“Les Chinois font un tabac” : quand les Wenzhou passent derrière le comptoir des PMU parisiens
Non seulement tourner un film ne leur rapporte pas d’argent, mais cela risque même de leur en faire perdre puisqu’on envahit l’espace avec la caméra, ce qui décourage certains clients de rentrer. Sans parler de la peur du regard des français et des médias : les chinois étant souvent la cible de reportages télévisés sur le travail au noir ou le blanchiment d’argent. Au bout d’un moment, je me suis presque découragé. J’ai même cru que je ne trouverai jamais. J’ai alors pris une assistante taïwanaise, c’est elle qui m’a conduit à Lin et Alban. Quand je suis arrivé dans ce bar, pourtant petit et mal foutu, je savais que c’était là que je ferai le film. Lin était rayonnante, tous les deux avaient beaucoup de charme, une ouverture d’esprit, une très grande curiosité. J’ai vu tout de suite que ce n’était pas seulement des commerçants qui veulent gagner de l’argent, même si c’est aspect est important.
Malgré cela, leurs proches ont tenté à plusieurs reprises de les décourager. Au bout du 3ème jour de tournage Lin est venue me voir et m’a dit : « il faut que tu arrêtes de tourner, toute la famille nous dit que c’est dangereux, qu’on va dire du mal de nous ». Les parents ne m’adressaient pas la parole, dès que les enfants passaient ils les emmenaient. J’ai eu très peur. Après quelques heures de discussion on a repris le tournage et finalement ils se sont remis dans le bain, sans amertume, sans hésitation. Car ils ont aussi à cœur d’avoir de bonnes relations avec les Français, de s’intégrer et de vivre en France. Ils aiment ce pays même s’ils se moquent parfois des français qui n’aiment que les week-ends et qui sont paresseux.
Cela peut prendre la forme de prêts à taux zéro ou d’une levée de fonds en Chine en échange de parts dans l’affaire. Il existe une association des membres du village d’où vient Alban – en fait une commune de plus de 100.000 habitants autour de la ville de Wenzhou. L’association se réunit tous les ans, un moyen à la fois de s’entraider en France, mais aussi d’aider le village en Chine. Il y a aussi un phénomène d’imitation chez les chinois ; l’un fait quelque chose et les autres suivent, parfois sans très bien savoir ce que les autres font. Il y a d’ailleurs pas mal de bars tabac repris par des chinois qui périclitent faute d’avoir su attirer ou retenir une clientèle. Enfin dernière explication qui a son importance : les bars tabac trouvent difficilement preneurs car c’est considéré comme un métier usant. Lin et Alban sont ouverts six jours par semaine de 10h à 21h et ne ferment qu’une semaine par an. Et avant 10h, ce sont leurs parents qui font l’ouverture dès 6h. Ils n’ont pas de femme de ménage, ni d’employé. Ils viennent d’un pays où on travaille beaucoup, ils sont motivés par l’envie de gagner de l’argent.
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