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Japon : la loi autorise l'empereur Akihito à abdiquer mais ne règle pas la succession

Akihito, l'empereur du Japon, saluant lors de son discours pour la nouvelle année du haut du balcon du Palais impérial à Tokyo, le 2 janvier 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Toshifumi KITAMURA)
Akihito, l'empereur du Japon, saluant lors de son discours pour la nouvelle année du haut du balcon du Palais impérial à Tokyo, le 2 janvier 2017. (Crédits : AFP PHOTO / Toshifumi KITAMURA)
Pour l’empereur Akihito, l’heure de la retraite a enfin sonné. Près d’un an après son allocution, où il émettait des craintes sur sa capacité à exercer sa charge de « symbole de la nation et de l’unité du peuple », la chambre haute japonaise a enfin voté la loi l’autorisant à abdiquer. Au-delà de son caractère exceptionnel, cette décision historique ravive les inquiétudes sur l’avenir de la dynastie.
Pour répondre aux souhaits du monarque de 83 ans, le processus législatif a relevé du parcours du combattant. Il faut dire que les empereurs japonais ont perdu l’habitude de quitter leur poste en cours de route. Si la pratique était fréquente à l’époque médiévale, la dernière abdication remonte à 1817 et cette possibilité n’est plus prévue par la constitution depuis 1889. Si les débats au sein des partis politiques ont débuté en janvier dernier, rappelle le quotidien Asahi Shimbun, les avis sur le contenu de la loi sont restés partagés. L’opposition, menée par le parti Démocrate Progressiste a souhaité saisir l’occasion pour mener un débat plus global sur le statut impérial, ce que la majorité a refusé. En effet, le Parti Libéral Démocrate du Premier ministre Shinzo Abe craignait qu’une telle réforme ne bouleverse son propre agenda de modification de la constitution. Les parlementaires ont finalement trouvé un compromis ce vendredi 9 juin. Selon le journal Mainichi, la loi a été votée par la totalité des partis, à l’exception du parti Libéral qui s’est retiré des débats, à 235 voix pour et 0 contre.
Cette unanimité de façade est grandement due à la faible teneur du texte voté. C’est en effet une copie a minima que rend le parlement japonais ce vendredi matin. Hors de question de changer le mode de succession de la famille impériale sur le long terme, la loi qui a été votée aujourd’hui ne s’applique qu’à l’empereur actuel et n’est valable que pour une durée de trois ans, précise le Straits Times. D’après le Mainichi, le texte se borne à déclarer que le peuple japonais « comprend et éprouve de la sympathie » vis-à-vis des inquiétudes émises par le souverain en août 2016 sur son état de santé et l’autorise en conséquence à abdiquer. Akihito et son épouse porteront désormais le titre « d’empereur et d’impératrice retirés » et un bureau spécial au sein de l’Agence de la Maison Impériale sera créé pour se charger de lui.
Si une loi aussi simple a mis tant de temps à être approuvée par les parlementaires, c’est que la question de la perpétuation de la dynastie est de plus en plus préoccupante. Pour le moment, l’ordre de succession est régi par la primogéniture mâle, les femmes étant vouées à quitter la famille impérial après le mariage. Celle-ci compte aujourd’hui 18 membres dont 8 en dessous de l’âge de 40 ans. Parmi les plus jeunes, 7 sont des filles, rappelle le quotidien singapourien. La question de la réforme de la succession ne fait l’objet dans le texte d’aujourd’hui que d’une déclaration de principe appelant la Diète à l’étudier ultérieurement. Une solution consisterait à donner aux princesses mariées un rôle public, voire à les autoriser à créer leur propre branche au sein de la dynastie. D’après l’Asahi Shimbun, la question fait débat chez les parlementaires mais les conservateurs craignent d’ouvrir la porte à la possibilité d’une impératrice comme symbole de l’État dans le futur. Selon l’historien Hideya Kawanishi cité par le Straits Times, il s’agit d’abord et avant tout d’une question de société : « Pour eux, le statut de l’homme sera toujours supérieur à celui de la femme. »
Par Emeric Des Closières

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