer les relations entre les deux Corées. Depuis 1996, sous l’impulsion notamment des catholiques sud-coréens, une délégation du Saint-Siège se rend régulièrement à Pyongyang, parfois accompagnée d’autres représentants religieux – notamment protestants et bouddhistes, les deux principales religions de Corée du Sud. Ils ont par exemple appelé à la levée des sanctions de l’ONU.
Selon un sondage de 2008 réalisé par l’Institut coréen pour l’unification nationale à Séoul, 84 % des Sud-Coréens considèrent que la réunification est une tâche urgente pour la nation. Malgré tout, si l’idée de la réunification est présente dans tous les esprits, il est difficile de passer à l’action étant donné les obstacles et les difficultés pour arriver à un consensus sur la procédure à suivre. En 1988, le spécialiste américain des relations intercoréennes Roy Richard Grinker avait démontré comment les Sud-Coréens manifestaient collectivement le désir de continuer à rêver de la réunification plutôt que de la réaliser. Aujourd’hui, les jeunes Coréens se sentent en réalité plus concernés par l’augmentation du chômage que par la signature d’un traité de paix.
L’un des principaux problèmes du rapprochement citoyen amorcé notamment grâce aux rencontres familiales est la difficulté pour les Coréens du Nord et du Sud d’échanger entre eux, souligne Frank Ruediger. Au temps de l’Allemagne divisée, les peuples des deux côtés du mur pouvaient par certains biais échanger des lettres – ce qui est impossible dans la péninsule. Sur les 25 millions d’habitants au Nord, seuls quelques milliers, c’est-à-dire certains hauts fonctionnaires, membres d’organisations populaires, diplomates et touristes, ont l’autorisation de posséder un ordinateur et un accès à l’Internet global. Le reste de la population navigue avec le Google nord-coréen, Uri nara (« notre patrie ») sur le réseau national Kwangmyong, un intranet développé au début des années 2000 par Kim Jong-il.

8. Le rapprochement passe par le sport

« Le sport a le pouvoir de connecter un cœur à un autre, déclarait avec optimisme Moon Jae-in lors de son discours à Berlin, le 6 juillet dernier. Lorsque des athlètes du sud, du nord de la Corée et du reste du monde, transpirent et concourent ensemble, tendent une main à leurs compagnons athlètes qui sont tombés, s’embrassent, le monde est témoin de la paix à travers les Jeux Olympiques. »
Ce rapprochement intercoréen par le sport a débuté grâce à la réunion dite Shin Keum-dam en 1964 pour les Jeux de Tokyo. À plusieurs reprises, lors des JO de Sydney (2000), d’Athènes (2004) et de Turin (Jeux Olympiques d’Hiver en 2006), les deux Corées ont défilé conjointement. De même pour les Jeux Asiatiques, notamment à Pusan (Corée du Sud) en 2002, les athlètes défilèrent sous le drapeau de la Corée unifiée.
Lors du discours d’ouverture des championnats du monde de Taekwondo en 2017, Moon Jae-in a proposé à Pyongyang de créer une équipe coréenne pour les futurs Jeux Olympiques d’Hiver qui auront lieu en février 2018 à Pyeongchang en Corée du Sud. Mais cette proposition a déjà été refusée par Pyongyang faute de temps pour mener les négociations. Le régime nord-coréen a préféré souligner que les tensions politiques devaient d’abord être résolues. « Les Jeux Olympiques ne devraient pas être utilisés à des fins politiques », déclarait ainsi Chang Ung, représentant nord-coréen au Comité international olympique (CIO).
Ce genre de politique a pourtant déjà fait ses preuves, à l’instar de la « diplomatie du ping-pong » menée par la Chine avec les États-Unis. Ainsi en 1991, une équipe coréenne pour toute la péninsule avait concouru lors des championnat du monde de tennis de table et pour la coupe du monde de football FIFA Junior. De même, en 1984, des dialogues ont eu lieu pour faire concourir une équipe conjointe aux Jeux de Los Angeles.
Hors des grands circuits sportifs internationaux, la Corée du Nord et la Corée du Sud mettent aussi en œuvre des programmes de rapprochement bilatéral par le sport. le 1er avril dernier, l’équipe nationale féminine de hockey sur glace de Corée du Nord s’est rendue en Corée du Sud. Le lendemain, l’équipe féminine de football de Corée du Sud se déplaçait à Pyongyang via Pékin. Un événement éminemment symbolique car il n’y avait pas eu de tels échanges réciproques depuis la fermeture du complexe industriel de Kaesong en février 2016. C’est également la première fois en 27 ans qu’une équipe nationale sud-coréenne se déplaçait pour jouer au Nord. Le dernier match avait eu lieu le 11 octobre 1990, dans le cadre des « matchs de football pour l’unification intercoréenne ». Cependant, cet échange entre l’équipe de hockey et l’équipe de football n’a pas été le seul fait d’un accord bilatéral intercoréen, il était pris en charge par la Fondation internationale pour le hockey sur glace (IIHF) et la Confédération asiatique de Football.

9. Le rapprochement passe par la culture

Tout comme l’outil militaire, l’usage de la culture au nord et au sud de la péninsule dans le cadre des relations intercoréennes diffère fondamentalement. C’est que l’objectif final n’est pas le même : le rapprochement pour le Sud, la réunification pour le Nord.
« Même sans os, la langue dans la bouche peut briser des os », profère un célèbre dicton nord-coréen. Depuis la division de la Corée, le Nord souhaite absorber le sud de la péninsule. Et l’un des moyens mis en œuvre pour y arriver est la diffusion de clips de propagande. Juliette Morillot et Dorian Malovic l’ont démontré : ces clips reposent sur la lutte contre l’impérialisme américain, la nécessité et la fierté de posséder l’arme nucléaire pour ne pas être la proie de « l’avidité » des puissances étrangères, le culte du chef. Ces images travaillent à faire vibrer la corde patriotique en chaque Coréen. Ainsi, les responsables de la propagande n’hésitent pas à utiliser largement des monuments et des symboles culturels coréens comme le mont Paektu, des villages historiques, des pins ou des grues… Aux yeux de Pyongyang, en Corée du Sud, seul le gouvernement est mauvais, le peuple est, lui, appelé à rejoindre le régime du Nord.
Au Sud en revanche, de nombreuses productions présentant un regard apaisé sur la Corée du Nord ont vu le jour. Parmi elles, Welcome to Dongmakgol, un film sorti en 2005. Pendant la guerre de Corée, des soldats du Nord, du Sud et un GI américain atterrissent dans le village de Dongmakgol, où les habitants sont totalement coupés du monde et n’ont aucune idée de la guerre qui fait rage à l’extérieur. Les premiers moments sont difficiles mais finalement, les soldats parviennent à tous travailler ensemble pour aider les villageois.
Il est intéressant de noter que la pop culture sud-coréenne, si elle s’exporte partout dans le monde, n’épargne pas la Corée du Nord… L’un des groupes de K-pop les plus populaires actuellement, EXO, compte des Nord-Coréens parmi ses fans. Le Twitter coréen a publié une carte illustrant d’où venaient les « EXO-L » (nom attribué aux fans du groupe). Sur les 11 millions de posts au sujet d’EXO publiés en 24 heures, 15 venaient de Corée du Nord. Mais pas uniquement de grandes villes comme Pyongyang et Hamhung : également de petits villages dans la province de Pyongan Nord et de Hamgyong Nord. Cependant, rien ne confirme que ces tweets viennent réellement de locaux et non pas d’étrangers résidant en Corée du Nord. Les K-dramas, la K-pop et les films sud-coréens n’en restent pas moins populaires en Corée du Nord. Pour visionner ces productions, les Nord-Coréens, notamment sur les régions en bordures, se partagent des clefs USB.
Cependant, d’autres initiatives culturelles moins unilatérales sont également mises en place. C’est le cas du dessin animé L’impératrice Chung (2005), co-produit par la Corée du Sud et la Corée du Nord et réalisé par Nelson Shin, connu pour avoir réalisé des animations dans d’importantes productions américaines. Moins diplomatique mais dans le même esprit, Lee Seung-chul, grand nom de la K-pop a collaboré avec un chœur de déserteurs nord-coréens afin de lancer une campagne pour la réunification des deux Corées. Un concert a été organisé sur l’archipel de Dokdo/Takeshima, contrôlé par la Corée du Sud mais revendiqué aussi par le Japon. Un des rares points d’accord entre Pyongyang et Séoul.

10. Le rapprochement passe par les réfugiés

Les réfugiés nord-coréens ont une interprétation artistique de la vie au nord du 38ème parallèle qui intrigue le Sud. En 2011, Séoul a accueilli une exposition de deux peintres réfugiés nord-coréens, Su Mu et Song Byeok. L’artiste Kang Ik-joong a également créé une œuvre rassemblant les dessins-témoignages de 500 réfugiés nord-coréens de la guerre de Corée pour en faire une installation flottant sur la Tamise à Londres. « Je suis allé en Corée du Nord deux fois et on a appris à la population entière à nous haïr. Qui va briser cette chaîne de la haine ? » Kang est né en 1960 en Corée du Sud et a subi la propagande anti-communiste du Sud. Il travaille surtout sur des installations prônant la réunification.
En revanche, si 20 ans auparavant, les réfugiés étaient accueillis avec plus ou moins d’enthousiasme, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Des quelque 30 000 réfugiés nord-coréens au Sud, la plupart viennent de milieux modestes en Corée du Nord. Depuis 2002, il en arrive plusieurs milliers par an et il est de plus en plus difficile pour Séoul de les prendre en charge : ils rencontrent des difficultés à s’intégrer et sont majoritairement affectés à des travaux dégradants et difficiles. Aujourd’hui, ces réfugiés essaient de faire prendre conscience des conditions de vie en Corée du Nord. Environ 70 % d’entre eux sont des femmes et 60% viennent de la province d’Hamgyong Nord, frontalière avec la Chine. En Chine, ces réfugiés sont considérés comme des migrants illégaux. Bien que Pékin ait signé la convention onusienne sur les réfugiés qui l’oblige à ne pas les renvoyer en Corée du Nord, l’administration chinoise travaille avec Pyongyang afin de trouver les transfuges et parfois même paient ses citoyens pour les livrer.
Hormis les Coréens du Sud, d’autres organismes travaillent au réchauffement des relations entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. La Croix-Rouge par exemple mais également l’Église catholique, qui prend particulièrement en charge les réfugiés nord-coréens. Rappelons qu’au Sud, un peu moins d’un tiers de la population est chrétienne. Le 5 août 2014, le Pape François s’est rendu à Séoul afin de béatifier 124 martyrs sud-coréens. Événement notable, lors de sa visite, le pape est allé rencontrer des réfugiés nord-coréens. L’attitude de François est à rapprocher de la politique plus globale de l’Eglise qui depuis les années 80 se tourne vers le Nord, soutenant une politique de dialogue et de coopération, notamment au moment de la Sunshine Policy. Fin mai 2017, l’archevêque Hyginus Kim Hee-jong, envoyé spécial de Moon Jae-in au Vatican, pouvait alors déclarer: « Lors de mon audience, je vais livrer la lettre du président Moon au Pape, dans laquelle il sollicite son aide pour arranger un sommet intercoréen. ».
Par Amina Bouamrirene

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A propos de l'auteur
Amina Bouamrirène est étudiante en licence européenne de science politique. Passionnée par la Corée et le Japon, elle s’intéresse également à la politique internationale et l’histoire contemporaine.