Economie
Le Regard de Chine Magazine

Chine-Madagascar : la présence économique chinoise toujours contestée

Lac Anosy, Antananarivo, Madagascar. Crédits : Chine Mag / Sascha Grabow
La présence chinoise dans la Grande Île suscite des élans d’enthousiasme de la part du gouvernement malgache, mais créée aussi une vive inquiétude et contestation dans la population.
En visite en Chine pour le Forum de Bo’ao, le président malgache, Hery Rajaonarimampianina n’a pas manqué une seule occasion de saluer « le bon développement des relations entre la Chine et Madagascar ». Or dans la population, le ton est totalement différent. « Tout sauf les Chinois ! » En 2011, les gendarmes sont intervenus dans le quartier chinois d’Antananarivo, Behoririka, pour éviter une émeute, à cause des violences d’un commerçant asiatique sur deux de ses employés malgaches.
Une des nombreuses manifestations anti-chinoises à Madagascar Crédits : Chine Magazine

Entrepreneurs « voyous »

Trois ans plus tard, une manifestation anti-chinoise s’était terminé avec la mort de deux personnes dans la sucrerie Sucoma. Les troubles ont démarré après deux mois de conflit entre la direction de la Sucoma et le personnel, désireux d’avoir des contrats de travail et des augmentations de salaire. Sucoma est devenu le symbole de la contestation des malgaches contre les entrepreneurs chinois, considérés comme des « voyous« . Depuis cet événement tragique, la tension est palpable. Plusieurs mouvements de contestation ont eu lieu dans tout le pays pour dénoncer l’octroi de terre agricole par le gouvernement à des investisseurs chinois. Point d’orgue de ces mouvements, les manifestations à Soamahamanina, qui ont duré plusieurs mois.
La raison de la contestation est alors liée à la présence de la société chinoise Jiuxing et à son projet d’exploiter pendant 40 ans un gisement d’or qui aurait détruit les exploitations agricoles de la ville. Plusieurs cas sont à relever, comme à Betsiaka, où une société chinoise dirige une exploitation aurifère, « avec la complicité de l’État », assure les médias malgaches et la population. Cette dernière pointe du doigt les facilités avec lesquelles les entreprises chinoises obtiennent des permis d’exploitation pour des décennies sur des terrains principalement agricoles.
Face à la recrudescence de la contestation, c’est le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lui même qui a fait le déplacement dans la Grande Île en début d’année pour tenter d’éteindre les braises. « Nous encourageons les entreprises chinoises à développer une coopération avec les pays africains, et en même temps, nous leur demandons de respecter les lois et règlements locaux, et les us et coutumes sur place », a déclaré ce dernier à Antananarivo. Et d’ajouter : « Ils doivent assumer leur responsabilité sociétale, respecter l’environnement écologique et aider à l’amélioration des conditions de vie de la population locale. »
Un rappel à l’ordre qui a rassuré les autorités, uniquement. La chef de la diplomatie malgache, Béatrice Atallah, a indiqué qu’il existait « des soucis concernant des entreprises chinoises » et que « le gouvernement chinois a été saisi de la question. […] On ne peut cependant pas généraliser, car cela pourrait également concerner d’autres entreprises d’autres nationalités. »
Rencontre entre Xi Jinping et Hery Rajaonarimampianina à Beijing en marge du Forum de Bo’ao, mars 2017 Crédits : Chine Magazine
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Trafic de bois rose

En dépit des discours des deux ministres des Affaires étrangères et récemment celui du président Xi Jinping selon qui « la Chine est prête à établir un partenariat global de coopération avec Madagascar », la situation reste tendue. Les « nouveaux » Chinois sont accusés par la population de trafic de bois de rose, d’exploitation illégale des terres, de destruction de terrain agricole, de la pénurie de charbon, qui serait importé vers la Chine en grande quantité, de vol de bovidés, de la pénurie de viande de bœuf, d’empoisonnement par du riz en plastique…
Malgré tout ces griefs, les Chinois sont de plus en plus nombreux à s’installer à Madagascar, et devraient l’être encore plus dans les années à venir. Car Hery Rajaonarimampianina a annoncé la participation de Madagascar à la construction de la Nouvelle Route de la Soie lancée par Pékin, ainsi que l’approfondissement de « la coopération dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et du tourisme dans ce cadre ».

D’autant que la Grande Île détient un taux zéro de droit de douane concernant la quasi-totalité de ses exportations vers la Chine, a indiqué le président malgache. Hery Rajaonarimampianina a assuré que « les entreprises chinoises sont de plus en plus présentes dans différents secteurs malgaches », dont les infrastructures, l’agriculture et l’immobilier. Cette diversification économique satisfait le gouvernement mais pas les patrons malgaches qui font face à une concurrence déloyale, car les produits fabriqués par la Chine sont moins chers et peu ou pas taxés.

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