Politique
L'Asie du Sud-Est dans la presse

Thaïlande : Prayuth Chan-ocha s'arroge les pleins pouvoirs pour faire avancer le train

Le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-ocha à Bangkok, le 2 mai 2017.
Le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-ocha à Bangkok, le 2 mai 2017. (Crédit : AFP PHOTO / LILLIAN SUWANRUMPHA).
Le train ne construit pas assez vite ? Qu’à cela ne tienne, le Premier ministre s’arrogera donc les plein pouvoirs. Ainsi, la « section 44 » de la Constitution votée en août dernier va être utilisée à nouveau, a annoncé ce mardi 13 juin le Premier ministre et chef de la junte thaïlandaise. Prayuth Chan-ocha veut par là mettre un sérieux coup d’accélérateur au projet de ligne ferroviaire sino-thaïe. Cet article 44 lui attribue des pouvoirs absolus sur le législatif, l’administratif et le judiciaire. Il avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque de sa rédaction : des spécialistes y voyant une mesure censée aider les militaires à se maintenir éternellement au pouvoir (lire notre article).
Pour le Premier ministre thaïlandais, il ne s’agit que de faire redémarrer l’énorme projet de ligne ferroviaire de plus de 900 kilomètres censée relier Kunming (en Chine) à la Thaïlande, aujourd’hui englué par des « problèmes techniques », selon ses termes. Pour les critiques du régime, ce n’est que « l’illustration vivante des pouvoirs inexplicables de la junte ». En s’octroyant le pouvoir de passer outre des lois existantes, où Prayuth va-t-il s’arrêter ?
C’est donc sans surprise que le Bangkok Post titre sur l’emploi annoncé des pleins pouvoirs pour la semaine prochaine. En effet, prévient le quotidien thaïlandais, « le gouvernement tente de régler les problèmes d’ici le mois prochain », c’est-à-dire en amont de la visite de Prayuth en Chine en septembre pour le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Pour le porte-parole du gouvernement thaïlandais, l’usage des pleins pouvoirs est destiné à « résoudre cinq problèmes juridiques bloquant le projet ». Un premier concerne la partie technique car « les ingénieurs et architectes chinois ne peuvent pas travailler » à cause de la loi thaïlandaise qui exige l’obtention d’une licence aux professionnels étrangers. Un autre se rapporte à la loi sur les marchés publics thaïlandais qui stipule que tout projet d’un montant supérieur à 5 milliards de baths (soit plus de 131 millions d’euros) doit être examiné et validé par un bureau spécifique. Mais ce processus n’est qu’une « perte de temps » pour le porte-parole.
Surtout, précise le Bangkok Post, le « principal obstacle » à la bonne tenue du projet tient à son tracé. En effet, la ligne est prévue pour relier la province de Nong Khai (dans le nord-est du pays) à celles de Nakhon Ratchasima et Saraburi (dans le centre du pays) et de là se départager en deux routes : l’une pour Bangkok et l’autre pour Map Ta Phut (sur le golf de Thaïlande). Or, ce tracé implique de passer au travers de « terres protégées dédiées à l’agriculture », ou Sor Por Kor land. Et la loi thaïlandaise est très stricte à ce sujet : les terres ne peuvent être allouées à aucun autre usage. D’où la nécessité de changer la loi. « Pour surmonter cette restriction, l’article 44 est nécessaire », justifie ainsi le Premier ministre adjoint Wissanu Krea-ngam.
Car, précise cette fois-ci Channel News Asia, il est aussi question ici de politique à proprement parler. En effet, Prayuth légitime par avance l’emploi de l’article 44 en arguant que « le gouvernement doit solutionner tous les problèmes, sinon il semblera que le gouvernement ne peut résoudre aucun problème ». La position du chef de la junte ne manquera pas de réjouir les autorités de la République Populaire de Chine, poursuit le site d’information singapourien. Cela notamment parce que ce projet soutenu par Pékin est « l’un des plus importants projet d’investissements étrangers en Thaïlande ces dernières années », Le premier tronçon de la ligne entre Bangkok et la province du nord-est de Nakhon Ratchasima valant à lui seul plus de 179 milliards de Baths (4,8 milliards d’euros).
Par Antoine Richard

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