Jean Tuan : "J'ai eu le privilège de découvrir la Chine avant qu'elle ne s'ouvre à la modernité"
Contexte
Voilà une invitation au voyage, plus qu’une plongée dans un passé oublié. Si ces Mémoires Chinoises commencent sous le dernier empereur de Chine pour se terminer aujourd’hui, c’est pour décrire ce puissant mouvement qui a bousculé l’empire du milliard et demi ces dernières décennies. Le père de l’auteur débarque en France en pleine crise de 1929. Comme la plupart des Chinois arrivés en Europe ces années-là, cela ne l’empêche pas de s’intégrer rapidement à la vie française. Les réseaux de la communauté permettent de trouver rapidement un travail. Puis, on épouse une française avec laquelle on fonde une famille, sans forcement apprendre le chinois aux enfants, mais en leur transmettant une culture et l’envie d’en savoir plus sur leurs racines.
Jean Tuan fait partie de cette génération de Sino-Français partagée entre pays de cœur et pays de souche et qui brûle de découvrir le pays de ses ancêtres. Le voyage qu’il effectue avec son père en 1967 nous entraîne dans la Chine de la Révolution culturelle. Ceux qu’il fera plus tard, seul ou avec son épouse, nous montrent un pays qui a basculé dans le capitalisme, avant de réprimer sa jeunesse au printemps 1989, puis de prendre le train de la croissance à deux chiffres dans les années 1990 et de faire pousser les forêts d’immeubles plus vite que le soja après la pluie.
Du cinéma, plus qu’un diaporama de clichés surannés… Ces pages nous font revivre avec émotion le film d’une époque disparue, elles nous tendent aussi le miroir d’une France de la diversité très attaquée aujourd’hui. A chaque retour de Chine, la capitale française aussi a changé. Un peu moins rapidement que Pékin certes, mais le regard sur l’autre s’est modifié. Si le racisme anti-asiatique a encore de beaux jours devant lui, la réussite économique chinoise est désormais observée avec envie, alors que toutes les cuisines de Chine se retrouvent à Paris.
Un témoignage souvent mélancolique, mais qui laisse peu de place aux regrets. Sauf un, peut-être… Face aux transformations rapides de l’économie chinoise et à son immobilisme politique, l’Occident s’est souvent trouvé déboussolé. La France n’échappant pas aux écueils d’une lecture parcellaire et donc forcement biaisée de la réalité chinoise : « Les pseudos sinologues amis de la Chine et surtout de son régime, écrit Jean Tuan, sont aussi nombreux que les grains dans une marmite de riz. » Au « péril jaune » d’hier, a succédé la « sino-béatitude » d’une partie des dirigeants français et de certains groupes d’affaires aujourd’hui.
Mémoires chinoises : de la Chine impériale à la Chine contemporaine de Jean Tuan, aux éditions CLC.
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