Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Philippines : Duterte sur les "montagnes russes" pour sa première année au pouvoir

Le président philippin Rodrigo Duterte lors d'une conférence de presse au palais présidentiel du Malcanang à Manille, le 27 juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / NOEL CELIS)
Le président philippin Rodrigo Duterte lors d'une conférence de presse au palais présidentiel du Malcanang à Manille, le 27 juin 2017. (Crédits : AFP PHOTO / NOEL CELIS)
Un an déjà que Rodrigo Duterte s’est installé au palais présidentiel du Malacañan à Manille. Si le très controversé président philippin refuse tout examen de conscience avant la fin de sa mandature de six ans, la classe politique se sépare entre les supporters et les détracteurs de sa politique gouvernementale, en premier lieu sa sanglante campagne contre le narcotrafic.
« Je ne vais pas faire de bilan. Je ne rendrai des comptes qu’en fin de mandat. » Ainsi parle Rodrigo Duterte un an après son arrivée au pouvoir à la tête des Philippines, rapporte le Philippine Star. Comparant ses six ans au pouvoir à des « montagnes russes », il ne se considérera comptable de ses actes qu’à la fin du manège. « Si je ne suis plus de ce monde, vous vous ferez votre propre idée. Soyez justes. Si je suis toujours en vie alors je vous en parlerai. »
Ce bilan que le président philippin se refuse à faire en public est effectivement très contrasté. Son ultra-violente guerre contre la drogue a provoqué un tollé international, ses déclarations à l’emporte-pièce envers ou contre les grands de ce monde ont rendu sa politique étrangère illisible et le pays traverse une de ses plus grande crises militaire puisque les rebelles islamistes tiennent toujours une partie de la ville de Marawi, sur l’île méridionale de Mindanao. Pourtant, tout cela n’a pas réussi à écorner sa popularité. Les sondages avancent des taux d’approbation moscovites oscillant entre 75 et 72% d’opinions favorables. « Les gens apprécient l’homme [en Duterte] », déclare le sociologue et anthropologue Ricardo Abad cité par le Straits Times. Ils peuvent désapprouver ses politiques, ou avoir une attitude ambivalente vis-à-vis d’elles, mais comme ils l’aiment, il lui laissent le bénéfice du doute. »
Duterte se garde bien de fanfaronner en cours de route car il sait que d’autres s’en chargent pour lui. Il dispose en effet d’une pléthore d’alliés politiques à la chambre basse : sur 296 députés seulement 7 sont officiellement dans l’opposition, rappelle le quotidien singapourien. Sans surprise, beaucoup sont dithyrambique sur les résultats de cette première année, indique le Philippine Star. Exemple avec Isidro Lapeña, chef de l’agence philippine de lutte contre les stupéfiants, qui vante ainsi le succès de la politique gouvernementale en annonçant que les saisies de drogues illégales ont augmenté de 198% par rapport à la dernière année de mandat de l’administration Aquino, rapporte l’Inquirer.
Pourtant, cette première année est loin d’être exempte de critique. Dans le Philippine Star, Le député Danilo Suarez déplore que la répression anti-drogue ne frappe pas ceux à qui profite le narcotrafic. « Sa campagne électorale promettait de débarrasser le pays des stupéfiants en tuant les barons de la drogue. Pour le moment, 2 600 suspects ont été tués durant des opérations de police auxquels s’ajoutent 7 500 décédés dans des circonstances non élucidées. Mais les plus grands noms du milieu poursuivent leurs activités illégales en partie parce qu’ils sont protégés par la police. » De son côté, la sénatrice Risa Hontiveros ne mâche pas ses mots pour dénoncer les abus du chef de l’exécutif : « La première année du gouvernement Duterte a été dangereuse si l’on est une femme. Elle est marquée par une crise colossale des droits de l’homme. C’est une année de misogynie et d’exécutions extrajudiciaires. C’est une année de deuil national. », a-t-elle déclaré lors d’un congrès féministe à l’université Ateneo de Manila, d’après l’Inquirer. Elle a notamment appelé les femmes progressistes du pays à relever la tête face aux quolibets sexistes que Duterte inflige à ses opposantes politiques et à faire du premier anniversaire de son élection un jour de commémoration des victimes des tueries anti-drogue.
Le quotidien philippin a publié quelques chiffres pour résumer cette première année. La croissance moyenne est de 6,4% pour ce premier quart de l’année 2017, un peu en-deçà des prévisions. Lors de sa visite en Chine en octobre dernier, le président a pu négocier 15 milliards de dollars d’investissement ainsi que 9 milliards de prêts à taux réduits pour soutenir sa politique de relance. Mais ces bons résultats économiques ne doivent pas éclipser les 3 116 victimes officielles liées à sa campagne anti-drogue auxquelles s’ajoutent 2 098 homicides « liée à la drogue » et 8 200 morts « non élucidées ». Sans oublier les 422 civils, militaires et rebelles tombés dans les combats autours de la ville de Marawi.
Par Émeric Des Closières

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