Politique
L'Asie du Nord-Est dans la presse

La Chine peut-elle choisir entre le Qatar et l'Arabie Saoudite ?

Le président chinois Xi Jinping et le Roi Salman bin Abdulaziz d'Arabie saoudite au China National Museum à Pékin, le 16 mai 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Lintao Zhang)
Le président chinois Xi Jinping et le Roi Salman bin Abdulaziz d'Arabie saoudite au China National Museum à Pékin, le 16 mai 2017. (Crédits : AFP PHOTO / POOL / Lintao Zhang)
Qui Pékin doit-il soutenir pour minimiser ses pertes dans le Golfe ? Alors que les tensions latentes entre le Qatar et ses voisins de la péninsule arabique se sont enflammées ces derniers jours, le South China Morning post s’interroge sur les conséquences de la crise sur la politique étrangère chinoise.
Dans la querelle qui oppose Doha à Riyad, la Chine ne sait qui choisir. Soutenir l’Arabie Saoudite peut sembler naturel : le royaume wahhabite est un de ses partenaires majeurs dans la région, rappelle le quotidien hongkongais. En 2015, les Saoudiens avaient importé pour plus de 23 milliards de dollars de produits chinois. Un chiffre qui n’a pas cessé de monter. Lors de sa visite en mars dernier, le roi Salman a signé des contrats pour près de 65 milliards de dollars supplémentaires et apporté son soutient aux « Nouvelles routes de la soie » (One Belt One Road), le projet phare de Xi Jinping. Si la relation qui unit les deux pays est bien entendu principalement fondée sur les importations d’hydrocarbures, il serait faux de la réduire au simple plan énergétique. La journaliste hongkongaise Kristin Huang le souligne : leur coopération s’étend également à des domaines tout aussi stratégiques. En 1988, c’est bel et bien la Chine qui a fourni à l’Arabie Saoudite, qui venait d’essuyer un refus américain, ses premiers missiles à capacité nucléaire. Pékin a également avancé ses pions suite à la décision saoudienne de diversifier ses capacités énergétiques en 2010. Dès 2012, le Premier ministre chinois Wen Jiabao s’était rendu dans la péninsule pour conclure un accord de coopération sur l’atome civil. Pour Xi Jinping, il serait dommage d’hypothéquer ces avancées patientes par un mauvais positionnement diplomatique.
Pourtant, le choix de Riyad ne va pas nécessairement de soi. Car si les rapports sino-saoudiens sont au beau fixe, les liens avec le Qatar sont tout aussi étroits. Avec 19% de ses apports en gaz naturel liquéfié, le Qatar est le second fournisseur de la Chine après l’Australie. En outre, si les importations qataries de biens chinois ne s’élèvent qu’à 3,77 milliards de dollars, Doha demeure un bon client de Pékin en lui consacrant plus de 11% de son commerce extérieur. Par ailleurs, le petit émirat est un paradis pour les entreprises chinoises du BTP. Selon le South China Morning Post, pas moins de 8 milliards de dollars de contrats dans la construction ont été signés entre les deux pays en 2014. Ils concernent des routes, des ponts, des ports, des structures de télécommunications mais surtout l’un des stades prévus pour la coupe du monde de 2022. Difficile pour la République Populaire de lâcher le Qatar aussi facilement.
Cette querelle entre les pays du Golfe n’est pas une petite crise pour le président Xi Jinping. Depuis 2004, la Chine menait des négociations pour la mise en place d’un accord de libre-échange avec le Conseil de Coopération du Golfe, qui rassemble, entre autres, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Cité par le quotidien hongkongais, Li Weijian du Shanghai Institute for International Studies, rappelle que Doha est également un partenaire clé pour la mise en place des « Nouvelles Routes de la Soie ». La Chine a toujours fait preuve de neutralité dans les conflits au Moyen-Orient mais si les protagonistes ne trouvent pas vite une sortie de crise, elle risque de se retrouver sans interlocuteur pour mener à bien ses projets économiques dans la région.
Par Emeric Des Closières

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