Politique

Anne Genetet : "Donner une majorité à Emmanuel Macron"

Anne Genetet lance sa campagne sous l'étiquette La République en Marche (LRM) lors d'une réunion à l'ambassade de France à Singapour le 20 mai 2017. (Source : Youtube)
Anne Genetet lance sa campagne sous l'étiquette La République en Marche (LRM) lors d'une réunion à l'ambassade de France à Singapour le 20 mai 2017. (Source : Youtube)
Plus l’ombre d’un doute. Aujourd’hui, pour Anne Genetet, candidate de la République en Marche à la 11ème circonscription des Français de l’étranger, tout est cohérent. Son engagement pour Emmanuel Macron à qui elle veut donner une majorité absolue pour appliquer son programme, et son expérience de Française de l’étranger implantée de longue date. Installée à Singapour depuis 2005, elle se considère comme « une candidate du terroir ». Consultante indépendante, elle aide les familles à « gérer l’urgence pédiatrique », c’est-à-dire comment soigner son enfant dans un environnement asiatique. Très investie dans des groupes de soutien qu’elle a elle-même créés pour les familles sans enfants ou pour les étudiants en difficulté, elle a longuement hésité avant de présenter sa candidature au mouvement d’Emmanuel Macron. Parmi ses propositions pour les Français d’Asie : faire baisser les frais de scolarité et donner un meilleur accès à la protection sociale. Entretien.

Contexte

C’est l’une des circonscriptions qui compte le moins d’électeurs, mais l’une des plus vaste en terme de superficie. Mieux vaut aimer l’avion, si un jour vous souhaitez être candidat à la députation pour la onzième circonscription des Français établis hors de France. Créée en 2010 à la faveur d’un redécoupage, la circonscription Asie-Océanie comprend 49 pays, pour 92 707 inscrits sur la liste électorale consulaire au 31 décembre 2016, indique notre partenaire lepetitjournal.com, soit la 9ème circonscription en terme d’électeurs. Au deuxième tour de la présidentielle 2017, les Français d’Asie et d’Océanie ont voté à 87,51 % pour Emmanuel Macron et à 12,49 % pour Marine Le Pen. Au premier tour, ils étaient 39,2 % à se prononcer pour Emmanuel Macron, 29,6 % pour François Fillon et 13,7 % pour Jean-Luc Mélenchon. Quatorze candidats sont en lice dans la onzième circonscription pour ces législatives 2017, dont les premiers et deuxièmes tours se dérouleront les dimanches 3 et 17 juin pour les Amériques et les 4 et 18 juin dans le reste du monde. Demandez les programmes ! Asialyst leur ouvre ses colonnes.

Quel est le sens de votre candidature ?
Anne Genetet : Il y en a deux. Le premier est de suivre et soutenir un homme, Emmanuel Macron, au parcours et à la vision exceptionnels, et dans lequel je me reconnais entièrement. Le second sens, c’est d’avoir sur mon parcours la cohérence de rendre à l’État français ce qu’il m’a donné. Quand on voyage, on apprécie encore plus d’avoir une pays comme la France, un pays de liberté et d’éducation gratuite. Je viens d’un milieu social sans problème mais je me suis toujours sentie redevable. J’ai beaucoup de chance donc j’avais envie de participer à l’effort national, à cette construction nationale.
Pourquoi s’engager pour Emmanuel Macron ?
D’abord, je n’ai jamais eu d’engagement politique auparavant car aucune offre politique ne correspondait à mes valeurs et convictions. En revanche, j’ai toujours eu une appétence pour la chose politique. J’ai toujours beaucoup discuté pour comprendre le sens de l’action du citoyen dans son pays. Puis est arrivé Emmanuel Macron avec son offre différente : cet équilibre très fin entre d’un côté une protection de l’individu, qu’il met au centre des ses préoccupations, et de l’autre, la liberté qu’il veut lui donner afin de lui permettre de s’épanouir. Voilà quelqu’un qui rassemble, essaie d’écouter, de comprendre, de convaincre avec l’unique but d’agir efficacement, et cela a tout changé. Avant la publication de son livre Révolution, c’était déjà pour moi une révolution politique.
Il y a un an, en avril 2016, comme tout le monde, je me demandais quel serait le devenir de cet homme. La meilleure façon de le suivre a été pour moi de le voir de l’intérieur. En mai, j’ai adhéré à la plateforme En Marche ! puis en juillet au comité EM! de Singapour car j’en connaissais l’animateur. Nous avons eu une réunion de réflexion sur les smart cities, l’essor des entreprises, le brassage d’idées, avec une liberté de pensée que je n’avais jamais vue ailleurs depuis que je refaisais le monde avec mes copains de prépa ! Lorsque Macron a annoncé sa candidature en novembre dernier, j’ai décidé d’aller plus loin et d’être force de proposition : en décembre, j’ai commencé à militer.
Avec un an de recul, un homme qui est capable de faire ce qu’il a fait en un an, c’est formidable ! Je me rappelle de la conférence de presse de Stéphane Le Foll le 12 mai 2016. Interrogé sur les rumeurs à propos de Macron qui aurait peut-être l’idée d’être candidat à la présidentielle, Le Foll a répondu : « C’est un canular ! » Mais à mes yeux, si Macron a été capable de faire ce qu’il a fait et de devenir président, il ne peut pas être dans le calcul personnel. Il est vraiment là au service de la France. En décembre, j’étais donc militante de base pour contribuer sur les réseaux sociaux et par tous les moyens à rendre visible son programme. Ma candidature, je l’ai déposée en mars.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour vous porter candidate ?
Je n’ai jamais eu avant l’idée d’être candidate, même quand Macron a divulgué sa méthode de gouvernement, moitié avec des hommes, moitié avec des femmes, et avec la société civile. Je ne me suis en rien sentie concernée par son appel, car ç’aurait alors été pour moi basculer dans le monde politique, une forme de professionnalisation que je n’imaginais pas. Je me suis mise des barrières ; ce n’était pas le moment ; je n’avais sans doute pas le bon profil.
Et puis Macron a lancé son appel au femmes en janvier dernier. Il n’était pas content qu’il y ait aussi peu de femmes candidates à la candidature En Marche ! – seulement 15%. Il a dit qu’il n’y avait pas de raison : « Je vous ouvre la porte et vous n’entrez pas. » Je me suis rendu compte qu’il avait raison, que je me mettais des barrières qui n’avaient pas lieu d’être. J’ai pris le temps de la réflexion personnelle et avec ma famille, et je me suis rendu compte que c’était possible. Lorsque j’étais à l’école, j’étais déléguée de classe active, puis je me suis impliquée dans des associations dont j’ai pris le leadership. Mais je ne franchissais pas le pas de la politique car il fallait que cela corresponde à toutes mes valeurs, sinon ce n’était pas la peine. Tout ou rien.
J’ai donc déposé ma candidature début mars. J’ai dû rédiger une lettre de motivation, dire la cohérence avec mon parcours et ce que je proposais en tant que membre de la société civile. Au départ, je suis médecin, puis je suis devenue journaliste puis concepteur médicale d’une agence de publicité, puis consultante en crises sanitaires en entreprise pour de grands groupes, et aujourd’hui auto-entrepreneur avec mon offre propre. Je m’intéresse à la gestion par le grand public (des assistantes maternelles aux parents) de l’urgence pédiatrique – un enfant qui se fait un hématome, se casse une dent, subit une fracture. l’objectif final étant de leur apprendre à prendre une décision raisonnable, à faire la part entre l’émotion et les éléments objectifs de façon à utiliser au mieux le système de santé. Cela fait des économies pour beaucoup de parents qui vont consommer des offres de soins dans des cliniques chères. Je leur apprends plutôt à gérer eux-mêmes la situation.
Mon fil conducteur ? je mets l’humain au centre de tout. J’ai besoin de transmettre des connaissances, d’écouter, de comprendre, de convaincre. C’est toujours ainsi que j’ai fonctionné et c’est exactement ce qu’on demande à un député : écouter ses électeurs, comprendre leurs attentes, leurs réussites, leurs échecs et leurs besoins ; puis être force de proposition afin de convaincre nos confrères députés, les directeurs de cabinet, les ministres, d’accéder aux attentes et aux besoins ; et puis revenir vers les électeurs et les convaincre du bien-fondé de ce qu’on a obtenu.
Que proposez-vous à vos électeurs, les Français d’Asie-Océanie ?
C’est très simple : permettre à Emmanuel Macron de mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu. Soyez cohérents : Macron a été bien élu. Au 1er tour, on voit que l’ensemble du corps électoral a exprimé un rejet de la classe politique et qu’ont émergé des groupes différents. A part le Front National connu depuis longtemps et jamais en position de gouverner, il est apparu d’un côté la France Insoumise qui n’a jamais gouverné et porteuse d’une offre nouvelle, et de l’autre, Emmanuel Macron. Celui-ci a proposé un projet de transformation de la France, quasiment révolutionnaire sur certains sujets ; tout cela avec beaucoup de modération. C’est un projet qui ne casse en rien le modèle existant français social et économique. Si on veut aboutir à cette transformation, il faut aller jusqu’au bout. Il faut que La République en Marche fasse entrer 289 députés à l’Assemblée le 18 juin prochain.
Nous sommes députés de la nation et allons travailler à l’Assemblée pour l’ensemble de la nation. La République en Marche a envoyé 20 000 questionnaires à nos concitoyens à la suite de quoi nous avons fait des propositions. Les Français de l’étranger sont peu connus. Ils sont représentés par 11 députés sur 577, dont les sièges ont été créés il y a seulement 5 ans. On a donc peu de recul. Il n’en faut pas moins inscrire les attentes de ces électeurs dans le projet Macron. Premier point, l’éducation et l’accès au réseau des écoles françaises de qualité. Il convient à la fois de donner plus d’autonomie aux établissements et de travailler sur les frais de scolarité qui sont tellement exorbitants, voire prohibitifs, que certaines familles doivent même rentrer en France. Il faut encourager des structures accessibles et reconnues comme les FLAM et les établissements qui ont le label France Éducation.
Deuxième point exprimé par les Français de l’étranger et d’Asie en particulier : permettre une plus grande facilité d’accès à la protection sociale. Lorsqu’on quitte l’Hexagone, on sort des radars de la protection sociale métropolitaine. Nous avons la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) mais elle est insuffisamment connue. Or lorsqu’on revient ensuite en France, l’inscription préalable à la CFE permet un retour plus facile. Il faut aussi améliorer la question des retraites. Décider d’un retour en France pour liquider sa retraite, ce n’est pas si aisé. Inversement, il faut aussi gérer la situation de ceux qui partent en Asie pour leur retraite.
Vous proposez aussi d’améliorer les liens entre les Français d’Asie et leurs représentants sur place. De quelle manière ?
C’est mon troisième point. Les Français en Asie-Océanie disposent de conseillers consulaires, de sénateurs de l’étranger en plus d’un député. Or beaucoup quittent la France en pensant qu’il n’y a rien qui existe pour garder le lien avec nos structures. Les conditions d’accès au vote se sont trouvées compliquées par la suppression un peu brutale du vote électronique. Il est particulièrement important de créer un lien car chaque Français qui part en Asie est un petit ambassadeur de notre pays, nécessaire pour préserver notre culture, notre langue, notre façon d’être et de pensée. Il nous faut être présents partout et donc garder un lien sinon on perd une partie de sa culture et de ce qu’on est.
Vous souhaitez aussi continuer la « diplomatie économique » en Asie…
Oui, c’est ce que Laurent Fabius avait initié. Les Français à l’étranger et en Asie en particulier sont une force de travail et un ensemble de talents. Il faut poursuivre cette diplomatie et l’encourager. La zone Asie est un terreau propice pour beaucoup de jeunes Français qui partent y fonder des startups. Certains avec de la réussite d’autres avec des échecs. Il faut accompagner ces jeunes avec des structures françaises mais aussi locales comme à Hong Kong, Singapour (qui fait des ponts d’or pour les jeunes chercheurs en neurosciences), au Japon ou à Shenzhen en Chine. Je prends l’exemple d’une jeune femme qui est partie en post-doc au Japon, et qui y est restée. Tant mieux pour le Japon mais la France a perdu un talent. Il faut dont un partenariat qui nous permette d’exister, d’assurer une présence équilibrée, et qui ne soit pas à l’avantage d’un pays tiers et au désavantage de la France.
IL existe déjà des structures de financement. Le député, lui, est un catalyseur en ce qu’il peut aider à donner de la visibilité à certains projets : avoir connaissance d’une initiative dans un pays d’Asie et déclinable ailleurs. C’est ce que beaucoup d’entrepreneurs attendent de nous. Si une entreprise reçoit un prix, il faut un suivi derrière. Le député fait le lien avec l’État, par exemple pour les entreprises qui veulent se réimplanter en France. Il faut percevoir le député comme un lien avant d’être un distributeur d’argent. La réserve parlementaire ? On ne sait pas encore à quelle sauce elle sera mangée. Un député sert parfois à mettre le doigt sur un détail d’une loi, sur un amendement, qui peut faire basculer la vie d’une entreprise. Avec En Marche !, on va chercher les points de blocages des acteurs sur le terrain. Mon message est donc : si vous voyez un point de blocage, ne vous dites pas que ce n’est pas la peine d’en parler au député. Au contraire, ce sont les petits cours d’eaux qui font les grandes rivières. Travaillons sur ce qui existe, sur ce qui bloque et levons les cailloux un à un sur le chemin de notre développement.
Quelle doit être la stratégie européenne de la France en Asie ?
l’Europe doit avoir une voix forte en Asie. Sur certains marchés, la France toute seule peut avoir du mal. D’ailleurs, les grandes entreprises présentes en Chine ont tiré la sonnette d’alarme : si la France parle toute seule, les Chinois n’écouteront pas sur les normes, l’équilibre des échanges, et surtout la réciprocité. C’est évident : la réciprocité entre deux pays comme la France et la Chine, c’est compliqué. Elle est plus facile à travailler au niveau de l’Europe. Elle est déjà présente mais il ne faut pas la laisser tomber et se concentrer seulement sur des priorités régionales franco-françaises.
Comment se passe votre campagne dans cette circonscription à 49 pays ?
Je n’ai pas encore le talent d’ubiquité, mais il faut être un peu sioux. Je suis comme les autres candidats, même si je suis partie avec plus de retard. La campagne se gagne au contact des électeurs. Les candidats ont choisi l’e-mailing. Il faut le doubler autant qu’on peut avec la visioconférence. Cela permet de me présenter physiquement pour montrer ma passion, ma détermination, mon envie d’avancer et de gagner ; et puis enfin, cela permet un contact direct, en face à face. Devant faire campagne sur environ deux semaines, je me suis concentrée sur les zones où beaucoup d’électeurs sont inscrits et je me rendrai aussi sur les autres si je passe le 1er tour. Je rencontre une grande variété d’électeurs, des chercheurs, une créatrice de festival de photo, nos consuls et responsables de nos consulats, sans oublier les associations de solidarité, d’entraide ou d’accueil qu’ils représentent. Pour le moment, j’ai rendu visite à Pékin, Shanghai, Singapour, Kyoto, Tokyo et Hong Kong. Demain [ce mardi 30 mai], j’irai à Sydney ; après-demain à Melbourne, puis à Sydney pour clôturer ma campagne. J’ai pu organiser des visioconférences avec la Russie et l’Inde. Avant d’aller au Japon, j’ai fait des visioconférences, notamment une où les « marcheurs » japonais avaient fait venir des personnes pour nouer un premier contact avec les électeurs. J’ai évidemment fait une visioconférence avec tous les représentants des comités En Marche ! pour me présenter à eux.
Comment les Français d’Asie ont-ils évolué ces dernières années ?
Globalement, les Français d’Asie sont plus nombreux avec 92 000 inscrits et votants, sans compter les enfants, les moins de 18 ans et les non inscrits. C’est l’équivalent d’une belle ville française. Par rapport à 2012, il y a une forte progression, avec des inégalités bien sûr : la communauté a augmenté à Hong Kong et au Japon tandis qu’elle a diminué à Shanghai. Sur l’évolution des statuts, des entreprises qui continuent d’envoyer des cadres avec un package d’expatrié comprenant le logement et l’éducation, beaucoup proposent désormais de passer à un contrat local une fois qu’ils sont installés en Asie. Ce profil tend à disparaitre de plus en plus, comme chez les Anglais et les Américains. Donc, on compte beaucoup plus de familles en contrat local, qui n’ont donc plus de protection sociale inclue. En même temps, de plus en plus d’étudiants français viennent en Asie, toujours plus de campus viennent s’installer. Entre le Volontariat international en entreprise (VIE) et les Volontaires de solidarité internationale (VSI), se dégage un profil de jeunes de 25-35 ans qui viennent tenter leur chance en Asie. Soit des profils très organisés qui ont anticipé, soit qui viennent sans projet et improvisent.
Comment évaluez-vous vos chances d’être élue députée ?
Je suis très pragmatique, je fais mon travail de campagne. J’ai de fortes raison de croire que beaucoup de Français vont y adhérer. Si autant d’électeurs me donne leur voix qu’à Emmanuel Macron lors de la présidentielle, je ne suis pas en mauvaise posture. Bien sûr, je ne m’appelle pas Macron ! Je suis optimiste mais pondérée.
Propos recueillis par Joris Zylberman

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A propos de l'auteur
Joris Zylberman est directeur de la publication et rédacteur en chef d'Asialyst. Il est aussi chef adjoint du service international de RFI. Ancien correspondant à Pékin et Shanghai pour RFI et France 24 (2005-2013), il est co-auteur des Nouveaux Communistes chinois (avec Mathieu Duchâtel, Armand Colin, 2012) et co-réalisateur du documentaire “La Chine et nous : 50 ans de passion” (avec Olivier Horn, France 3, 2013).