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Inde : la fin de la répudiation pour les musulmanes, victoire majeure du droit des femmes

Femmes musulmanes indiennes en pleines ablutions à la Mosquée Jama Masjid à New Delhi le 22 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Prakash SINGH)
Femmes musulmanes indiennes en pleines ablutions à la Mosquée Jama Masjid à New Delhi le 22 août 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Prakash SINGH)
C’est une grande avancée pour les droits des femmes musulmanes en Inde. Les juges ont ce vendredi 22 août rendu la pratique du « triple talaq » illégale et anticonstitutionnelle. Il s’agissait d’un moyen instantané de répudier leur épouse pour les maris musulmans n’ayant qu’à prononcer trois fois le mot « talaq ». Cette décision est l’aboutissement d’une longue lutte contre une pratique millénaire.
Le long combat des femmes musulmanes contre le « triple talaq » est terminé. Ce vendredi 22 août, la Cour Suprême d’Inde a rendu illégale et anticonstitutionnelle la pratique musulmane du divorce par le « triple talaq ». C’est une pratique musulmane dans laquelle les hommes sont autorisés à instantanément répudier leurs femmes en prononçant à trois reprises le mot « talaq » qui signifie « divorce ». Le verdict a été voté à la majorité de trois juges contre deux, rapporte le site indien Firstpost. Ils n’ont pas seulement considéré le « triple talaq » comme contraire aux principes fondamentaux du Coran, mais aussi contraire à l’article 14 de la Constitution indienne, qui prévoit l’égalité devant la loi, précise Scroll.in.
D’un côté, les juges J.S. Khehar et S. Abdul Nazeer voulaient interdire pendant six mois la pratique jusqu’à ce que le gouvernement présente une nouvelle loi. Mais de l’autre, les juges Kurian Joseph, RF Nariman et U.U. Lalit l’ont jugée anticonstitutionnelle. En outre, la cour suprême a statué que l’injonction se poursuivra dans le cas où le gouvernement ne mettrait pas la loi en vigueur dans les six mois, rapporte le média indien. Ce verdict fait suite au procès que la Cour Suprême avait ouvert le 12 mai 2017 sur le « triple talaq ». Durant ce procès, l’instance avait qualifié cette pratique comme la « pire » forme de dissolution de mariage.
Voilà l’aboutissement d’un long combat contre une pratique qui dure depuis 1400 ans. En 2015, la Cour Suprême avait enregistré une pétition de litige d’intérêt public – « Muslim Women’s Quest for Equality » – pour examiner si le divorce arbitraire, la polygamie et le remariage après un divorce (nikah halala) violaient la dignité des femmes. En outre, en 2016 une victime du « triple talaq », Shayara Bano, avait soumis une pétition à la Cour Suprême contre cette pratique. De nombreuses femmes et associations musulmanes se sont jointes à l’initiative de la cour, rapporte The Hindu. L’association Bharatiya Muslim Mahila Andolan a recuilli 50 000 signatures pour sa campagne nationale en soutien aux musulmans contre le divorce unilatéral, le nikah halala et la polygamie. Cependant, cette affaire crée de nombreux débats. « La pratique du « triple talaq » est une question de foi et ne peut pas être abrogée au nom de la Constitution », a affirmé l’association The All India Muslim Personal Law Board à la Cour Suprême. Le changement est crucial dans ce contexte de réformes sociales pour les femmes musulmanes, souligne le site indien Nyooz.com.
De son côté, le site Scroll.in rappelle la lutte d’une victime du « talaq ». En février 2016, Shayara Bano a adressée à la Cour suprême une pétition exigeant une interdiction du « triple talaq », du nikah halala et de la polygamie. « En octobre, il [le mari de Shayara] nous a dit qu’il allait nous envoyer des documents de propriété par la poste que Shayara devait recevoir », raconte le petit frère de Shayara Bano. Ce courrier était une lettre de divorce dans laquelle était écrit à trois reprises le mot « talaq ». « Même notre prêtre nous a dit que le divorce était valide », ajoute Sharyara Bano. Elle a donc décidé d’aller au-delà de son propre divorce et de poursuivre une lutte pour les droits de toutes les femmes musulmanes en contestant le pouvoir des hommes dans les corps législatifs en Inde. D’autres femmes ainsi que la Commission Nationale des femmes se sont jointes au combat. Cette fois avec succès.
Par Iliana Pradelle

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