Politique
Législatives 2017 - Français d'Asie

Rong Trinh : "Si je suis élu, je tenterai de rendre sa dignité à la France"

Rong Trinh, candidat UPR à la 11ème circonscription des Français de l'étranger. (Crédits : DR)
Rong Trinh, candidat UPR à la 11ème circonscription des Français de l'étranger. (Crédits : DR)
C’est un chef d’entreprise âgé de 42 ans qui se présente sous l’étiquette UPR (l’Union Populaire Républicaine de François Asselineau) dans cette bataille des législatives pour la 11e circonscription des Français établis hors de France. Venu de la société civile, Rong Trinh est pour la première fois candidat à la mandature. La jeunesse relative du candidat n’empêchant pas ici l’expérience et les idées défendues sur son blog. Voilà en effet quinze ans que cet entrepreneur est basé à Hô-Chi-Minh-Ville où il représente des marques françaises à l’exportation. Né à Lyon dans une famille indochinoise, Rong Trinh n’oublie pas qu’il est un produit de l’école républicaine et laïque. Il n’oublie pas non plus l’engagement humanitaire et pacifique de ses parents. Parmi ses propositions : une fusion des missions économiques et des chambres de commerce, un « véritable » service public rendu aux entreprises françaises à l’étranger ou la mise en place d’un comité pilote pour aider les industries françaises désirant exporter vers l’Asie.

Contexte

C’est l’une des circonscriptions qui compte le moins d’électeurs, mais l’une des plus vaste en terme de superficie. Mieux vaut aimer l’avion, si un jour vous souhaitez être candidat à la députation pour la onzième circonscription des Français établis hors de France. Créée en 2010 à la faveur d’un redécoupage, la circonscription Asie-Océanie comprend 49 pays, pour 92 707 inscrits sur la liste électorale consulaire au 31 décembre 2016, indique notre partenaire lepetitjournal.com, soit la 9ème circonscription en terme d’électeurs. Au deuxième tour de la présidentielle 2017, les Français d’Asie et d’Océanie ont voté à 87,51 % pour Emmanuel Macron et à 12,49 % pour Marine Le Pen. Au premier tour, ils étaient 39,2 % à se prononcer pour Emmanuel Macron, 29,6 % pour François Fillon et 13,7 % pour Jean-Luc Mélenchon. Quatorze candidats sont en lice dans la onzième circonscription pour ces législatives 2017, dont les premiers et deuxièmes tours se dérouleront les dimanches 3 et 17 juin pour les Amériques et les 4 et 18 juin dans le reste du monde. Demandez les programmes ! Asialyst leur ouvre ses colonnes.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous porter candidat à ces législatives ?
Je considère que c’est le devoir sacré de tout citoyen de se lever pour protéger l’indépendance de son pays, la démocratie quand elle est menacée et nos libertés quand elles sont surveillées. Je suis un père de famille et je veux céder à mes enfants une France meilleure que celle que mes parents m’ont donnée. Une France plus juste socialement, un France libre et indépendante des forces de l’argent qui tentent de l’asservir.
Qu’entendez-vous par une France plus indépendante ?
En quinze ans, nous enregistrons une dégradation constante des positions commerciales, diplomatiques et culturelles de la France sur l’ensemble de la zone. La raison, c’est la dilution de la voix de la France, la dilution de l’influence de la France au sein de l’Union Européenne. Pour redresser la barre, il nous faut donc reprendre nos leviers de souveraineté car nul autre qu’un dirigeant français n’est capable de défendre les intérêts de la France.
« Depuis quinze ans que je suis au Vietnam, je constate un retrait constant de l’influence diplomatique, culturelle et commerciale de la France. »
Pour ce qui concerne la 11e circonscription et le Vietnam où vous vivez, comment se traduit cette perte d’influence que vous décrivez ?
L’Union Européenne souhaite que l’on cède notre siège de permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU à l’Union Européenne. Elle veut fusionner les chambres de commerce françaises avec la chambre européenne de commerce. La disparition annoncée des représentations commerciales françaises fusionnées dans les EuroChams, je m’y oppose fermement ! L’Union Européenne cherche à angliciser au maximum les systèmes éducatifs en Asie et la francophonie est donc un obstacle qu’il faut abattre. Le résultat, c’est le retrait constant, depuis quinze ans que je suis au Vietnam, de l’influence diplomatique, culturelle et commerciale de la France. Donc il faut retrouver notre souveraineté sur ces piliers, car nul autre qu’un dirigeant français, un député français par exemple, n’est légitime et n’est compétent pour défendre les intérêts de la France. De par mon histoire personnelle et mon passé d’entrepreneur, je considère qu’être député sur la zone Asie-Pacifique est un point crucial pour le commerce extérieur de la France. Si on veut redresser notre pays, il faut exporter. Or, la seule et unique zone où l’on pourra trouver de la croissance pour l’exportation, c’est l’Asie ! Être député, c’est donc être un acteur économique essentiel pour aider les entreprises françaises à exporter sur la zone.
N’est-ce pas déjà le rôle de nos ambassades et des chambres de commerces françaises à l’étranger ?
On constate la faillite de ce que vous venez de dire depuis quinze ans. Les institutions ne fonctionnent pas correctement parce qu’elles ont été parasitées par l’Union Européenne. Les intérêts de la France sont désormais parasités par les intérêts divergents et contradictoires que l’on constate au sein des instances de l’Union Européenne. Concrètement, je m’oppose à la fusion des chambres de commerces ou des antennes commerciales avec la chambre de commerce européenne. Les chambres de commerce européennes représentent les 28 pays de l’Union Européenne, ça ne marche pas ! Il faut que ce soit des institutions gérées par la France, dans le seul et unique objectif d’aider les entreprises françaises. Au cas par cas, nous verrons s’il s’agit de conserver les chambres de commerce ou les missions économiques issues du Ministère des Affaires étrangères. Moi je suis pour une fusion des missions économiques et des chambres de commerce selon le rapport de force de chacun dans chaque pays.
Sur votre blog, vous défendez également l’idée de services offerts aux entreprises françaises en Asie…
Au niveau commercial par exemple, j’estime que l’intelligence économique devrait être fournie gratuitement aux entreprises, il ne faut pas qu’elle soit payante. L’intelligence économique, c’est-à-dire les études de marché, doit être produite gratuitement pour les entrepreneurs français qui s’installent en Asie. C’est un service qui pourrait être proposé par les missions économiques. Les chambres de commerce font de l’argent, elles sont obligées de vendre leur intelligence. C’est pour ça que je suis pour la fusion des chambres de commerce et des missions, pour qu’elles puissent rendre un service public. Une mission de service public, à savoir offrir de l’intelligence économique, diplomatique et culturelle gratuite aux acteurs qui le demandent. Je n’ai pas une position dogmatique, c’est vraiment du pragmatique au cas par cas. Il y a des pays où il n’y a pas de missions, où la mission est ridicule, d’autres où la chambre de commerce est très bien… Il y a même des pays où il y a deux chambres de commerce. Sur la zone Asie en tout cas, le commerce extérieur doit être l’alpha et l’oméga d’un représentant à la députation.
Depuis quelques année, cette « diplomatie économique » que vous prônez a été mise en place par les dirigeants européens, à commencer par David Cameron et Manuel Valls en France.
Il faut savoir de quoi on parle. On nous a bassiné pendant des années avec la « diplomatie économique » qui ne vaut que si notre diplomatie est indépendante ! Si notre diplomatie était aux services des intérêts de la France, la diplomatie économique aurait un sens ! Oui ou non, je vous pose la question ? Or notre diplomatie n’est pas indépendante, elle n’est pas au service de l’intérêt général. Elle est au service d’intérêts ou de groupes de pression privés ou étrangers. C’est la même chose pour la « diplomatie économique » française.
Quelles sont les autres réformes que vous proposez ?
J’entends assouplir les démarches de visa pour la France et les partenaires commerciaux cherchant à signer des contrats commerciaux avec la France. J’entends aussi utiliser l’image de la France comme un argument compétitif vis-à-vis de la concurrence des Coréens, des Chinois…
En créant une sorte de label du « made in France » ?
Oui, un label, une image de marque et du savoir-faire français. Il faudrait, par exemple, créer un comité pilote coordonnant l’ensemble de l’action des acteurs sur le terrain tels que les grandes sociétés de distribution en France. Il faut savoir que Carrefour et Casino sont leaders en Chine et en Thaïlande. Air France, Business France, les acteurs culturels et éducatifs doivent tendre vers un seul et unique objectif : aider le tissu industriel français à exporter vers l’Asie. Notre industrie se délite complètement en France, c’est une catastrophe ! Il faudrait des acteurs de l’État, par exemple des députés, qui forceraient les acteurs français à travailler ensemble.
« Je suis importateur de produits français au Vietnam, et cela fait quinze ans que les grands groupes français de distribution refusent de prendre mes produits. »
Avez-vous des exemples concrets ?
Prenons simplement l’exemple des grands groupes français de la distribution. Casino, Auchan et Carrefour sont les leaders mondiaux de la distribution et ces gens-là refusent mordicus de distribuer des produits made in France. J’en sais quelque chose… Je suis importateur de produits français depuis quinze ans au Vietnam, et cela fait quinze ans que je reçois des refus successifs de Casino qui refuse de vendre mes produits. Alors qu’on parle ici des plus grandes fortunes de France. Des fortunes qui ont été faites dans les années 1980 parce que le législateur a sacrifié le corps social français, à savoir nous-mêmes et en particulier le commerce de proximité, pour construire les grandes centrales de distribution que l’on connaît. En retour, le corps social français demande à ce que ses grands groupes de distribution aident le corps social français, mais ces gens-là refusent ! Il sera donc du devoir du député que je serai de mettre ces grandes fortunes devant leurs responsabilités et de [les obliger à] être un minimum patriote dans leurs actions commerciales en Asie.
Comment définir ce « patriotisme économique » ?
En réalité, je n’aime pas trop ce terme de patriotisme. Je fais appel ici, non pas à leur patriotisme, mais à ce qui reste d’humanité chez eux. Êtes-vous encore dans le sens commun ? Cela fait quinze ans que j’ai des refus successifs ! J’ai des marques comme Petrol Hahn, Bourgeois, Le Petit et Casino refuse de les distribuer ! Par ce qu’ils veulent 40% de profit et je ne suis pas capable de le leur donner. Si j’étais made in China, made in Vietnam, je pourrais leur donner 40%. Mais moi je suis que made in France, je paye mes taxes ! Nous, on a de la qualité, du savoir-faire, de l’amour dans le produit. Et tout cela a forcément un coût. Donc je ne leurs donne que 25% à prendre ou à laisser, sinon je perds de l’agent. L’Oréal, fait ses produits en Chine et crée des emplois en Chine. Moi j’ai choisi depuis quinze ans de ne distribuer que des produits français faits en France, et je crée des emplois en France. Je tiens ce discours devant des Français qui ont les plus grandes centrales de distribution en Asie, ils me disent : « Monsieur, on s’en moque ! Ce que l’on veut c’est que vous nous donniez du profit par ce que nos actionnaires et mon chef me demandent du profit. » On pourrait ainsi doubler le chiffre d’affaires de toutes les PME françaises. Il faudrait juste avoir le courage de dire à ces messieurs Leclerc, Casino et Auchan : Le corps social s’est sacrifié pour vous dans les années 1980, messieurs les milliardaires, rendez la pareil au corps social, sinon on prendra les mesures nécessaires !
C’est en quelque sorte le modèle américain du Patriot act ?
Tous les pays du monde sont aujourd’hui souverains de leur destin, sauf vingt-huit qui ont décidé de donner leur souveraineté ou de la partager avec la commission de Bruxelles. Mon engagement sur la zone sera un engagement pour aider le commerce extérieur français. Mon deuxième engagement, parce que des pays tels que l’Iran, la Russie, les deux Corées et la Chine font partie de la circonscription, ce sera d’être un député pour la paix et la fraternité des peuples. Je suis pour la négociation et la discussion en matière diplomatique. Je suis contre les discours belliqueux, les discours va-t-en guerre. Je suis contre un alignement servile sur les intérêts de l’OTAN qui sont contre-nature avec les intérêts de la France. J’aurai donc le courage d’informer mes concitoyens sur la réalité de ces pays et d’œuvrer pour la paix et la fraternité des peuples. C’est un aspect très important de ma mandature et de mon engagement. Je suis d’origine vietnamienne, mes parents ont connu la guerre, mes grands-parents ont connu la guerre, je ne souhaite à personne de connaitre la guerre.
Comment percevez-vous vos principaux adversaires ?
Comme beaucoup de Français, j’ai un grand malaise, un malaise indicible, consécutivement à l’élection de Monsieur Macron. Par ce que, comme disait Einstein, la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. A appliquer les mêmes recettes, on aura les même résultats.
Vos parents étaient médecins engagés dans l’humanitaire. C’est un engagement auquel vous restez attaché ?
Oui c’est un engagement que m’ont transmis mes parents. Je n’oublie pas non plus que je suis un produit de l’école républicaine, publique, laïque et gratuite. Je serai et je suis un grand défenseur de l’école laïque, gratuite, formatrice, émancipatrice et citoyenne.
Quelles sont les besoins des entrepreneurs aujourd’hui en Asie ?
Je suis basé à Hô-Chi-Minh-Ville et voilà quinze ans que j’exerce mon métier avec passion et difficultés. Je vis dans ma chair l’humiliation de cette baisse d’influence de la France. Pour la petite histoire, la dernière fois où j’ai été fier d’être Français, c’était juste après le discours de Monsieur de Villepin à la tribune des Nations Unies en 2003. A l’époque, la France était encore indépendante, puisqu’elle n’avait pas encore ratifié le traité de Lisbonne de 2009. Et surtout elle s’est opposée à la guerre immorale et illégale du point de vue du droit international en Irak. Ce jour-là, je m’en souviens encore… Ce jour-là, les Vietnamiens m’accostaient dans la rue en m’embrassant, en me serrant la main en disant : Vive la France ! Oui mes amis vietnamien me téléphonaient, ils venaient me voir en m’embrassant, presque en pleurant, en disant « Vive la France » ! Le lendemain, une horde de Vietnamiens s’est même précipitée à l’Institut culturel français pour s’inscrire au cours de français. Cela c’est passé comme ça, je ne mens pas ! En conclusion : être député de la 11e circonscription des Français établis hors de France, c’est avant tout rendre sa dignité à la France.
Propos recueillis par Stéphane Lagarde

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A propos de l'auteur
Stéphane Lagarde est l'envoyé spécial permanent de Radio France Internationale à Pékin. Co-fondateur d'Asialyst, ancien correspondant en Corée du Sud, il est tombé dans la potion nord-est asiatique il y a une vingtaine d’années.